Chapitre 26
N’ayant rendez-vous avec Océane et son médecin qu’à quinze heures, je profitais du début d’après-midi pour aller me renseigner, avec Elise, au conservatoire de musique de Glenharm. Intimidée, mais en même temps fascinée par le magnifique bâtiment, Elise glissa sa main dans la mienne.
— Votre Majesté, m’aperçut un homme en costard. Puis-je vous renseigner ?
— Ma fille aimerait essayer la batterie. Est-ce possible ?
— Bien sûr. Le professeur est actuellement dans sa salle. Si vous voulez bien me suivre.
En silence, on le suivit jusqu’à une salle où il y avait plusieurs grandes batteries. En admiration, Elise tourna autour des instruments, des étoiles plein les yeux.
— Comment tu t’appelles ? l’interrogea le professeur qui ne m’avait pas vu.
— Elise, Monsieur.
— Enchanter Elise. Je suis Stephan. Tu veux essayer ?
— S’il vous plait.
Il s’installa sur le tabouret de l’une des batteries et lui donna deux baguettes. Il lui fait faire quelques exercices qui semblaient lui plaire.
— Alors qu’est-ce que tu en penses ?
— C’est génial ! Maman, Maman, je veux en faire !
— On t’inscrira à la rentrée alors.
— Ce serait un honneur d’accueillir votre fille, Votre Majesté.
— Puis-je avoir un contact pour préparer son inscription.
— Bien sûr. Voici ma carte.
Avant de partir, on a eu droit à une visite du conservatoire, pour faire plaisir à Elise. Une fois sorti, il était temps de retrouver Océane. Je proposais à ma fille de venir avec moi et elle accepta, ravie. Pourtant, une fois arrivée dans la cour du château, je restais complètement pétrifiée. C’était la première fois que je revenais en deux mois, depuis l’attaque.
— Ça ne va pas maman ? s’inquiéta Elise.
— Tu peux aller chercher ta mère, ma grande ? Elle doit être dans le bureau.
— Je me dépêche.
C’est en courant qu’Elise me laissa. Revoir ce château avait subitement fait remonter tous les souvenirs de l’attaque. Je revoyais le sang dans tous les couloirs, les cadavres qui jonchaient le sol, mais surtout l’assassinat de Kaitlyn. Un haut-le-cœur arrivé et je dois me pencher près d’un buisson. Océane arriva à ce moment-là et attrapa mes cheveux. Dès que ce fut passé, elle me prit dans ses bras.
— Tu aurais dû me prévenir.
— Je pensais pouvoir y arriver. Pour toi.
— Si tu ne le sens pas, tu peux rentrer à la maison.
— Non, je dois y arriver. Ce bébé, on le fait à deux. Tu n’as pas à faire ça seule.
— Je reste avec toi mon amour, ne t’inquiète pas.
Le bras de ma femme autour de ma taille et sa main posé sur ma hanche, je réussis à avancer. À ses côtés, je réussis à aller jusqu’à l’infirmerie, tout en gardant les yeux rivés au sol. Dès que la porte fut fermée, je pus mieux respirer.
— Bienvenue Votre Majesté. Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas vu, commenta le Dr Langstone.
— En effet. Je suis là uniquement pour ma femme.
— Comment va votre épaule ?
— Ça va mieux, mais ce n’est pas encore ça.
— Je vais vous laisser entre les mains de ma consœur.
Le Dr Blake nous réexpliqua toute les étapes de la procédure. Tout ce qu’elle avait déjà expliqué à Océane. Je pus enfin apposer ma signature sur les différents documents, mais surtout pour que je sois reconnue comme la deuxième mère du bébé.
— Il faut aussi que vous compreniez que physiquement et mentalement, ce sera éprouvant pour vous deux, mais aussi pour votre couple.
— Les deux derniers mois ont déjà été compliqués pour notre mariage et on a réussi à s’en sortir, répondis-je. On devrait encore y arriver.
— Avez-vous déjà fait quelques démarches pour accueillir cette enfant ?
— On avait commencé à vider une pièce proche de notre chambre. Cette même pièce va bientôt être rénovée, enchaîna ma femme.
— Où se trouve exactement cette future chambre ?
— Elle juxtapose la nôtre. On compte les relier via une porte.
— Vous avez déjà tout prévu à ce que je vois.
— Presque tous, rigolais-je. Et puis, nous avons déjà eu des enfants. Des jumeaux même. Nous sommes mieux préparées cette fois-ci.
— C’est parfait. Si vous le voulez bien et si vous êtes prête, nous allons pouvoir commencer.
— Je suis prête, répondit ma femme.
Tous sourire, Océane se prépara et s’installa sur la table d’auscultation. Son médecin fit tout ce qu’elle avait à faire, même si je n’y comprenais rien. Après une demi-heure, nous avions fini pour aujourd’hui.
— Je vous conseille de vous reposer aujourd’hui. La première injection est toujours un peu compliquée.
— Merci Docteur.
— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, ou n’importe quelle question, n’hésitez surtout pas.
Dès que son médecin quitta l’infirmerie, je m’allongeais aux côtés de ma femme.
— Tu veux faire quoi maintenant ? me questionna-t-elle.
— Il y aura d’autres étapes avant l’insémination, non ?
