Chapitre 17

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La semaine avait tout simplement été horrible. Je l’avais sentie passer comme si j’étais passée sous un train. Les cours m’avaient achevée les uns après les autres, mes parents avaient été sur mon dos chaque soir épiant l’heure à laquelle je rentrais. Je n’avais pas intérêt à perdre une seule minute en sortant des cours. Une minute de perdu, c’était le premier bus de loupé et alors un savon passé par ma mère.

Voilà qu’on était vendredi et que j’étais à la soirée de Roman. Je ne sais même pas pourquoi au final j’en avais parlé à mes parents et j’avais voulu y aller. Il y avait principalement ses amis à lui du club de basket et en fait tous les clubs de sport de l’école. Au final de notre classe, il n’y avait que Martin, Emma, moi et les amis proches de Roman. Autrement dit, nous étions restés tous les trois, une grande, que dis-je, une très grande partie de la soirée.

On s’était trouvé un coin au bord de la terrasse où nous nous étions assis en profitant de l’air frais du soir. J’avais bu un verre, de quoi me donner un peu chaud, en cette fraîche soirée mais j’étais toujours bien sobre. Je crois même que nous étions les seuls à l’être.

En regardant vers l’intérieur, à travers la baie vitrée, on pouvait les voir bouger de manière complètement désordonnée, pas même en rythme avec la musique. Cela faisait peine à voir. Cela faisait à peine deux heures que nous étions là et pourtant j’avais déjà vu quatre élèves venir vomir dans le jardin.

— C’est dégoûtant, se plaignit Emma en voyant un garçon palper les fesses de sa copine, si c’était bien sa copine, à quelques mètres de nous.

— Ils ne peuvent pas se trouver une chambre comme tout le monde ? ajouta Martin. Même moi je ne suis pas dépité au point de sauter sur le premier mec venu.

— Tu devrais peut-être, le charia mon amie.

— Tu parles, il n’y en a aucun passable à cette soirée. On a seulement le droit à des sportifs débiles qui pensent avec leurs muscles. Et puis franchement, tu les as regardé ? Ne me dit pas que tu en trouves ne serait-ce qu’un seul mignon.

— Tu exagères. Avec trois ou quatre verres en plus, je suis sûre que tu pourrais en trouver un à ton goût.

— Dans tes rêves ! Et toi Mélanie tu en penses quoi ?

J’avais écouté mes amis d’une oreille mais sans vraiment avoir le cœur de me joindre à leur discussion. Je me contentai donc de hausser les épaules en reprenant une poignée de chips dans le bol que nous avions piqué.

— Tu ne devrais pas te morfondre, commença Emma. Ton basketteur va revenir, tu le sais.

— Je sais, mais ce n’est même pas ça qui me prends le plus la tête, c’est tout le reste. J’ai l’impression que tout part de travers depuis qu’il n’est plus là.

Comme pour appuyer mes propos, j’entendis une voix crier mon prénom. Une voix que je connaissais, une voix que je sentais très en colère. La voix d’Alexis.

Il était là avec plusieurs autres des terrains juste à l’entrée de la maison de Roman, devant le portail.

Je m’approchais d’eux sans comprendre ce qu’ils venaient faire ici. On était loin de leur quartier, jamais ils n’auraient pu venir ici par hasard et me croiser. Ce n’était pas possible.

— Alors c’est vrai ? s’énerva-t-il en serrant les poings lorsque j’arrivais à leur niveau.

— Qu’est-ce que…

— Tu nous as menti depuis le début. Tu es comme tous les autres de cette école. Une fille à papa qui obtient tout ce qu’elle désire. On t’a fait confiance, on t’a accueilli chez nous et toi tu n’as fait que nous mentir.

— Alexis, attends, laisse-moi t’expliquer.

— Expliquer quoi ? Le fait que tu nous as menti depuis le début, que tu t’es servi de nous ? Tu es exactement comme les autres. Tu te sers quand tu veux. Tu te crois au-dessus des autres.

— Ce n’est pas du tout le cas. Je ne voulais pas vous mentir, mais après je ne savais pas comment vous avouer la vérité.

— Ce n’est pas une excuse. Tu l’as quand même fait ! Tu nous as tous trahi. Je savais que tu n’avais rien à faire chez nous

— Alexis, je suis désolée… tentais-je de m’excuser sans trouver autre chose pour me défendre.

— Laisse tomber Mélanie. Ne t’avise plus de revenir au terrain. Tu n’y es plus la bienvenue.

Sans me laisser plus de temps, il fit demi-tour entraînant les autres jeunes à sa suite. Je vis Lucas me lancer un dernier regard rempli de regrets mais lui aussi suivit les autres.

