Chapitre 15

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Étonnamment je n’avais aucune envie de retourner en cours aujourd’hui. Après la déclaration d’Antonin hier je n’avais envie de penser à rien d’autre. Encore moins alors que je le savais en ce moment même dans un train et que je n’allais avoir que très peu de nouvelles pendant une semaine et ça me déchirait un peu le cœur. Mais bon c’était normal, c’était même moi qui l’avait poussé à faire ce voyage donc je devais me réjouir pour lui.

Ce sont mes pensées accaparées par lui que j'arrivais à l'école. Emma m'attendait devant le grand portail. J’eu tout juste le temps de la saluer que Martin arrivait à son tour. Il fallait absolument que je raconte à mes amis tout ce qui m’était arrivée. Le tournant qu’avait pris ma soirée avait plus que chamboulé mes émotions et j’avais besoin d’évacuer ce trop plein.

— Je vous ai dit que j’espérais finir ma fresque hier aux terrains de basket ? amorçais-je le sujet.

Martin était lui aussi au courant à présent. Emma n’avait pas su tenir sa langue. Je ne lui en voulais pas du tout de lui avoir raconté, j’étais même plutôt heureuse qu’elle l’ait fait comme ça je pouvais ouvertement leur parler à tous les deux. J’espérais juste qu’il ne m’en voulait pas de tout lui avoir raconté en retard par rapport à ma meilleure amie.

— Oui ! Et alors, tu as réussi ?

— J’ai réussi ! m’exclamais-je toute heureuse attirant le regard de certains autres étudiants autour de nous.

Je leur montrais mon téléphone. J’avais pris en photo la fresque et l’avais mise en fond d’écran de verrouillage dessus. J’en étais tellement fière que de la voir me remontait le moral au plus haut point.

— Wouah… lâcha Martin en voyant le résultat. C’est vraiment magnifique ce que tu as réussi à faire. Des fois, je me demande ce que tu fous en archi avec un talent pareil.

— Arrête tu exagères. Mais bref, ce n’est pas juste pour vous montrer le résultat que je vous en parle. Mais c’est surtout pour vous expliquer la soirée qu’il y a eu derrière.

— Ho des infos croustillantes ? s’extasia Emma qui adorait toujours autant les potins et encore plus depuis que c’était des potins sur moi.

— Un peu oui…

Je leur racontai le début de la soirée, le repas à la pizzeria, leur promis que je les y amènerai un jour tellement j’y avais bien mangé et finalement vint le moment où je leur expliquai comment ça s’était passé chez moi avec Antonin. Emma était suspendue à mes lèvres comme un enfant devant des histoires de fée et de chevalier. Martin était un peu plus discret dans ses réactions mais je sentais qu’il était tout aussi intéressé.

— On s’est posé un peu dans ma chambre, mais on n’a même pas eu le temps de discuter un peu qu’on a entendu mes parents revenir, enfin on a surtout vu leurs phares. Fin bref, je l’ai fait sortir en douce par la porte de ma chambre et l’ai raccompagnée jusqu’à la route. C’est là qu’il m’a embrassé, et m’a dit je t’aime.

— Votre histoire mériterait d’être un film ! s’écria Emma des étoiles plein les yeux. C’est tellement romantique !

— Tu lui as répondu ? Dis-moi que tu lui as répondu.

— Bien sûr, mais c’était tellement rapide. J’ai adoré ce moment mais j’ai tellement l’impression qu’on me l’a volé. J’aurai voulu que ça dure plus longtemps mais il fallait que je retourne à la maison avant que mes parents ne se rendent compte de quoi que ce soit alors on s’est dit au revoir et aujourd’hui il est parti et je ne vais plus avoir de ses nouvelles pendant une semaine.

— Tu vas voir que ça va passer très vite, tenta de me remonter le moral Emma.

— Une semaine ce n’est rien, en un claquement de doigts il sera déjà revenu.

On n’eut pas le temps de plus discuter que la première sonnerie de la journée retentit. Il était temps pour nous d’aller en cours, et étrangement je n’avais aucune envie d’y aller. On commençait la journée par monsieur Kizo et je n’étais pas du tout préparé mentalement.

Pour une fois, on arriva dans la salle à l’heure et il ne put rien nous dire sur notre retard. On s’installa à nos places habituelles. Je ne sais pas pourquoi j’avais un très mauvais préssentiment. Kizo faisait une tête de six pieds de long, j’avais l’impression qu’il lançait des regards assassin à chaque nouvel élève qui passait le pas de la porte. Ce n’était pas vraiment son style, il était plutôt taciturne d’habitude. Je compris bien vite ce qui se passait lorsque rapidement après la seconde sonnerie annonçant le début du cours, il frappa des deux mains sur son bureau et nous regarda tous un par un avant de prendre la parole.

— Nous avons corrigé vos projets et je suis très déçu de ce que vous nous avez produit. Je m’attendais à beaucoup mieux de la part de certains d’entre vous.

