Chapitre 6
À côté de moi, Ben ne cessait de jouer avec ses doigts tout en les regardant. Le voir ici me brisait le cœur. Il avait si peu confiance en moi qu’il n’arrivait même pas à me parler.
— Quel est le problème, chéri ?
— Je t’ai déjà posé la question, mais… est-ce que tu m’aimes vraiment ? Comme Élise ?
— Qu’est-ce qui te fait croire que je ne t’aime pas ?
— Et bien tu… tu m’évites maman. C’est avec Élise que tu préfères passer du temps et non avec moi.
— Je ne t’évite pas chéri. Tu dis ça alors que c’est toi qui me fuis. Je n’arrive pas à te comprendre là. Je suis perdue.
— Si, tu m’évites. Tu le fais et je fuis aussi. Mais…
— Je t’ai dit que je t’aimais, Ben. Mais est-ce que toi, tu m’aimes ?
— Et bien… hésita-t-il.
— Soit franc avec moi, s’il te plaît. Qu’importe ta réponse. J’ai besoin de l’entendre, de savoir ce que tu penses vraiment de moi.
— D’accord. Je ne dirais pas que je ne t’aime pas, mais… je n’y arrive pas. J’essaie, je te le jure, mais…
— Tu n’as pas à t’excuser, Ben. Merci de m’avoir répondu. On rentre.
Réprimant mes larmes, je me levais et commençais à partir. Sa réponse était dure à accepter, ça faisait mal, mais je lui avais demandé la vérité. C’était le seul moyen de faire changer la situation, même si je ne savais pas comment m’y prendre.
— Maman ! Laisse-moi m’expliquer s’il te plaît.
— On rentre, Ben.
— Maman !
— Obéis-moi ! Rien qu’une fois !
— Mais merde maman ! Pourquoi tu ne veux pas m’écouter ?
— Je suis une si mauvaise mère que ça ? Au point que tu me détestes ?
— Tu as raison, je te déteste. Et tu ne fais rien pour que ça change !
— Je… tu… Tu rentres au château, tous de suite ! Et sans discuter.
Sans attendre plus, il s’éloigna. D’un signe de tête, j’ordonnais aux soldats de le suivre. Seul l’un d’entre eux resta avec moi.
— Votre Majesté ?
— Ramenez-moi au château.
— Tous de suite, Votre Majesté.
Le seul soldat restant me raccompagna en silence jusqu’au château dans sa voiture. Une autre voiture avait été demandée pour récupérer Ben. En arrivant dans la cour, je remarquais Océane qui attendait, l’épaule, appuyée contre un mur.
— Où est Ben ? m’interrogea-t-elle immédiatement.
— Je ne sais pas.
— Elena !
— J’ai tout foiré, Océane ! Encore.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— Je n’ai pas envie d’en parler.
— Il est hors de question que…
— Laisse-moi seule, Océ. C’est tout ce que je te demande.
— Je ne te laisserais pas seule, Elena. Peu importe ce qu’il a bien pu se passer.
— Il me déteste, Océ ! Mon propre fils me déteste.
— Je suis sûr que…
— Il me l’a dit clairement. Il me déteste.
La voiture de Ben arriva alors, me permettant de ne pas me justifier plus. Mon fils sorti de la voiture. Quand il passa à côté d’Océane et moi, il la regarda, mais m’ignora totalement.
— Ben ! l’interpella Océane.
— Laisse-moi tranquille !
— Ben…
— Vous me faites chier ! Toutes les deux !
— Benjamin Stinley ! Tu vas arrêter ça tout de suite et me dire ce qu’il se passe.
— T’as qu’à lui demander vu qu’elle te dit tout.
— Elle ? Tu parles de ta mère, je te rappelle.
— Ma mère ? Mais quelle blague !
Alors qu’Océane se tenait devant lui, bouche bée, il s’éloigna sans ajouter quoi que ce soit. Quand il quitta notre champ de vision, Océane se tourna vers moi. Elle voulut ajouter quelque chose, mais je m’éloignais avant qu’elle ne puisse commencer. Je me rendis dans la chambre, me changeait avec l’une des tenues de sport d’Océane et partie m’enfermer dans la salle d’entraînement de ma femme. Depuis dix ans qu’elle l’avait fait aménager, c’était la première fois que j’y mettais les pieds. J’avais déjà vu Océane s’y entraîner, mais je n’y étais jamais entré.
— Elena ! cria Océane en frappant contre la porte.
— Fiche le camp.
— Ouvre cette porte, Elena !
— Je te dis de me laisser tranquille.
— Ouvre tous de suite cette porte avant que je l’enfonce !