— Oui. Mais ne t’inquiète pas, tu ne seras pas obligé de venir à chaque fois. Ce sera très rébarbatif.
— Tu me diras alors.
— Mais oui. Tu veux qu’on retourne dans la future chambre de notre bébé ?
— Je veux bien. Faisons par étape, dans des pièces où je n’ai aucun mauvais souvenir.
— Dans ce cas, on va dans sa chambre et ensuite on va gouter en cuisine avec Elise ?
— Ça me va.
Je l’embrassais et me levais. Ensemble, sans que je ne panique, on rejoignit la chambre en travaux. Deux hommes étaient d’ailleurs en activités.
— Vos Majestés, nous saluèrent-ils.
— Bonjour Messieurs, répondit Océane. Ne faites pas attention à nous. Comment tu imagines la chambre, mon amour ?
— Je verrais bien le lit ici, le siège et la commode là.
— Sans t’en parler, j’ai fait appel à un décorateur d’intérieur. Tu veux voir le plan et me dire ce que tu en penses ?
— Avec plaisir.
Elle sortit son téléphone et me montra un plan. La chambre était chaleureuse, décorée subtilement et très fonctionnelle.
— J’aime beaucoup. Les couleurs des murs clairs nous éviterons de refaire des travaux quand il grandira.
— On a aussi pensé à ça. Même si, en devenant ado, il voudra une chambre plus éloignée.
— Nous n’y sommes pas encore, mon amour, rigola-t-elle. Ce plan te convient du coup ?
— Oui, partons sur ça.
— Il y’en a pour au moins six mois de travaux, compléta Océane. La chambre devrait être prête pour la naissance, si ça fonctionne du premier coup.
— Tu as beaucoup travaillé pendant ses deux mois.
— Je ne te le fais pas dire.
— Merci pour tout ce que tu as fait ici, mais aussi pour moi. Merci de m’avoir supporté.
— C’est normal, mon amour. Je suis là pour ça, même si parfois, tu sembles l’oublier.
Ma main dans celle de ma femme, traverser ses couloirs qui m’avaient tant fait paniquer était rassurant. À ses côtés, je n’étais plus la femme prisonnière d’un roi envahissant. À ses côtés, je redevenais moi-même. Arrivée en cuisine, Elise était déjà installée. Océane avait du la prévenir.
— Tout ce passe bien ma chérie ? la questionnais-je.
— Oui très bien.
— Oh, bonjour Votre Majesté, m’interpella une domestique. Vous êtes de retour au château ?
— Pas encore non. Mais bientôt, oui.
— Par étapes, n’est-ce pas ?
— C’est tout à fait ça.
— Souhaitez-vous quelque chose pour le goûter ?
— Avec plaisir.
Je déposais un baisé sur le front de ma fille avant de m’asseoir à côté d’elle.
— Maman, entre Ben et moi, qui héritera du trône ? me questionna-t-elle.
— Je ne sais pas ma grande. On en discutera en temps voulu. Pourquoi ?
— Je me posais juste la question. Comme avec Ben nous sommes jumeaux, je voulais savoir comment vous alliez décider.
— C’est une très bonne question, ma chérie. Mais aujourd’hui, je ne peux pas te répondre. Nous n’en avons pas encore discuté avec ta mère.
— D’accord. Merci, maman.
On discuta pendant vingt minutes, autour des gâteaux et chocolats chauds. Quand il fut l’heure pour moi de rentrer, Elise voulut rester. Avec Océane, on prit la décision de faire revenir la famille au château. Je resterais, chère Corine, seule, aussi longtemps que nécessaire. J’embrassais ma fille et ma femme avant de récupérer mon fils à son stage de tire à l’arc. Lui aussi voulant retourner au château, je l’y déposais avant de retourner chez Corine.
— Bah, les enfants ne sont pas là ? s’inquiéta Corine.
— Ils sont restés au château avec Océane. Ils viendront récupérer leurs affaires demain.
— Et tu restes encore combien de temps ? Je ne te mets pas à la porte ma grande, mais le calme de ma maison me manque.
— Je comprends. Je ne sais pas encore, mais ça ne devrait plus tarder.
— Sache que je suis contente de savoir que tu arrives à retourner au château. Tu as fait d’énormes progrès en deux mois. Je suis très fière de toi.
— Merci.
— Et sinon, tu me sembles bien fatigué. Tu dors assez ?
— J’aimerais bien dormir plus, c’est vrai.
— Tu n’as ni ta femme ni tes enfants. Profites-en pour te reposer. Va faire une sieste.
— Bonne idée. Merci Corine.
— C’est normal ma grande.
Je remplis ma bouteille d’eau que j’avais laissée en cuisine ; une fois dans la chambre, voulant écouter de la musique, je fermais la porte à clef. Corine avait un double au cas où. La dernière fois que j’avais mis mes écouteurs, je n’avais pas entendu Marc arriver. Même si je savais être dans un endroit sûr, je craignais que ça recommence. Fermer la porte à clef était un moyen de me rassurer. De la musique douce dans les oreilles, allongé dans mon lit, je réussis à m’endormir. Les enfants n’étaient pas là, les sœurs d’Emma étaient grandes, la maison était calme. Je pus enfin me reposer correctement, sans être dérangée.
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