À partir de là, il passa dans les rangs et nous passa à tous une nouvelle feuille avec notre note et leurs appréciations. En arrivant à notre hauteur à tous les trois, il rendit d’abord son résultat à Martin, puis à Emma. Il mit un temps avant de me tendre ma propre feuille et je lus tout l’agacement dans son regard. En voyant ma note de huit sur vingt je ne pouvais que comprendre. Les remarques de mes professeurs étaient pourtant ce qui me mettait encore plus mal : “Le concept présenté manque d’innovation et s’appuie sur des idées déjà largement exploitées, sans apport notable”, “La dimension humaine et fonctionnelle de l’espace urbain est largement ignorée”. Celle qui m’achevait complètement était la dernière : “Les dimensions écologiques et durables, pourtant essentielles dans un tel projet, sont complètement ignorées”.

J’avais voulu parler de ces sujets mais Roman avait repoussé chacune de mes idées et voilà le résultat. J’étais dépitée. En même temps je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même.

— Ce n’est rien, me chuchota Emma. Tu te rattraperas plus tard

— J’espère aussi…

Avec cette première note, je savais que mes parents allaient en faire tout un plat. Je n’avais clairement pas la tête à les entendre me rabacher que les cours étaient importants et qu’il fallait que je les suive assidûment.

Je voulais bien les suivre mais malheureusement aujourd’hui n’était pas la bonne journée. J’étais déjà assez morose de savoir Antonin parti pour en plus penser à la remontrance que j’allais avoir le droit de la part de mes parents.

Je passai le reste du cours à ne suivre que d’une oreille ce que racontait monsieur Kizo. Je préférai gribouiller dans le coin de mon cahier, en attendant que les heures passent et en me lamentant sur mon sort.

Lorsque la sonnerie retentit enfin au bout de la seconde heure, j’avais l’impression d’être complètement amorphe. Je me levai sans grande conviction, rangea mes affaires et suivit Martin et Emma, qui eux, semblaient déjà plus en forme que moi.

— Mélanie, peux-tu rester un instant s’il te plait ? me demanda Kizo alors que je m’apprêtais à passer la porte.

Je fis signe à mes amis d’avancer. Je les rejoindrai plus tard lorsqu’il aura aspiré le peu de mon âme qui restait. Je revins sur mes pas et m’approcha de son bureau.

— Je suis étonné par le résultat de ton projet. Tu as d’habitude de meilleures idées que celle que vous avez proposé avec Roman. Cela ne te ressemble pas ce genre de résultat.

— On a eu un peu de mal à se coordonner avec Roman… répondis-je.

— Donc tu l’as laissé mener la barque n’est-ce pas ?

Je haussai les épaules. Il avait touché juste et je n’avais rien à ajouter de plus.

— Je suis sûr que tu as travaillé de ton côté sur ce projet, au moins les premières esquisses, continua-t-il. Les aurais-tu sur toi ?

Elle devait encore traîner dans ma pochette. Je ne les avais pas enlevés depuis le soir où nous avions travaillé ensemble. Je les sortis et les tendis à monsieur Kizo qui les étala petit à petit sur son bureau sans dire un mot. Une fois tous mes croquis examinés, il releva les yeux vers moi.

— C’est bien dommage que vous n’ayez pas pris plus de tes idées. Ce que tu as fait là est du très bon travail qui aurait mérité une bien meilleure note que ce que nous vous avons mis.

— Sauf que ce n’est pas ça que nous avons gardé, répondis-je las.

— Tu as du talent Mélanie, vraiment. Tu es créative, tes idées tiennent la route, sont innovantes tout en étant réalisables. Tu devrais avoir plus confiance en toi, et plus assumer tes idées. Tu ne devrais pas laisser des personnes comme Roman te dicter ce que tu dois faire. Tu es trop brillante pour ça.

J’étais très étonnée d’entendre de tels compliments de la part de Kizo. Jamais je ne me serais attendu à ce qu’il soit aussi motivant pour moi. Il dut voir mon étonnement au vu du petit sourire qu’il afficha tout d’un coup.

— Si je suis intransigeant avec vous tous c’est seulement parce que je veux tirer le meilleur de vous-même. Vous devez être préparé à faire face à de nombreux obstacles et il n’y a que bien préparés, bien en phase avec vous même et vos convictions que vous parviendrez à avancer.

Ses conseils résonnaient en moi d’une manière inattendue. je crois que cela me faisait du bien de les entendre comme s’il s’agissait de quelque chose que j’attendais depuis un moment sans vraiment le savoir. J’avais besoin qu’on reconnaisse mon talent, ou du moins mon travail et qu’on me dise qu’en continuant ainsi j’allais pouvoir avancer et réussir.

Je remercia mon professeur qui me gratifia d’un nouveau sourire, récupéra mes esquisses et sortit de la salle encore un peu sonnée par cet échange. Pour autant, je me sentais plus en forme que quand la fin du cours avait sonné.

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