Chapitre 7

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Cela faisait déjà deux jours que j’attendais l’arrivée de mon père. Il allait arriver d’une minute à l’autre et je commençais à paniquer. Océane attendait à côté de moi tandis que je jouais avec mes doigts.


— Tout va bien se passer, Elena. Respire et reste calme.

— Et si…

— Arrête de paniquer pour rien, chérie.


Elle attrapa ma main dans la sienne pour m’empêcher d’arracher la peau autour de mes ongles. Pour me rassurer, elle entoura mes épaules de son bras et me rapprocha contre elle. J’entendis ensuite une voiture arriver et mon cœur s’accéléra dans ma voiture. Je serais la main de ma femme, déglutis et respirais un bon coup avant de le rejoindre.


— Bonjour père.

— Elena, ma chérie ! Qu’est-ce que je suis content de te revoir.

— Bienvenue, père.

— Tu es bien pâle ma grande. Hormis Ben, ça va ?

— Rentrons avant de discuter.


Océane s’éloigna, laissa la possibilité à mon père d’entourer mes épaules de son bras. Quand on entra dans le château, je vis Élise courir vers nous.


— Papi !

— Ma petite princesse ! Comment tu vas ?


Mon père se pencha et attrapa ma fille dans ses bras. Il l’a fait tourner quelque instant avant de la reposer à terre. Aujourd’hui, il était le grand-père qu’il voulait être, parce qu’il n’avait pu être le père idéal pour moi.


— Élise, tu peux dire à ton frère que je suis là ? La questionna-t-il.

— Il s’est enfermé dans sa chambre depuis que… enfin…

— J’irais le voir. Il faut d’abord que je discute avec ta mère.

— Bon d’accord. Je vais vous laisser alors.

— Merci ma grande, termina-t-il.


Élise m’adressa un rapide sourire avant de s’éloigner. Mon père tapota ensuite mon épaule.


— Allons discuter dans ton bureau, ma chérie.

— Je vais vous y conduire, ajouta Océane.


Océane marcha devant nous tandis qu’on la suivait. En silence, on se rendit jusque dans mon bureau et ma femme ferma la porte une fois qu’on fut tous entrés.


— Maintenant qu’on est enfin tous les trois, dis-moi tout, Elena.

— Je vous ai déjà tout expliqué, père.

— Océane, vous voulez bien me donner votre version des faits ?

— Ben et Elena c’est… comment dire ? Ils sont aussi têtus l’un que l’autre.

— J’ai tout fait pour que ça s’arrange, Océ ! Sauf qu’à chaque fois que je fais quelque chose, je ne fais qu’empirer la situation.

— Qu’est-ce que Ben t’as dit à propos de tout ça ? me questionna mon père.

— Il me déteste. Je lui ai demandé la vérité, parce que j’avais besoin de l’entendre, mais en fais…

— Ma chérie. Si tu veux reconstruire une relation solide avec ton fils, il faut en passer par là. Tu es déjà au plus bas, ça ne pourra qu’aller mieux.

— Mais comment ? Chaque fois que je tente de lui parler…

— Bon, me coupa mon père. J’ai compris la situation. Je vais aller lui parler. Surtout, tu me laisses faire d’accord ?

— Très bien.

— Profites-en pour te reposer, chérie, enchaîna Océane.

— Je fais faire ça. Merci pour votre aide, père.

— Tu es ma fille, Elena. Je te dois bien ça. Pour rattraper le temps perdu.


Il m’embrassa avant de sortir du bureau. Océane se tourna vers moi en me souriant puis m’embrassa. Elle m’invita ensuite à aller me reposer dans la chambre. Suivant son conseil, je partis m’allonger sur mon lit avec un livre. Je lus à peine un chapitre avant de m’endormir. À mon réveil, Océane était assise à côté de moi, sur le lit.


— J’ai dormi combien de temps ? la questionnais-je.

— Deux bonnes heures, mon amour.

— Mon père a parlé Ben ?

— Oui. Prépare-toi, on sort en ville tous les cinq.

— Sérieux ? Il a réussi à en tirer quelque chose ?

— Il a essayé. Dépêche-toi de te préparer, on décolle bientôt. Oh et il faut chaud dehors, choisi la bonne robe.

— Merci pour l’info.


