Observateur-narrateur, parlant à la troisième personne
Sur le trottoir d’en face, un homme marche aussi vite que sa corpulence le lui permet. Serré dans son complet bleu ciel, il transpire à grosse goutte. S’il a le souffle un peu court, il semble perdu dans des pensées contradictoires, que l’on a presque l’impression de voir défiler sur son visage poupon. Parfois, il s’arrête, puis repart, comme s’il décidait alors de quelque chose mais qu’il finissait par se raviser, cela en l’espace de quelques secondes. Il regarde sa montre, sursaute presque, puis se remet à marcher de plus belle, ses grosses jambes tricotants sur le bitume. En face de lui, arrive une jeune femme. Elle a une robe à fleur qui met en valeur sa fine silhouette. On la qualifierait de jolie. Elle porte des livres pleins ses bras graciles. Elle doit sortir de la bibliothèque, un peu plus loin dans la rue. Il ne l’a pas vu, et elle non plus. Il lui fonce dedans. Il jure. Elle jure aussi. Il fait mine de l’aider à ramasser ses livres mais elle est plus rapide que lui et repart sans un mot. Lui, il laisse son regard s’attarder sur sa robe, un brin rêveur, avant de sembler soudain se rappeler qu’il est pressé lorsque ses yeux effleurent sa montre. Il sursaute encore - c’est curieux combien les sentiments de cet homme imprègnent sa physionomie toute entière. Mais soudain, il se fige. Si l’on suit son regard tout à coup effrayé, on tombe sur un homme fin, à l’air filou d’un renard aux abois, adossé au mur qui lui fait face. A cette vision, l’homme au complet bleu ciel s’est remis à marcher, mais quelque chose de craintif fait chanceler son pas. Il a la nuque étrangement raide et figée vers le devant, comme s’il voulait l’empêche de se tourner d’elle même. De son côté, l’homme au regard de renard l’a bien repéré. Lui ne se prive pas et interpelle l’homme pressé. L’autre en face se fige. Il hésite.
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