Chapitre 27
Aujourd’hui, je n’avais plus le choix. Je devais rentrer au château. Certains dossiers urgents attendaient d’être traités. Océane avait fait ce qu’elle avait pu, mais les dossiers en question ne pouvaient être traités que par moi. C’est en prenant mon courage à deux mains que je réussis à rejoindre mon bureau, mais restait bloquée devant. Là où tout avait commencé. Quand Océane ouvrit la porte, pour en sortir, je sursautais et reculais.
— Je ne savais pas que tu devais venir.
— Tu m’as dit pour les dossiers urgent, je suis là, répondis-je sans montrer ma nervosité.
— Je te l’aurais apporté chez Corine sinon. Ça va aller ?
— Mais oui, ne t’inquiète pas.
— Je dois récupérer un livre à la bibliothèque. Je serais de retour dans une dizaine de minutes. Tu peux m’attendre si tu en ressens le besoin.
Elle me sourit et s’éloigna. De toute façon, j’allais avoir besoin d’elle, ne pouvant toujours pas écrire. La porte étant ouverte, je pouvais tout voir. Je rentrais rapidement dans le bureau et finalement, m’y a senti en sécurité. Il y avait deux gardes dans le couloir, deux à l’intérieur et un bouton d’urgence, sous nos deux bureaux, avait été installé. Mon propre bureau avait même été retourné, pour me permettre d’avoir une vision sur la porte. En repérant la pile de dossiers, je compris que j’en avais pour plusieurs jours de travail. Je m’assis à mon bureau, rassurée par tous les nouveaux protocoles mis en place. Rapidement, j’étudiais tous les dossiers pour choisir celui sur lequel j’allais travailler en premier.
— Tout va bien ? m’interrogea Océane à son retour.
— Oui. Merci pour le bouton d’urgence et pour avoir retourné avoir mon bureau.
— J’ai mis en place d’autres protocoles de sécurité. Mais on en discutera au calme. Quant au bouton d’urgence, il envoie un signal d’alerte sur le téléphone professionnel du Chef de la garde ou du lieutenant en charge de la sécurité en son absence.
— Merci.
— Je t’ai mis un stock de feuilles blanches pour que tu puisses t’en servir.
— Est-ce que tu pourras m’aider ? Rédiger pour moi ?
— Bien sûr. L’ordinateur t’aidera aussi, avec le logiciel de traitement de texte. Et s’il y a besoin de signer, je signerais à ta place si tu me l’autorises.
— Je vais essayer ça, déjà.
— N’hésite pas si tu as besoin de quoi que ce soit. N’oublie pas que tu es encore convalescente.
— Je ne peux pas oublier avec ce bras en écharpe, rigolais-je.
Océane sourie et se remit à son travail. Son bureau aussi était tourné vers la porte. Nous n’étions plus dos à dos, mais pouvions nous voir. Finalement, la pièce semblait plus accueillante et aérée. Nous aurions dû agencer le bureau de cette manière dès le début. Grâce à l’ordinateur, je pus noter et rédiger ce dont j’avais besoin. Grâce aux feuilles blanches, je pus faire des calculs, prendre des notes de la main gauche, même si c’était peu lisible. Je réussis à travailler pendant plus de deux heures en restant concentrée.
Pourtant, plus les heures passaient, plus je me sentais oppressé dans cette pièce. J’étouffais et je ne voulais pas qu’Océane le remarque. Je posais mon stylo, attrapais mon téléphone et sortis prendre l’air dans la cour. Je m’assis sur les marches et restais là pendant plusieurs minutes.
— Ça ne va pas ? me questionna Emma en s’asseyant à son tour.
— Je bronze, ça ne se voit pas ?
— Elena, enchaîna-t-elle suspicieuse. Tu ne peux pas me mentir, je te connais.
— Quand est-ce que tu te maries ?
— Ne change pas de sujet.
— Je suis sérieuse. Quand vas-tu penser à toi en priorité ?
— Ma vie me convient très bien comme tel, Elena.
— A être à mon service ? Tu n’as pas envie d’autre chose ?
— Bon, je vais être honnête avec toi. J’ai bien quelqu’un dans ma vie. Enfin, c’est tout nouveau et il habite loin. Mais je ne veux pas te laisser, pas en se moment. Et Bianca n’a pas fini sa formation. Elle n’est pas encore apte à prendre ma place.
— Qui est-ce ?
— Ce n’est pas important.
— Bien sûr que si, Emma ! Tout ça, c’est trop pour moi. Enfant, je rêvais d’échapper à ma mère. Et aujourd’hui… je rêve d’abandonner la couronne et d’avancer sans me retourner. Mais il y aurait trop de conséquences à mon abdication.
— Tu fuis le trône tandis qu’il m’attire, murmura-t-elle. Tu es à ta place, Elena.