Elle m’embrassa rapidement avant de sortir de la chambre. Je me levais à mon tour et choisis une robe légère, blanche, à bretelle et courte au niveau des genoux. Je tressais rapidement mes cheveux en une seule natte. Je mis ensuite mes sandales blanches ainsi que mes boucles d’oreilles avant de rejoindre ma famille dans la cour.


— Tu es magnifique, ma chérie.

— Merci papa.

— Aller, en route tout le monde, enchaîna Océane. Les hommes dans une voiture, les femmes dans une autre.

Même si mon père avait parlé avec mon fils, celui-ci ne m’avait même pas regardé. L’ensemble du trajet pour rejoindre Glenharm se fit en silence. Élise était assise en face de moi, Océane à côté de moi. Quand sa main glissa sur la mienne, je tournais la tête vers elle.

— Pourquoi tu n’as pas pris ta couronne, chérie ?

— Je n’en avais pas envie. Je veux que ce soit une sortie en famille, rien de plus.

— Elena…

— N’en parlons pas, Océ. J’ai besoin de souffler.

— Comme tu veux.


Cette sortie, même si mon fils m’ignorait complètement, faisait du bien. Les habitants nous regardez passer. Enfin, c’était surtout mon père qu’ils regardaient. Leur ancien empereur marchait au côté de sa famille. Même si j’avais l’habitude de ses regards, aujourd’hui j’étais mal à l’aise. J’avais sans cesse l’impression qu’il pouvait voir la distance qu’il y avait entre mon fils et moi.


— Ben, pourquoi tu n’irais pas parler à ta mère ? lui proposa mon père.

— Je n’en ai pas envie.

— Fais un effort mon grand.

— Pourquoi je lui parlerais ? Alors qu’elle me déteste après ce que…

— Je ne te déteste pas chéri, enchaînais-je en m’approchant de lui.

— Bien sûr que si. Je sais que tu me détestes parce que je ressemble trop à mon père. Tu me détestes parce que tu n’arrives pas à me comprendre, parce que tu n’arrives pas à me parler. Plusieurs fois je t’ai demandé des explications et tu n’as jamais su me répondre.

— Ce que ton père m’a fait…


En repensant à tout le malheur que cet homme m’avait fait vivre, les larmes montèrent. Océane voulut s’approcher, mais je m’éloignais. Même si c’était dur, il était temps de leur dire la vérité, une bonne doit pour toute.


— Allons nous asseoir prendre une glace. Je vais tout vous raconter.

— Tu es sûr, Elena ? me questionna Océane.

— Oui. Si c’est le seul moyen de récupérer mon fils, je vais tous leur expliquer.


Océane glissa sa main dans la mienne et on partit s’asseoir à la terrasse d’un glacier. Mon père nous commanda les glaces avant de s’asseoir avec nous.


— Bon, je vais commencer. Mon mariage avec votre père était une pure machination de votre grand-mère. Elle avait planifié ça avant même ma naissance et la sienne. Quand je me suis mariée avec lui, je n’avais pas connaissance de tout ce stratagème et j’étais déjà amoureuse de votre mère. Mais j’ai quand même choisi de me marier avec lui, pour le bien de l’Empire. Quand il a su que je ne l’aimerais jamais, que ce serait toujours votre mère et que je faisais tout pour qu’il n’ait aucun pouvoir politique, il l’a mal pris et il s’en est pris à moi. Au départ il était violent, mais quand il a su que j’étais enceinte de lui, il m’a isolée, enfermée et maintenue captive dans ma chambre. Le jour où il a annoncé publique ma grossesse, j’ai essayé de lutter contre lui, mais il m’a violemment poussé et je suis tombée sur l’une des marches de l’entrée du château. Assommée, je n’ai pas eu le temps de me relever et il a essayé de me tuer. Si votre mère n’avait pas été là, si les villageois présents ce jour-là n’étaient pas là… nous serions tous les trois morts.


— Ce que votre mère essaie de vous dire, les enfants, c’est que votre père était le pire des salopards. Et je pèse mes mots.

— Océ…

— Je comprends pourquoi tu n’as rien dit avant, maman, ajouta Élise.

— Ben… tu as quelque chose à dire ?

