Chapitre 21

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On était mercredi, entre les cours, les premiers partiels et mes parents qui m’interdisaient de sortir le soir, je n’avais que peu vu mes amis. Nous n’avions pas cours aujourd’hui, alors nous avions convenu de nous retrouver tous les trois en ville avec Emma et Martin pour rattraper le temps perdu. J’avais tellement de choses à leur raconter depuis mon passage à l’école des prodiges.

Mes parents n’étaient pas au courant que je n’avais rien ce jour-là alors j’avais seulement prétexté commencé plus tard pour pouvoir partir quand je voulais sans avoir besoin de me lever aux aurores.

— Ah enfin te voilà ! m’apostropha Martin en me voyant arriver.

— Je ne suis même pas en retard ! me défendis-je.

— Peut-être mais tu n’es pas en avance non plus.

Je lui asséna une petite tape sur l’épaule pour toute réponse. Emma s’amusa de notre petit jeu, elle s’empara ensuite de mon bras et m’entraîna à sa suite pour marcher avec elle, Martin à nos talons.

— Alors si tu nous racontais comment ça s’est passé à Edison ?

Je leur racontais l’école, comment elle était, mon entrevue avec le professeur d’art moderne, le dossier d’inscription que j’avais commencé à remplir sans en parler à mes parents.

— Pourquoi tu ne veux pas leur dire ? Edison est réputée, ils seraient sûrement contents pour toi et t’encourageraient dans cette voie.

— Pas vraiment non. Pour eux l’art n’est pas un métier, on peut en faire une activité, un hobby mais jamais selon eux il est possible d’en vivre donc non, ils ne vont pas vouloir.

— C’est bien dommage, argumenta Martin, si tu te fais repérer comme tu l’as été, ça veut vraiment dire que tu as du talent et que quelque chose est possible.

— Peut-être oui…

— En tout cas ne renonce pas à y aller pour eux. Tu mérites de vivre pour toi, continua Emma en me serrant un peu plus contre elle.

— Tu as raison, mais bon, il y a quand même une chose qui me gêne là-bas.

— Quoi ça ?

— Je vous avais parlé du match de basket entre Alexis, le meilleur ami d’Antonin…

— Le beau gosse selon Martin, oui, continua Emma pour se moquer gentiment s’attirant le regard noir du principal concerné.

— Oui et du coup le match contre ses anciens équipiers. Ben j’ai découvert qu’ils venaient tous d’Edison. Je les ai vu s’entraîner.

— Le bourbier dans lequel tu es en train de te mettre, résuma Martin.

Je hochais de la tête un peu démunie.

— Il faudra que tu leur en parles. Au moins à Antonin pour commencer. Ils ont le droit de savoir.

— Je comptais le faire, mais il ne revient que ce weekend de son voyage et il ne répond pas à mes messages pour l’instant.

— À aucun ? me demanda Emma étonnée.

— Aucun, mais il m’avait prévenu.

Je vis à la tête d’Emma qu’elle n’y croyait pas vraiment. J’avais été sceptique moi aussi au début mais je pouvais comprendre qu’il préférait être à deux cents pour cent avec son père. C’était un grand moment pour lui.

— Qu’est-ce que ..? s’arrêta tout d’un coup Martin.

Je levais les yeux et tournais mon regard vers là où il regardait. Sans vraiment s’en rendre compte on s’était rapproché de notre école et par la même occasion des terrains de basket. Nous n’étions plus qu’à quelques pâtés de maison et là sur un mur un graffitis avaient été faits. On y lisait : “Trop fragile pour dunker”.

Je restais bouché bée un instant alors que mon cerveau faisait les liens à toute allure. La coïncidence était trop grande. Nous avions tous les trois compris à qui était destinée cette phrase.

— On devrait avancer, décida Martin en se mettant en route sans même attendre notre réponse.

Il avait les sourcils froncés tandis que je voyais à sa main serrée qu’il faisait tout pour se contenir.

On s’approcha des terrains et plus on y arrivait, plus les tags se multipliaient. Je pris le temps de tous les lire et tous me marquèrent un peu plus à chaque fois

“Passe à la danse, le basket c’est pas ton truc”

“Pas assez viril pour le jeu”

“Le terrain c’est pas pour les tapettes”

“Champion dans les douches, looser sur le terrain”

Je n’en revenais pas, c’était de plus en plus violent. Comment pouvait-on dire de telle chose et encore plus comment pouvait-on les afficher ainsi sur un mur à la vue de tous.

