Chapitre 22

7 minutes de lecture

Une nuit de sommeil n’avait pas réussi à calmer mes pensées et encore moins à me calmer moi. Trop de choses s’agglutinaient et me mettaient de mauvais poils. Il y avait d’abord ces tags injurieux à l’encontre d’Alexis. Il ne m’appréciait pas des masses, encore moins ces temps-ci, pour autant je trouvais ça tout simplement horrible ce qui était dit à son sujet. Je détestais l’équipe de basket d’Edison, ils étaient tous les pires personnes au monde. Et même si ces tags envahissaient mon esprit, je gardais quand même dans un coin de mon cerveau le retour d’Antonin. Il était rentré plus tôt sans même me le dire. Je ne comprenais pas pourquoi il m’avait caché une telle chose.

Avec tous ces derniers évènements je n’avais pas du tout la tête au cours. Je ne suivis ceux de la matinée que d’une oreille distraite.

— Regardez il y a miss je mens à tout va pour me faire des amis.

On était le midi, j’étais tranquillement en train de poser mon plateau après avoir mangé avec Martin et Emma lorsque Roman était arrivé dans mon dos. Malheureusement pour lui, il avait choisi le mauvais jour pour venir m’embêter. Je n’étais vraiment pas d’humeur et j’allais vite le lui faire comprendre.

— Ferme la Roman, on t’a assez entendu.

— Ho mais c’est qu’elle répond aujourd’hui. Je me demande quelle mouche l'a piqué aujourd’hui.

— T’as fini ? Tu fais le mec devant tout le monde, mais nous savons tous les deux que tu ne vaux rien. Notre projet c’est de ta faute si on l’a loupé. Monsieur je vais me débrouiller seul avec mes supers idées nous a tout fait foirer. Alors évite de trop la ramener, j’ai pas le temps pour tes conneries aujourd’hui.

Je crois que j’avais enfin réussi à lui clouer le bec car il posa son plateau sur le tapis roulant d’un coup sec et partit sans rien ajouter de plus et sans même attendre ses amis.

J’étais plutôt heureuse de ma petite victoire sur lui. J’arrivais enfin à quelque chose ces derniers jours et punaise qu’est-ce que ça faisait du bien.

— T’es en forme dis-donc, remarqua Emma en sifflant un coup comme pour me féliciter.

— Tu te sens pousser des ailes à rembarrer Roman comme ça ?

— J’avais besoin de passer mes nerfs sur quelqu’un je crois et il est tombé à pic, répondis-je moi même étonnée de ma réaction. Je crois que j’en ai marre de me faire marcher sur les pieds par tout le monde. J’ai envie de prendre mes propres décisions et de tout faire à mon rythme.

Mes propres paroles résonnèrent en moi. Je crois que je venais de comprendre pourquoi Antonin m’en voulait et pourquoi il ne m’avait rien dit sur son retour.

— Vous m’excusez ? demandais-je à mes amis. J’ai besoin d’aller peindre.

Ils me regardèrent avec un sourire, surtout Martin qui se doutait que les pièces s’étaient enfin assemblées dans mon esprit.

Peindre me permettait souvent de faire du tri dans mes pensées et surtout de mieux réfléchir. Je me mis en route en direction de la salle de dessin ouverte en permanence aux étudiants.

Le temps d’y aller je me refis toute la scène avec Antonin lorsqu’il m’avait parlé de son père la première et quand j’avais réservé le train pour qu’il aille le voir.

J’en avais marre que tout le monde prenne des décisions pour moi, sur ma vie et pourtant j’avais fait exactement la même chose avec lui. C’était moi qui l’avait conduit à faire des recherches sur son père sur ce site internet pour retrouver les anciens militaires, et c’était encore moi qui l’avait poussé à prendre son train. Jamais je ne lui avais demandé s’il avait envie de le faire, s’il était prêt à le faire.

Je m’étais conduite exactement comme Roman et mes parents l’avaient fait avec moi. J’avais pris les décisions à sa place sans jamais l’écouter. Je n’avais pas pris le temps de lui demander son avis.

J’arrivais dans la salle de classe. Une seule autre personne était là devant son pupitre en train de dessiner quelque chose. Je partis m’installer au fond devant l’un des chevalets et posa une toile dessus avant d’attraper une palette de couleur.

Il allait falloir que je me rattrape et surtout que je m’excuse. Tout était de ma faute, si Antonin était de mauvaise humeur quand je l’avais vu. Bien sûr, l'histoire avec Alexis le troublait mais pour autant je crois que je l’avais moi-même mis en colère et je me devais de rattraper ma connerie.

Je regardais mon pinceau et resta un moment ainsi. Finalement, je n’avais aucune envie de peindre. Non, ce n’est pas de ça que j’avais envie. Oui j’aimais peindre ou dessiner pour autant ce n’était pas ça qui me faisait vibrer. Pour ma vraie activité, il fallait que j’attende ce soir.

