Ch 3 (4/5) [Réécris v2]

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***

Les jours suivants, Udiir continua de réfléchir à ce que lui avaient dit les éléments. Il tenta à plusieurs reprises de les recontacter, mais ils restèrent muets. Son quotidien fut rythmé par son travail à la forge, les longues heures de méditation et d’exercice sur ses pouvoirs élémentaires. Le matin du cinquième jour, voyant que la méditation ne lui apportait rien il fit alors le choix de se focaliser sur la pratique de ses pouvoirs.

Il se concentra sur sa respiration et ouvrit son esprit à la terre. Aussitôt il retrouva cette sensation familière : c’était comme s’il était la montagne et la vallée, il sentait les pas de chaque animal sur le sol, du plus gros mammifère à l’insecte le plus minuscule, ainsi que les racines de tous les végétaux allant de l’arbre centenaire à la plus jeune pousse. Il trouvait cette sensation grisante, mais il ne se laissa pas aller plus longtemps et recentra son esprit sur le plateau rocheux. Il donna un ordre à la roche et la terre autour de lui ainsi une dizaine de monticules s’éleva, le jeune chaman avait à présent ses cibles d’entrainement.

Il en appela au vent et à la foudre, son esprit s’ouvrit à la puissance de l’air et du ciel. Le tonnerre gronda, et l’air s’emplit d’une odeur d’ozone. Les yeux d’Udiir se mirent à briller d’une lueur bleue et la foudre se mit à crépiter entre ses mains. Plusieurs arcs électriques parcoururent le corps du jeune homme pendant quelques secondes, puis d’un geste vif tendit ses bras vers l’une des cibles. Un éclair fut projeté droit sur le pilier de roche, le tonnerre retentit à nouveau et la roche éclata sous la puissance du choc électrique. Udiir tissa un nouveau sort et un nouvel arc de foudre se déploya. Contrairement au précédent, celui-ci se propagea aux quatre cibles entourant la première. Les cinq tas de pierres furent transpercés par la foudre de part en part et explosèrent dans une gerbe de feu et de poussière.

La moitié des cibles était à présent réduite à l’état de cendres, un large sourire se dessina sur le visage du chaman, ses dents et ses défenses brillaient dans la lumière du matin.

Il ouvrit son esprit une fois encore et en appela à Ignis l’esprit du feu. Ses yeux se tintèrent d’une lueur rouge flamboyante et les paumes de ses mains se mirent à fumer, deux flux de magma incandescents affluèrent. Les mains à présent nimbées de lave, Udiir les joignit d’un geste vif et projeta la lave en un jet concentré droit sur une cible. Avant même que le premier tir ne la touche, le jeune homme réitéra son geste sur tous les monticules restants, une détonation en chaîne retentit dans tout le plateau.

Le souffle un peu court, Udiir prit une grande inspiration puis s’assit en tailleur et reprit sa méditation, libéré de son stress. Il fit le vide dans son esprit, se concentrant sur la couleur bleue, représentant sa paix intérieure. Mais alors que le bleu prenait peu à peu place dans son esprit, un rouge violent et agressif fondit droit sur son âme telle une vague de mort. Une vision de cauchemar déferla dans son esprit : du sang, des flammes, une horde de guerrières et de monstres sanguinaires venant de l’Est, les esprits et la nature hurlant à la mort, le sang du clan maculant la terre. L’emblème du royaume qui brûle et la vague rouge se répandant dans tout Erganane et Inguadia, telle une pandémie.

Ces images d’horreur lui arrachèrent un cri de douleur et d’effroi. Ruisselant de sueur, il se releva et s’avança vers l’autel plié en deux. Tombant à genoux au centre du cercle, il eut à peine le temps de formuler une demande aux esprits que les quatre apparurent devant lui en un clin d’œil, tous affichaient une mine grave.

« Cette vision…Commença Udiir.

─ C’est la mort, le coupèrent les esprits, la mort et le Chaos.

Le jeune homme déglutit bruyamment. Il savait ce que cela voulait dire et il était mort de peur.

─ L’ennemi va attaquer le front par le nord en passant par la vallée, dit-il dans un sursaut d’effroi.

─ Tu es à la croisée des chemins, chaman Udiir, tu sais ce que tu dois faire.

