Au loin, dans ce paysage gris et mort, se dressait une tour massive, surplombant une forteresse impressionnante. De lourds nuages gris, presque noirs, recouvraient toute cette scène déjà fort inquiétante. C'est à peine si l'on distinguait les créatures volantes soumises à l'ennemi sillonner les airs. À ma droite se tenait Monty, vigilant. Ses yeux parcouraient le ciel, ses mains tenant fermement son précieux fusil. Il ne tremblait pas.

À ma gauche, Liam ajustait son armure. Mes pensée s’éclaircirent en le voyant et je compris que j'étais en train de rêver, de retour dans la tête de mon tout premier hôte. Ange observait la scène avec calme et, me trouvant forcé d'adopter son point de vue et partageant en partie ses pensées, je compris qu'il planifiait quelque chose.

Devant nous, une pente légère longues de plusieurs kilomètres menait au centre de ce que beaucoup appelaient le cratère. En réalité, il ne s'agissait que d'une dépression naturelle, particulièrement dépourvue de vie, certes, dont avait pris possession le terrible adversaire auquel il nous faudrait bientôt faire face.

Le long de cette pente, des groupes armés avançaient déjà, confronté à la résistance d'esclaves dépourvus de vie. De temps à autres on entendait un coup de canon, mais la plupart des détonations provenaient d'armes plus légères. L'efficacité des fusils restait maigre face aux morts, mais un coup bien ajusté pouvait tout de même faire des dégâts. Suffisamment pour que les escouades spécialement équipées achèvent les créatures.

Deux sons rauques résonnèrent dans les airs alors qu'Ange et moi partagions cette vision. Notre groupe s'ébranla : les chevaliers entraient en scène pour la charge finale. Liam passa devant Monty et Ange, lame au clair et notre marche nous amena à rapidement gagner du terrain sur les troupes déjà engagées dans le combat. Des créatures volantes firent mine de vouloir fondre sur nous, mais les machines de guerre les taillèrent en pièces. Et même si, ici et là, un cadavre se relevait pour tenter de nous ralentir, l'avancée se fit sans encombre.

Devant, il y eut un mouvement de troupe, une manœuvre qui consistait à laisser le champ libre aux chevaliers. La ligne de front se fendit en deux et pivota pour former un entonnoir dans lequel, après avoir entendu la sonnerie ordonnant la charge, Liam et tous ses compagnons fondirent, tailladant tout sur leur passage. Ils se trouvaient à présent suffisamment proche de la structure pour qu'elle projette sur eux son ombre intimidante. Deux coups de canons résonnèrent à l'arrière et deux obus sifflèrent dans les airs, avant d'éclater contre les portes de la forteresse. Celles-ci tombèrent, mais il s'en déversa aussitôt une horde de créatures cauchemardesques.

Quel esprit tordu pouvait assembler des corps pour produire les abominations qui surgirent à ce moment là ? Liam fut presque stoppé dans son élan devant tant de laideur et de folie.

— Halte ! hurla le commandant dans son mégaphone. Sapeurs ! En joue !

Dans un bel ensemble, les chevaliers et les conjurateurs mirent un genou en terre, tandis que les sapeurs épaulaient leurs armes.

— Feu !

Un bruit assourdissant, puissant comme un coup de tonnerre, résonna alentours, produit par les centaines de fusils qui tirèrent simultanément. Les balles, améliorées magiquement de cent façons différentes, causèrent énormément de dégâts dans les rangs adverses, produisant tout de même des effets inégaux. Le signal de la charge résonna à nouveau et toute la troupe se remit à avancer. Un rappel de reformer les rangs après cette manœuvre complexe et risquée fut donné. Les fusils furent rechargés et, avant que le contact ne soit établi entre les deux armées, l'une de vivants, l'autre de morts, ils firent feu une seconde, puis une troisième fois.

Je vis alors, au travers des yeux d'Ange, Liam partir devant comme une furie. Il fendit l'air de sa lame et une créature d'os et de chair vola en éclat. Les chevaliers montaient à l'assaut, et les voir combattre fut une leçon pour tous. À grand renfort de sortilèges, de coups de fusil et d'épée, les portes furent bientôt dégagées. Il y avait eu des pertes, mais elles étaient raisonnables. Le commandant voulut pousser son avantage et, alors que Liam, que je venais de rejoindre, me confiait son inquiétude sur la trop grande facilité de cette opération, le groupe tout entier entra dans la forteresse. La tour trônait devant nous, haute, orgueilleuse. Inexpugnable.

— A la porte ! ordonna le commandant. Faites-moi sauter ce...

Il n'eut pas le temps de terminer. Derrière, un mur d'os et de chairs mortes scella l'entrée avec un bruit écœurant. Partout autour se levaient des corps. Sur les murs, des milliers de ces horribles gargouilles volantes apparurent, nous fixant des yeux. D'autres créatures, de toutes sortes, surgirent d'alcôves, de trous et de recoins puants. L'odeur insupportable de la mort s'accentua encore.

Nous étions pris au piège.