Je sentis les larmes me monter aux yeux. Je les essuyais du revers de la manche. J’avais du mal à croire ce qu’il venait de se passer. C’était tout bonnement inimaginable. Je ne comprenais tout simplement pas comment cette scène avait pu arriver.

Emma me rejoignit et passa son bras autour de mes épaules pour me ramener vers la maison. Je me rendis alors compte que je tremblais. Tout mon corps était pris de spasmes que je n’arrivais pas à calmer.

— Je savais bien que je l’avais vu quelque part.

Je relevais la tête et vit un Roman, entouré de sa clique, un grand sourire satisfait sur le visage.

— C’est à cause de toi ? demanda Emma en raffermissant sa prise sur mon épaule.

— Je lui ai suggéré de passer dans le coin ce soir oui.

— Mais pourquoi tu as fait ça ? m’énervais-je à mon tour.

— Et pourquoi ? Ce sont tes amis après tout, ils pouvaient se joindre à la soirée, s’ils le désiraient, je pensais que ça t’aurais fait plaisir. Mais je me suis trompé il semblerait.

Je n’en revenais pas. Tout ça était de la faute de Roman. Je commençais à comprendre qu’il avait fait ça seulement pour me mettre mal à l’aise, pour se venger de notre projet.

— Tu es retourné là-bas exprès ?

— Je n’en ai pas eu besoin. Je savais que j’avais déjà vu ton ami quelque part. Il m’a suffit de regarder les dossiers de mon père et j’ai rapidement retrouvé ses coordonnées. Plus personne ne change de numéro de téléphone de nos jours alors voilà.

— Et le secret médical tu connais ? renchérit Martin.

Le père de Roman était kinésithérapeute, médecin du sport, et travaillait étroitement avec de grandes entreprises d’innovation médicale comme celle où travaillait la mère de mon ami. Les deux se connaissaient depuis très longtemps, voilà aussi pourquoi Martin ne le supportait plus du tout.

— Tu sais que ton père pourrait avoir des ennuis pour ça ? continua-t-il. Si une seule personne en parle, ton père pourra dire au revoir à sa carrière. Il sera radié de l’ordre des médecins et ne pourra plus exercer.

— Sauf que personne ne parlera. Et puis même si vous voulez essayer. Qui vous croira ? Vous n’êtes personne à côté de ma famille. On pensera seulement que vous êtes jaloux.

— T’es qu’un sale con Roman, finit Martin. Venez les filles, on aurait jamais dû être ici à l’origine.

Emma me prit par le bras et me guida jusqu’à l’extérieur de la propriété. Martin, dans notre dos, fermait la marche et continuait à traiter Roman de plusieurs noms d’oiseaux.

On finit par rejoindre l’arrêt de bus, où je me laissai tomber sur le banc. Le froid du métal eut au moins l’effet de me sortir de mon état d’hébétude et de torpeur. J’assimilai peu à peu ce qu’il venait de se passer.

— Je savais que Roman était un con mais pas à ce point, commença Emma.

— Et ça ne s’arrange pas avec le temps, continua Martin. Je vous laisse imaginer les réflexions que j’ai eu lorsqu’il a appris que j’étais gay.

— J’espère qu’il pourrira en enfer un jour.

Mes deux amis se retournèrent vers moi, les yeux grands ouverts. J’y allais peut-être un peu fort mais tant pis. Il avait réussi à me faire sortir de mes gonds. Il était en train de bousiller tout ce que j’avais accompli, tous les liens que j’avais réussi à tisser avec Alexis et les autres. Et pour ça, je le détestais. Je le haïssais du plus profond de mon être.

La surprise passée, Emma vint s’asseoir à côté de moi, tandis que Martin s’appuyait contre la vitre de l'abribus.

— Ça va aller ? me demanda-t-elle.

— Il va bien falloir, haussais-je les épaules, me passant ensuite une main sur le front. Je crois que je vais rentrer. J’ai besoin de me reposer et de repenser à tout ça, une fois que je serai un peu plus calme.

— C’est normal, approuva Martin. Et tu sais que si tu en as besoin, on est là. Je me ferai un plaisir de parler avec ma mère des manigances de Roman dans les dossiers de son père. Je suis sûre qu’elle sera très heureuse d’avoir une raison de couper court à leur collaboration. Il paraît que monsieur Caussieux est encore pire que son fils alors je vous laisse imaginer.

Les paroles de Martin eurent le mérite de me faire sourire. Bon allez. Je ne pouvais pas m'apitoyer sur mon sort, enfin si je pouvais, mais je ne voulais pas. Et puis je commençais à fatiguer donc il était temps que je rentre.

Je commandai un taxi, plus question de rentrer seule à pied le soir, dit au revoir à mes amis et me laissai reconduire chez moi. J’espérais que le weekend serait meilleur que ma semaine.

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