Et une fois encore, sans lui laisser le temps de répliquer, les quatre élémentaires disparurent, le laissant seul avec ses questions. Udiir passa le reste de la journée à méditer et à réfléchir aux paroles des esprits ainsi qu’à sa vision. Alors que le soir tombait, le chaman en était arrivé à une certitude : une troupe ennemie approchait et fonçait droit sur le front nord-est, à cinquante kilomètres du village. Les ennemis longeaient la frontière entre les terres amazones et le royaume pour prendre la ligne de front à revers. Les troupes alliées n’avaient aucune chance de survivre sans renfort, mais le temps d’en demander et qu’ils arrivent, le front serait perdu et l’ennemi ferait une percée.

Arya, Kiara avaient regagné le front deux jours auparavant. Udiir n’avait aucun moyen de les prévenir, et même si c’était faisable rien ne garantissait qu’on le croirait. Il ne restait qu’une solution, la pire : il allait devoir descendre de la montagne et aller au front lui-même. Les éléments savaient ce qui allait se passer. Mathias ne s’était pas trompé : s’il voulait sauver ses sœurs et le village, il allait devoir prendre part au conflit.

Un frisson de terreur parcourut l’échine du jeune chaman, qui se recroquevilla aussitôt. S’il se rendait sur le front, il serait, sans le moindre doute, découvert. Cette simple pensée le paralysait. Puis dans le tourbillon de frayeur qui obscurcissait ses pensées, une vérité simple se fit clair : Kiara, Arya et tout le clan allaient être massacrés s’il ne faisait pas quelque chose.

Udiir était, certes, effrayé à l’idée de se montrer au grand jour mais cela n’était rien comparé à l’idée de perdre ses sœurs et le village.

Il se redressa encore frissonnant et résolu se dirigea vers la forge.

Une fois dans son atelier, il prit un grand sac de toile situé sur une étagère. Il en défit le nœud et en sortit une grande hache à double tranchant dont la lame était en acier brillant constellé de reflets noirs, des runes y étaient gravées. Le manche était taillé dans un bois massif inconnu. À la vue de cette arme, Udiir sentit une boule d’angoisse se former dans son ventre. Resserrant ses mains sur le manche de la hache, il ouvrit son âme aux esprits leur formulant une demande qu’ils connaissaient bien, car il l’avait déjà faite à de nombreuses reprises. Une nouvelle vision s’offrit alors au chaman, mais contrairement à la précédente, celle- ci était claire et montrait un événement du passé.

La scène se déroulait dans une forêt sombre à la végétation dense, il pleuvait des cordes. Plusieurs cadavres jonchaient le sol à moitié inondé, des femmes à la peau brune couverte de tatouages colorés, des amazones. Elles étaient armées de lances, de cimeterres et de diverses autres armes. Certains cadavres étaient décapités, éventrés ou encore littéralement coupés en deux. À une dizaine de mètres de là, un combat faisait rage, trois amazones armées jusqu’aux dents encerclaient un individu encapuchonné. Ce dernier serrait dans sa main droite la hache ornée de runes et dans l’autre un nourrisson emmitouflé dans une peau d’animal.

Deux amazones tentèrent une attaque coordonnée, mais en un instant leur adversaire leva sa hache et l’abattit si fort qu’elle se brouilla sous l’effet de la vitesse. Les deux guerrières furent balayées par le coup comme des fétus de paille par le vent, avant de s'écrouler à une dizaine de mètres du guerrier, éventrées.

Un éclair zébra le ciel nocturne et sa lumière permit à Udiir d’entrevoir le visage de l’individu encapuchonné. Il était en tous points identique à celui du jeune forgeron, à l’exception de ses défenses plus courtes, sa peau, elle, était plus claire et sa silhouette plus épaisse.

La troisième amazone profita d’une ouverture dans la garde du combattant et lui transperça le dos avec son javelot, l’arme s’enfonça profondément dans la chair de son adversaire. Malgré cette blessure le guerrier riposta et trancha le bras droit de l’amazone d’un seul coup de sa terrible hache et la repoussa d’un coup de pied au sternum étouffant le cri de douleur de la guerrière. L’amazone dévala la pente montagneuse et disparut derrière les rochers et la végétation.

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