Le temps passa vite l’après-midi, j’étais un peu plus concentrée en cours et surtout j’étais motivée. Je me sentais montée comme une pile, je voulais agir maintenant. Lorsque la sonnerie annonça la fin des cours pour la journée. Je sautais de mon siège, rangeai mes affaires en quatrième vitesse et accouru presque pour rejoindre l’arrêt de bus. Hors de question que je le rate aujourd’hui, je voulais rentrer au plus vite chez moi.

Alors que je montais dans le bus je vis mes deux amis sortir de l’établissement et si Emma prenait bien la direction de chez elle, je fus étonné de voir que Martin ne la suivait pas. Il partit même à l’extrême opposé. Il prenait la direction des terrains. Je levais les sourcils en le voyant faire. Il faudra qu’il m’explique où il partait comme ça. J’étais bien curieuse, mais je réfrénai ma curiosité. J’avais une autre mission pour l’instant, pour ce soir.

Je fis tout très rapidement, dire bonjour à mes parents, faire le peu de devoir que j’avais, me doucher, et même manger. Je sortis la première de table et repartis aussi vite dans ma chambre. Je savais qu’à présent mes parents ne viendraient plus voir ce que je fais alors j’étais tranquille.

Comme j’avais l’habitude de le faire, je fourrai mes bombes de peintures dans mon sac à dos et enfilai mon sweat. Je descendis au plus bas que je pouvais mon rideau, ouvris la porte vitrée et je me faufilai dehors. J’étais prête pour ma mission commando.

Il n’était pas encore très tard, avec un peu de chance je parvins à prendre le bus qui me rapprocha des terrains. J’étais déterminée cette nuit j’effacerai chacun des tags injurieux à l’encontre d’Alexis. Je détestais ce qu’il y avait d’écrit et puis c’était ma manière à moi de faire quelque chose pour lui. Je ne voulais plus que quelqu’un, n’importe qui, puisse les voir. Il en était hors de question.

Je m’approchais de l’endroit où on avait vu les premiers graffitis avec Martine et Emma lorsque j’entendis des voix parvenir jusqu’à moi. Il s’agissait plus de murmures mal dissimulés alors ça attira particulièrement mon attention surtout que peu de secondes après je reconnus le bruit d’une bombe de couleur.

Je m’approchai doucement du bruit et qu’elle ne fut pas ma surprise de trouver l’ensemble de l’équipe de basket d’Edison en train d’inscrire une nouvelle phrase. Ils ne perdaient rien pour attendre.

Je sortis mon téléphone de ma poche et pris de nombreuses photos. On distinguait mal leurs visages avec la pénombre mais ces abrutis portaient leur veste officiel où on reconnaissait très nettement le blason d’Edison mais aussi le logo de leur équipe.

— Je m’attendais à mieux de la part de prodiges, les interpellai-je en sortant de ma cachette.

J’étais peut-être un peu folle de me montrer alors qu’ils étaient aussi nombreux mais je comptais sur le fait qu’ils étaient des abrutis finis mais non pas des bagarreurs.

— Je me demande ce que vos professeurs diront s’ils voyaient que certains de leurs élèves se permettent de vandaliser la ville pour y inscrire des tags injurieux et homophobes, continuais-je. Je pense que cela ternira grandement l’image de l’école et qu’ils préféreront se séparer de leur équipe de basket plutôt que de perdre leur notoriété. Qu’est-ce que vous en pensez ?

— Toi ! Tu étais là quand on a éclaté Alexis et ses potes, s’avança Simon vers moi. Tu vas tout de suite supprimer cette photo si tu ne veux pas que je m’occupe de toi.

— Trop tard je l’ai déjà envoyé à mes amis et je ne ferai pas trop le fier à ta place. Je suis en train de filmer. Alors maintenant je vous conseille de vous casser d’ici et de ne plus jamais vous en prendre à Alexis d’une quelconque façon sinon toutes mes photos et vidéos feront le tour d’Edison.

— Sale garce ! me répondit-il en crachant à mes pieds. Venez les gars on se tire.

Je les regardai partir avec un grand sourire sur les lèvres. J’espérais que mon petit numéro de ce soir serait suffisant. En tout cas, je comptais bien garder ces photos précieusement au cas où ils décideraient de recommencer.

Je regardais le début du tag qu’ils venaient de commencer et secouais la tête, il était hors de question que je laisse Alexis et les autres tomber dessus, tant pis pour les autres je les recouvrirais après.

Je posai mon sac à mes pieds et m’empara d’une première bombe de peinture. Je n’avais aucune idée prédéfinie de ce que j’allais peindre par-dessus et je laissais ma créativité décider pour moi. Je mis une petite heure à tout cacher. Ils avaient à peine commencé à écrire donc je n’avais pas eu besoin de beaucoup de temps.

Il en allait autrement pour une autre fresque je commença ce soir là. J’y passai deux heures entières et j’avais à peine fait la moitié quand je décidai de rentrer chez moi pour aller dormir. Même si elle n’était pas finie, j’avais tout de même réussi à faire disparaître la phrase entière et c’était déjà une belle victoire pour moi.

Lorsque je me couchai en arrivant chez moi, j’étais bien plus sereine et j’étais surtout fière de moi et de ce que j’avais fait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Tessa Brad ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0