L’ignorant, je récupérais ses gants de boxe et frappais le plus fort possible contre un sac. Derrière la porte, j’entendais Océane m’ordonner de lui ouvrir, pour qu’elle puisse me rejoindre. Mais je ne voulais pas. Je ne voulais pas qu’elle me voie si mal en point, alors qu’au départ, c’était son idée cette discussion. C’était à cause d’elle que j’avais à discuter avec ben. À cause d’elle que j’avais pris, en pleine face, toute la haine que mon fils avait pour moi. Avec Ben, je répétais, encore et encore les mêmes erreurs que ma mère avait faites avant moi. J’avais haï ma mère et mon fils me détestait aujourd’hui.
Tandis que je frappais toujours plus contre le sac de boxe, j’entendais aussi les coups contre la porte. Des soldats devaient tout faire pour l’ouvrir. Plus je frappais, plus mes larmes s’accentuaient, brouillant totalement ma vision. Quelques minutes plus tard, des bras entourant mes épaules me bloquèrent. J’avais beau lutter, j’étais complètement bloqué.
— Calme-toi, Elena, calme-toi.
Pendant un instant, j’avais cru que c’était Océane qui m’avait prise dans ses bras, mais en réalité, c’était Emma. Plus j’essayais de lutter, plus elle me maintenait contre elle.
— Je suis là, Elena, je suis là.
— Je ne comprends pas… je ne comprends pas ce qui a pu se passer.
— Doucement, respire tranquillement. N’y pense pas trop et essaie de te calmer d’accord ?
— Je n’y arrive plus, Emma. J’ai essayé de discuter avec lui, de le comprendre, mais je n’ai fait qu’empirer la situation. Il m’a clairement dit qu’il me détestait. Je suis impuissante là, je ne peux plus rien faire.
— Ne soit pas si pessimiste, Elena. Il n’a que dix ans et…
— Je détestais déjà ma mère à dix ans, Emma !
— C’est différent.
— Non ce n’est pas diffèrent ! Il me déteste autant que je haïssais ma mère.
— Tu sais quoi ? Tu es énervante à être aussi têtu. Rester bloquer dans tes retranchements ne t’aidera jamais à renouer avec ton fils.
Emma me lâcha enfin et je m’assis par terre, mes genoux replier contre ma poitrine. Elle sortit de la pièce en claquant la porte, ce qui me fit pleurer à nouveau. Si même Emma ne voulait pas me soutenir, c’est que le problème venait de moi. J’avais raison depuis le début, j’étais une mauvaise mère et c’était pour ça que mon fils me détestait.
— Pourquoi vous vous torturer ainsi ? me questionna Stephania en s’asseyant devant moi.
— Je fais tout de travers. J’ai beau essayer de me réconcilier avec lui, mais à chaque fois, la situation empire.
— Pourquoi ne feriez-vous pas appel à une aide extérieure ? Un homme qui est en dehors de votre relation mère-fils.
— Comme mon père ? Ça fait plus de cinq ans que je n’ai pas de nouvelle de lui.
— Ce sera l’occasion de reprendre des nouvelles. Je suis sûr qu’il accepterait de vous venir en aide. Il pourrait ainsi voir ses petits-enfants.
— Je vais y réfléchir.
— Océane se fait beaucoup de soucis pour moi. Votre fils ne lui a pas expliqué ce qu’il s’est passé.
— Vous pouvez la faire entrer.
Pendant plus d’une demi-heure, j’expliquais à ma femme comment la discussion avait mal tourné. À cause d’une simple question, parce que j’avais voulu savoir la vérité. Parce que j’avais voulu savoir ce que mon fils ressentait réellement vis-à-vis de moi. Après avoir tout expliqué dans les moindres détails, elle me serra dans ses bras. Mes larmes reprirent et elle attendit, pendant plusieurs minutes, que ça passe.
— Stephania à raison, chérie. Ton père peut t’aider. Tu devrais l’appeler.
— Je ne sais pas. Ça fait si longtemps que…
— Raison de plus. Il est peut-être le seul à pouvoir t’aider. Ça ne servirait à rien que je lui parle à nouveau, il ne m’écoute plus.
— Bon, très bien. Je vais l’appeler.
— Prends le temps qu’il te faut, chérie. Les paroles de Ben ont été dures et je comprends que tu aies besoin d’un peu de temps.
— C’est de ma faute s’il a m’as dit ça. Je lui ai demandé la vérité et…
— Est-ce que ça t’a réellement apporté quelque chose de savoir ?
— Oui. Au moins maintenant, je suis fixée.
— Appelle ton père, qu’il vienne au plus vite. Vous voir vous déchirer tous les deux, ce n’est plus tenable.
Océane avait raison. Aujourd’hui, mon père était le seul à pouvoir nous sortir de cette situation. Il était le seul à pouvoir réussir à parler avec mon fils, à nous sortir de là. Sous le regard compréhensif de ma femme, j’appelais mon père. Après lui avoir expliqué la situation, il accepta de venir m’aider au château. Ça faisait longtemps que je n’avais pas revu mon père et l’imaginer de nouveau auprès de moi, j’appréhendais déjà son arrivée. J’appréhendais nos retrouvailles.
Annotations