— Je… je suis désolé maman. Si j’avais su…

— Écoute chéri, tu n’as pas à t’excuser pour ça. Tout ce que je veux, c’est qu’on puisse se retrouver. Je veux retrouver le petit garçon joyeux et insouciant que tu étais quand tu avais cinq ans.

— Je te promets de faire des efforts désormais. J’ai compris pourquoi tu étais… enfin pourquoi tu es toi et je ferais attention maintenant.

— Merci chéri.


Cette discussion, je l’avais attendue pendant longtemps. Grâce à l’intervention de mon père, mon fils et moi avions enfin pu parler calmement. J’avais pu expliquer une partie de mon passé à mes enfants. Dès qu’on eut terminé nos glaces respectives, on rentra tous au château. Alors que les enfants retournaient dans leur chambre, mon père m’interpella. Océane me sourit et s’éloigne. Je suivis alors mon père dans la cour.


— Maintenant que le problème est plus ou moins réglé avec ton fils. Parle-moi de toi.

— Je ne comprends pas.

— Comment tu vas ? Quand les premiers symptômes de la maladie de ta mère sont apparus, elle était plus jeune que toi.

— Je ne suis pas malade.

— Ce n’était pas la réponse attendue.

— Il est possible que… parfois j’entende des voix. Mais j’en ai déjà parlé à Emma, il n’y a pas à s’inquiéter.

— Au contraire, Elena. Ta mère a fait comme s’il ne s’était rien passé et tu as vu le résultat.

— Je ne veux pas devenir comme elle.

— Tu en as parlé à ton médecin ?

— Non.

— Tu devrais. Ne serait-ce que pour faire un point. C’est lui qui te dira si tu es malade ou non.

— Je ne sais pas.

— De quoi as-tu peur ?


Ce dont j’avais peur, c’était de découvrir que moi aussi j’étais malade, comme ma mère. Que je risquais, du jour en lendemain, de devenir violente avec ma famille alors que j’avais toujours fait en sorte de prendre soin d’eux. J’avais peur de devoir abandonner la seule chose que j’étais capable de faire, gouverner.


— Elena ?

Cette fois-ci, ce n’était pas mon père qui m’appelait. C’était Elle, qui était revenue. Si elle était revenue, c’est qu’il y avait une bonne raison. Je devais trouver le moyen de me retrouver seule pour lui parler. Je devais mettre fin à la conversation que j’avais avec mon père.


— Vous avez raison, père. J’irais voir le Dr Langstone.

— Il faut que tu fasses les démarches avant qu’il ne soit trop tard, ma grande.

— Je le ferais.

— Je ne t’embête pas plus. Faut que j’aille voir Stephania.

— Merci pour votre aide.


Il posa rapidement sa main sur mon épaule avant de rentrer au château. Je m’éloignais, pour me promener un peu dans les jardins.


— Je suis à toi. Où es-tu ?

— Je suis là. Tu as réussi à parler à ton fils, je suis contente.

— Seulement grâce à mon père.

— Mais tu as réussi à lui parler, c’est le principal.

— Ce n’est pas assez.

— Ne sois pas trop exigeante envers toi-même. Tu dois y aller par étapes, tu dois prendre ton temps.

— Et concernant mon père et ce qu’il m’a dit… tu crois que je suis malade ?

— Qu’est-ce que tu en penses ?

— Je doute aussi. Après tout, je te parle alors que tu n’es pas vraiment là.

— Tu n’as pas tort. C’est vrai que je ne suis que dans ta tête. Je ne suis que le fruit de ton subconscient pour t’aider. Tu es peut-être malade ou non, mais je resterais avec toi aussi longtemps que possible.

— Est-ce que je devrais aller quand même aller voir le Dr Langstone ?

— C’est à toi de prendre cette décision. À toi seule.


Elle, la seule qui m’écoutait sans me juger. Celle qui me laisser prendre les décisions seules, sans jamais m’influencer. Contrairement à Emma et Océane, qui cherchaient toujours un moyen de m’aider, Elle faisait toujours en sorte que je choisisse, par moi-même le chemin que je voulais prendre. Pourtant, si elle était uniquement le fruit de mon subconscient, ça voulait dire que je lui parlais parce que j’étais malade. Sa présence même était ce que je craignais le plus sans l’accepter.

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