C’est tous les trois remontés d’avoir vu ces graffs qu’on arriva aux terrains de basket. Il semblait que nous n’étions pas les seuls à avoir remarqué les tags. Plusieurs jeunes que je connaissais plus ou moins étaient tout autour des terrains, autour de ce que je pensais être Alexis. Je ne le voyais pas très bien avec toute cette foule autour de lui.

On s’avança et se faufila au milieu du monde jusqu’à se frayer un chemin jusqu’au basketteur. C’est en arrivant à quelques pas de lui que je me figeai. Antonin était là. Il ne devait rentrer que samedi et pourtant il se tenait là face à moi alors que j’attendais toujours de ses nouvelles.

— Qu’est-ce que tu fais là ? lui demandai-je presque en chuchotant comme si j’avais peur de cette conversation.

— Je suis chez moi, me répondit-il sur la défensive.

— Mais tu ne devais pas revenir que samedi ? Tu ne m’as pas dit que tu rentrais plus tôt.

— Je n’ai pas besoin de tout te dire à ce que je sache.

— Non mais je pensais que…

— Et ben tu penses mal, comme tu as mal pensé en m’envoyant retrouver mon père. Maintenant si tu n’es ici que pour ça tu peux partir, on a d’autres trucs à gérer.

— Mais je…

— Mélanie, laisse, me coupa Martin.

Je tournais mon regard vers lui, je ne voulais pas laisser, il ne se rendait pas compte que son geste me blessait.

— On repassera, ajouta Emma.

Je soufflais un peu du nez mais décidais d’écouter mes amis. On commença à s’éloigner du groupe et avant de partir j’entendis une dernière phrase de Martin adressée directement à Alexis.

— Ne jamais écouter les autres et toujours continuer à s’assumer. Même si c’est dur, il n’y a que comme ça qu’ils finiront par arrêter.

On partit des terrains et j’attendis d’être suffisamment loin pour enfin me retourner vers mes amis. J’avais besoin de comprendre.
— Qu’est-ce qui vous a pris de m’interrompre comme ça ? Antonin ne m’a donné aucune nouvelle alors qu’il est rentré et vous ne voulez même pas que j’en parle avec lui.

— Bien sûr qu’il faudra que tu en parles avec lui Mélanie mais pas maintenant.

— Tu as complètement oublié la raison de notre venue aux terrains, ajouta Martin. Tu ne t’en rends peut-être pas compte mais c’est vraiment violent ce qu’il y a d’écrit sur ces murs.

— Si, si bien sûr mais…

— Non, il n’y a pas de “mais” cette fois. Je reconnais qu’Antonin aurait dû te dire qu’il était de retour mais là c’est Alexis qui compte et il le sait c’est aussi pour ça qu’il t’a rembarré.

— Il aurait pu le faire plus délicatement, d’accord, ajouta Emma, mais il a eu raison de le faire.

— Tu sais c’est très compliqué de faire son coming out à ses proches et au monde. On ne sait jamais comment les gens autour de nous vont réagir. Moi aussi j’ai vécu ça et crois-moi quand c’est arrivé j’aurai aimé être aussi entouré qu’Alexis semble l’être. Et j’aurais aimé avoir quelqu’un pour remballer ceux qui auraient débarqué en minimisant ce qui m’arrivait.

— Mais je ne minimise pas, je sais que c’est grave, tentais-je de me défendre.

— Moi, je le sais, mais là, comment tu t’es comporté en voyant Antonin, c'est l’impression que ça a donné.

— Et du coup je fais quoi maintenant ?

— Malheureusement le mieux est d’attendre un peu, tu ne peux rien faire pour l’instant.

— Mais je suis persuadée de savoir qui a peint ces trucs.

— Son ancienne équipe ? me demanda Martin.

Je hochai de la tête. Il n’y avait qu’eux pour dire de telles choses. Je ne l’avais vu que deux fois pourtant j’avais tout de suite capté que c’était le genre de type à faire des crasses dans ce genre.

— Je ne sais pas ce que tu as en tête, commença Emma à mon intention, mais ne fait rien de stupide. On ne peut rien prouver et on ne sait pas de quoi ils sont capables d’autre.

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