Chapitre 16
Je restai de bonne humeur tout le reste de la journée. Moi qui pensais en me levant ce matin que j’allais vivre un enfer aujourd’hui, finalement, les mots de Kizo avait su me donner une barrière contre tout ce qui aurait pu m’atteindre.
Bien sûr je n’oubliais pas le carton que j’avais pris avec Roman mais il était à peine dans mon esprit. Surtout que contrairement à ce qu’Emma et Martin pensaient, monsieur surdoué n’était pas venu me chercher des problèmes vu qu’il savait que c’était de sa faute. J’étais presque heureuse en fin de compte d’avoir eu une telle note.
Lorsque la dernière sonnerie de la journée retentit, j'étais toujours aussi guillerette. Je proposai à mes amis de m’accompagner jusqu’aux terrains mais ils déclinèrent tous deux mon invitation.
J’étais un peu déçue qu’ils ne veuillent pas m’accompagner. J’avais envie qu’ils voient de leurs propres yeux le résultat de ma fresque mais ce n’était pas pour cette fois. Tant pis, je pris tout de même la direction du basket. Antonin n’était pas là mais j’aimais quand même l’ambiance qui y régnait là-bas. En plus, contre toute attente, je m’étais même habitué au bruit des ballons qui rebondissent sur le bitume. Regarder les jeunes du quartier jouer avait quelque chose d’apaisant. Lorsqu’ils étaient entre eux, ils ne cherchaient qu’à s’amuser et passer un bon moment ensemble. On était loin de l’ambiance académique et compétitive de l’école.
Je me mis à marcher et décidai de m’arrêter dans une petite boulangerie à mi-chemin où j’avais à présent l’habitude de prendre un café lorsque je faisais ce chemin. Le gérant était très gentil, il avait toujours un sourire contagieux sur le visage. Il contaminait tous ses clients avec son bonheur et c’était vraiment agréable. Il égaya un peu plus ma journée encore avec sa bonne humeur.
En ressortant de son commerce, j’eu une sensation assez étrange, comme si quelqu’un m’épiait. Je tournai la tête à gauche puis à droite mais personne à l’horizon. Bizarre un peu. Je devenais folle. Je haussai les épaules, pris une gorgée de mon latte et me remis en route.
Je me surpris à jeter plusieurs fois des regards par-dessus mon épaule. Quelque chose me dérangeait aujourd’hui, comme si on me suivait. Je décidai de continuer mon chemin, accélérant tout de même le pas pour arriver plus rapidement aux terrains. Mon cœur s'accéléra dans ma poitrine. J’avais l’impression de revivre cette fameuse nuit où j’avais été accosté après avoir travaillé tard avec Roman à l’école. Sauf que cette fois-ci, je savais qu’il n’y aurait pas d’Antonin pour voler à ma rescousse. Mes doigts se crispaient sur mon gobelet, tandis que j’avais de plus en plus l’impression de manquer d’air.
Lorsque j’entendis enfin le “boum boum” des ballons de basket, je pus enfin respirer et ce n’est qu’en voyant les joueurs et en arrivant au niveau du muret entourant le terrain que je sentis tout mon corps se détendre. Je me retournais une dernière fois mais toujours personne. Je ne savais pas comment j’allais rentrer si je sentais encore cette présence après, mais ne préférais pas y penser.
Je me concentrai sur l’échange qu’il y avait devant moi.
— Mélanie ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Je me retournai et vit Alexis qui s’approcha de moi. Ses yeux ronds montraient qu’il était vraiment surpris de me voir là.
— Je voulais passer un peu avant de rentrer chez moi à la fin de mes cours.
— Tu sais qu’il n’y a pas Antonin ? Il est parti. Pour une semaine.
— Je sais oui. Et alors ? Je n’ai pas le droit de venir s’il n’est pas là ? lui demandais-je à mon tour hébétée.
— Bah… T’as aucune raison d’être là, si lui n’est pas là.
Aïe. Je ne sais pas si Alexis s’en rendait compte mais ses paroles étaient assez violentes. Je les appréciais vraiment tous, même lui alors qu’il se comportait très souvent comme un abruti avec moi, alors je ne comprenais pas pourquoi il me sortait tout ça gratuitement.
— C’est pas contre toi, hein !
Pourtant j’avais la très forte impression que si, justement, c’était contre moi. Depuis que j’étais arrivée ici, il me voyait d’un mauvais œil. Moi qui pensait que nous nous étions un peu rapprochés depuis son match face à ses anciens coéquipiers et ben, il semblerait que je m’étais bien trompée.
— Tu sais quoi ? lui dis-je passablement énervé en soufflant par le nez. Je crois que je vais y aller. Tu salueras les autres de ma part, enfin si ça au moins tu l’acceptes.
Je ne le laissai pas me répondre et fit volte face pour revenir sur mes pas et rejoindre l’arrêt de bus. C’est là que je vis, une tête rapidement se cacher derrière le mur de la résidence. Je devais halluciner.
