On était enfin samedi et j’étais crevée. J’avais enchaîné les escapades nocturnes ces deux derniers jours en rentrant toujours un peu plus tard à chaque fois. Résultat aujourd’hui j’étais crevée mais tellement contente du travail que j’avais accompli. Je n’avais pas fini mon dernier tag mais j’avais tout de même fait disparaître l’ensemble des phrases injurieuses de l’équipe d’Edison. Et je ne les avais plus surpris et n’avais pas vu de nouveaux graffitis de leur part. J’avais réussi ma mission et ça me mettait de bonne humeur.

En plus j’avais négocié et presque imposé à mes parents de sortir aujourd’hui. Je ne voulais pas rester enfermé avec eux à l’intérieur tout le weekend. On devait se retrouver avec Emma et Martin pour aller manger un bout au Marza. Il était temps que je leur fasse découvrir les meilleures pizzas de la ville.

On s’était donné rendez-vous devant chez moi pour prendre le bus. J’étais la plus proche et ça m’arrangeait au moins je n’avais pas besoin de marcher. En plus, il y avait un arrêt juste devant la pizzeria.

— Oula… Tu as l’air fatiguée, remarqua Martin en me faisant la bise.

Toujours sans filtre mon ami mais bon je l’aimais pour ça aussi. Et puis il avait raison, j’avais des cernes sous les yeux qui donnaient l’impression que je m’apprêtais à mourir sous leurs yeux. J’avais le teint si pâle et le dessous des yeux si foncés qu’on dirait que j’étais l’un de ses squelettes dans le film Disney Coco.

— Je dors pas trop ces derniers jours. Mais je vais bientôt repouvoir. J’ai presque fini de repeindre les graffitis.

Je ne leur avais pas encore dit ce que je faisais de mes nuits et j’étais plutôt fière de mon petit effet de surprise surtout au vu de leur réaction.

— Vraiment ? s’étonna Martin en ouvrant grands les yeux avec une petite lumière d’admiration dedans.

— Tu as eu raison ! approuva Emma. C’était la meilleure chose à faire.

— Donc maintenant on va aller fêter ça en allant manger !

— A table ! s’écria mon amie toute contente.

On attendit cinq minutes le bus et on mit dix minutes de plus à atteindre la pizzeria. Le Marzza n’avait pas changé depuis la dernière fois. Il avait toujours ses murs très colorés et ses tables avec leur nappe rouge quadrillé comme dans les années soixante-dix. On s’installa à l’une d’elle et la serveuse vint rapidement prendre notre commande.

Elle était toujours aussi souriante. Je la trouvais en plus très belle avec ses cheveux tressés qui revenaient sur le devant. Elle n’était pas beaucoup plus âgée que nous je présumais.

On attendit qu’on vienne nous servir en discutant tranquillement.

— Regardez, nous interrompit Martin au bout d’un moment.

Nous étions assis à la table collé aux immenses vitres qui donnaient directement sur le devant de la pizzeria. Je me retournais donc pour voir de quoi parler Martin et découvrit quatre jeunes, sûrement des collégiens, en train d’encercler un autre un peu plus petit en taille qu’eux.

On les regarda quelques secondes pour comprendre la situation, ils étaient en train de lui voler son argent.

— Emma reste ici, indiquais-je à notre amie alors que je me levais avec Martin.

Il était hors de question qu’on laisse une telle chose se produire sous nos yeux. Nous sortîmes de l’établissement mais à peine avions-nous mis le pied dehors que deux autres personnes s’étaient déjà mêlées de cette histoire et étaient en train de séparer le groupe.

Il s’agissait d’Antonin et Alexis. On les regarda faire sans intervenir. Ils avaient dû avoir la même idée que nous de venir manger dans le sud.

Lorsqu’ils eurent fini de régler le litige entre les jeunes, ils se tournèrent vers nous, vers l’entrée de la pizzeria et tous les deux s’arrêtèrent un moment. Ils ne s’attendaient clairement pas à nous voir ici.

Ce fut finalement Alexis qui se remit en marche en premier, suivit par Antonin, que je voyais plus hésitant. Il ne tourna jamais ses yeux vers moi. Il fuyait mon regard. Je comprenais mieux maintenant, mais pour autant qu’il agisse ainsi me faisait mal. Beaucoup trop mal.

— Vous nous avez devancés il semblerait, commença Martin avec un grand sourire.

— Vous êtes venus manger ici vous aussi ? demanda Alexis.

— Oui, venez, il reste de la place à notre table si vous voulez.

Les deux rentrèrent à l’intérieur pour retrouver Emma tandis que je me retrouvais seul avec Antonin. Lui non plus ne semblait pas trop décidé à suivre nos amis tout de suite.

— Je tenais à m’excuser, finis-je par me lancer. J’ai fait avec toi ce que mes parents ont toujours fait avec moi et je n’aurai pas du.

— Je suis désolée aussi, me répondit-il en passant une main dans ses cheveux.

C’était fou comment ce simple geste m’avait manqué.

— Je n’aurai pas dû m'emporter comme je l’ai fait quand vous êtes passés au terrain. C’est juste que cette histoire avec Alexis m’avait bien énervée, et j’ai passé mes nerfs sur toi alors que tu n’avais rien fait.

— Tu as eu raison, j’ai été stupide de t’en vouloir d’être rentré sans me prévenir alors qu’il y avait bien plus grave. Je n’aurai pas du tout ramener à notre histoire alors qu’Alexis souffrait.

On se regarda un moment sans plus trop savoir quoi ajouter en plus.

— Si on allait retrouver les autres ? proposais-je en mettant fin à ce silence quelque peu gênant.

— D’accord, répondit-il en hochant la tête. Mais il faudra qu’on discute, j’ai plein de choses à te raconter, ajouta-t-il avec un sourire.

Tout n’était pas encore perdu pour moi. On rejoignit Emma, Martin et Alexis à table. Ils avaient commandé des pizzas en plus et nous attendaient pour commencer. On s’installa côte à côte, face à nos amis, et on mangea tous ensemble dans la bonne humeur.

— Ça vous dit de venir aux terrains ce soir ? On a prévu une petite soirée avec les autres du quartier. Vous êtes tous les trois les bienvenus, annonça Alexis en se tournant principalement vers Martin.

On se regarda avec Emma et d’un simple coup d'œil on comprit toutes les deux que quelque chose était en train de se passer entre Martin et Alexis. Il allait falloir qu’il nous en parle. Hors de question qu’il joue au muet avec nous sur cette histoire.