Lettre

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Ada, ma petite ortie,

Je voulais te dire que tu as chamboulé ma vie en deux mois comme personne ne l’avait réalisé depuis des années.

Ton caractère bien trempé me manque tant, ici. Les infirmières me considèrent comme un paquet de chair, je ne suis qu’un numéro, et cela m’agace au plus haut point. Je ne doute pas que tu aurais réussi à leur faire comprendre, à ta manière, que ce manque d’humanité m’exaspère.

Je repense aussi à la partie de Yam’s que tu as gagnée, et je compte bien te retrouver au plus vite, pour te montrer de quel bois je me chauffe ! Tu ferais mieux de t’entraîner un peu pour la prochaine manche, car je suis remontée…

Puisque tu m’as posé la question, je voulais aussi éclaircir un pan de ma vie.

Mes enfants ne m’adressent plus la parole, certes. Car une fois en couple avec leurs propres rejetons, ils ne daignaient me voir que pour manger un dimanche par mois et repartir aussi sec. J’ai jugé que c’était un manque de respect flagrant pour la richesse de la nature qui nous entoure, et pour moi, aussi, qui ne suis pas qu’une cuisinière, bon sang. Je leur ai dit tel quel ,et ils n’ont pas compris. Ils n’ont pas compris que depuis la mort de leur père, les liens avec eux s’étaient effilochés, jusqu’à rompre. Irrémédiablement. Il n’y a de fautifs que les aléas de la vie et je ne leur en veux pas. Chacun son chemin et le plus bel amour reste parfois sur le carreau. C’est ainsi. Il faut savoir accepter les échecs.

Mes sorties champêtres me manquent. Je dépéris de ne plus pouvoir sortir. La vue de ma fenêtre me déprime. Sauf les cimes de la Margeride que je vois s’étirer au loin, en me penchant un peu, là, je pourrais presque humer les notes épicées des pommes de pins et leur écorce corsée. Il y a tant de plantes à cueillir en cette période. Je rumine cet arrêt forcé.

Aurais-tu la gentillesse de m’envoyer quelques plantes séchées dans ta réponse par lettre, en voici la liste :

- Pousses de myrtilles

- Bourgeons de lilas

- Aubépine

et Thé d’Aubrac

Regarde mon herbier, si tu as un doute, pour ne pas te tromper !

Je devrais te donner une leçon d’herboristerie à mon retour aussi, afin de te transmettre ces savoirs accumulés. Et cela pourrait t’être utile, si tu dédies ta vie à soigner les gens. Les plantes peuvent être des remèdes à bien des maux, si on se donne la peine de les étudier.

Ada, si comme je le pressens tu stresses pour ton baccalauréat, je n’aurais qu’un mot : relativiser. Tu vaux bien mieux que ça. Bien plus qu’un diplôme, un bout de papier signé par un inconnu. L’essentiel est ailleurs, et tu as commencé à l’entrevoir, je le sais.

Continue ta route, écoute ton intuition pour trouver la direction et n’arrête jamais de marcher. Continue à avancer malgré les obstacles. Sans quoi tu pourrais tomber.

Affectueusement

Thérèse

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