Je me suis mise en marche d’un pas énergique. S’ils cherchaient tous à m’énerver ce soir, ils étaient en train de parfaitement y arriver. En arrivant à l’angle du bâtiment, je tombai nez à nez avec la personne qu’il me semblait bien avoir aperçu.
— Roman ?! Mais qu’est-ce que tu fous là ? C’est toi qui me suit depuis la fin des cours ? Tu sais que c’est hyper flippant et que je pourrais porter plainte pour harcèlement ?
J’y allais un peu fort mais merde au bout d’un moment, je venais de me faire remballer par Alexis donc je ne comptais pas me faire de nouveaux marcher sur les pieds ce soir, surtout par Roman.
— C’est donc ici que tu traînes maintenant ? C’était qui le garçon avec toi ? Ton copain ? Je suis sûr de l’avoir déjà vu quelque part, c’est quoi son nom ?
— Qu’est-ce que ça peut te faire ? C’est pas tes affaires ! Et puis pourquoi t’es là ?
— T’as vu la note qu’on s’est tapée ? Il parait qu’avec tes idées, on s’en serait mieux sorti. Mais, je n’y crois plus du tout. Maintenant que j’ai vu où tu traînes, tes idées n’auraient pas fait une grande différence, au contraire même. Je pense que tu devrais même me remercier. C’est vrai, grâce à moi tu t’en es plutôt bien sorti au final.
Ce n’est pas vrai. Ce devait être une blague. Il ne pouvait pas être en train de dire, ce qu’il était en train de dire. Je devais être en train de rêver. Il avait foiré notre projet en imposant ses idées à la con et je devais en plus le remercier ?
— Tu peux toujours rêver pour que je te dise merci pour ça. Maintenant, j’aimerai bien que tu me lâches pour que je puisse prendre mon bus et rentrer chez moi. C’est compris ?
— C’est bon, pas besoin de t’énerver. Moi je disais juste ça pour toi. Mais si tu le prends comme ça, c’est pas grave, c’est juste bête pour toi. Mais bref, vas-y je te laisse y aller. Je ne suis pas le méchant de l’histoire, moi, au contraire. La preuve, regarde, je te rappelle que je fais une soirée vendredi soir et que tu es invitée. J’espère que tu viendras et pourras te détendre un peu. Tu as l’air sur les nerfs.
Raah ! Je le plantai là sans rien ajouter sinon j’allais véritablement l’étriper. Je passais devant lui sans lui adresser un regard et allais jusqu’au bus. Heureusement pour moi, il arriva quelques minutes après et je pus enfin m’éloigner de ces deux garçons qui m’avait pourri ma soirée.
Enfin, je pensais ça, mais j’étais bien loin du compte. En arrivant à la maison, mes parents attendaient tous deux assis sur le canapé, silencieux et la télévision éteinte. Et allez c’était reparti pour un tour.
— Mélanie, il faut qu’on parle, commença mon père. Viens t’asseoir avec nous.
Je vins m’enfoncer dans le fauteuil dans le fauteuil en poil blanc et commença à jouer avec la matière de mes doigts pour essayer de me calmer. Ce n’était pas le moment de laisser toute ma frustration sortir.
— On a vu ta dernière note de projet et on commence à vraiment s’inquiéter pour ton parcours scolaire. C’est la première fois que tu nous ramènes de tels résultats et qu’on a écho de problème quant à ton attitude en cours alors on va régler ça avant que ça ne devienne vraiment grave.
— C’est-à-dire ? demandais-je peu sûre de vouloir véritablement la réponse.
— C’est-à-dire fini de rentrer tard le soir après les cours. On te veut à la maison dès que tu as fini. Ainsi tu auras le temps de travailler et de bosser un peu ce que tu ne fais plus.
Il me privait de sortie, vraiment ? Franchement c’était le comble de cette soirée. Je savais que j’avais très peu de marge de manœuvre en ce moment pourtant j’avais tout de même une carte à jouer pour essayer de conserver un semblant de vie social.
— Roman Colin organise une soirée vendredi soir. Je peux au moins aller à celle-là ? Toute la classe y sera, je ne peux pas être la seule à ne pas y aller. Surtout que c’est chez les Colin.
J’insistais bien sur cette information. Sa famille était réputée pour être l’une des familles les plus riches de la ville, pas loin derrière les De Vernet. Et il me semblait que mon père connaissait monsieur Colin, qu’ils étaient de vieux amis alors ça allait pencher en ma faveur.
— S’il ne s’agit que d’une seule soirée alors très bien. Tu peux y aller. Mais attention, ce sera la seule fois. Et puis, ne fais pas de vague chez eux. Comporte toi bien et ne fais pas honte à ton père, insista ma mère.
Je lui promis de faire attention en lui adressant mon plus faux sourire et partit m’enfermer dans ma chambre jusqu’au dîner. Je mangeais mon repas sans un mot et pour une fois je fus la première à fuir la table pour retourner m’allonger sur mon lit.
J’avais vécu de véritable montagne russe aujourd’hui et je me sentais complètement lessivée. J’avais besoin de repos, préférant oublier l’ensemble des événements de la soirée.
J’espérais que demain serait meilleur.
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