— Je n’en suis plus sûr.
J’avais été à ma place sur le trône il y a dix ans. Quand j’avais lutté pour me faire accepter alors que j’étais tout juste âgé de vingt ans. J’avais lutté pour cet Empire qui aujourd’hui me tuait. Je ne voulais plus être appelé Majesté, ni avoir un quelconque titre. Je voulais juste être moi avec ma famille. Mais ça, je ne pouvais pas le dire à ma femme. Le prix à payer pour ma liberté était trop important. Si j’allais au bout de mes envies, Océane et les enfants allaient en payer le prix à ma place.
— Tu n’as pas à souffrir pour rien, Elena.
Elle était revenue. J’informais Emma que j’avais besoin d’être un peu seule. Elle rentra au château et je partis marcher dans les jardins. Avec la chaleur et le soleil, tous les arbres étaient en fleurs.
— Tu as le droit d’envisager une autre vie, repris Elle.
— Et comment ? Je ne peux pas laisser Océane s’occuper de tout.
— Rosalie est là pour ça, non ? C’est à ça que sert une assistante.
— Je ne peux pas, c’est tout.
— Arrête d’être aussi bornée ! Tu tombes en dépression et tu ne le vois même pas.
— Et tu vas faire quoi ? Rien parce que tu n’existes pas vraiment, tu es dans ma tête.
— Tu ne comprends vraiment rien. Tu ne veux plus être Impératrice, tu es malheureuse, mais tu ne fais rien pour changer les choses. Il serait peut-être temps d’arrêter de couler, tu ne crois pas ? À quoi bon rester en vie sinon.
— Et si c’était la solution ?
— Mourir ? Non, mais tu t’entends parler ? Après tout ce que tu as surmonté, après la montagne que tu femme à du gravir pour t’aider, comment oses-tu penser à mourir ? Comment peux-tu penser à mourir alors que vous allez avoir un troisième enfant ?
— Il serait bien plus en sécurité loin de moi.
— Je ne peux définitivement plus rien faire pour toi.
Prise de l’envie d’en finir définitivement avec mon passé, avec mon titre, je sortis du château. Sans savoir comment, j’avais réussi à tromper la vigilance des gardes. Ma couronne dans la main, je marchais jusqu’à Glenharm. En ville, les passants me regardaient étrangement. Ils étaient à la fois inquiets, protecteurs et perplexes. C’était la première fois que je sortais du château sans gardes.
— Votre Majesté ? tenta une jeune femme.
— Ne m’appelez plus ainsi.
— Mais…
Au même moment, mon téléphone vibra. Océane m’appelais. Elle avait dû s’apercevoir de mon absence. Mais je ne voulais pas lui répondre. Pourtant, elle insistait, elle m’appelait en boucle. J’éteignis mon téléphone et repris mon chemin. Alors que j’approchais de la place principale, il y avait de plus en plus de monde. Mais ça m’était égal. J’étais déterminée à en finir, même si je savais que ma femme en subirait les conséquences.
— Elena !
Dans mon dos, c’était Corine. En ne me voyant pas répondre, Océane avait dû la contacter. L’ignorant, je continuais à avancer, ma couronne toujours dans la main. Corine finit par me rattraper et m’obligea à m’arrêter.
— Je peux savoir ce que tu fais ? Océane est morte d’inquiétude.
— Je fais ce que j’ai à faire.
— Rentre chez toi. Océane est dans tous ses états, elle a peur que tu fasses une bêtise.
— Tu peux la rassurer, je ne vais pas me suicider.
— Je n’ai pas…
— Si, vous avez toutes les deux penser à ça. Vous savez toutes les deux que j’ai déjà fait une tentative de suicide et que je pourrais recommencer.
— Tu n’as pas les idées claires, Elena. Rentre te reposer.
— Ne l’écoute pas. Reste concentré sur ton objectif.
— Je sais ce que je fais.
— Je n’en suis pas sûr.
— Tu n’es pas ma mère ! m’énervais-je. Occupe-toi de ce qui te regarde !
Le regard que Corine m’adressa m’obligea à baisser les yeux. Elle n’était pas ma mère, seulement ma grande cousine. Ou pour faire simple, ma tante.
— Maintenant, tu vas arrêter tes conneries et me dire ce que tu allais faire. Et tous de suite.
— Trace ton propre chemin, Elena. Tu n’as pas à lui dire quoi que ce soit. Tu n’as pas à lui obéir.
— Tais-toi ! Tais-toi !
— Elena…
Elle devenait de plus en plus présente dans ma tête. Ses paroles dominaient celle de Corine. Prenant ma tête entre mes mains, j’approchais d’un mur et me laisser glisser, jusqu’à m’asseoir. Plus Corine tentait de me raisonner, plus Elle devenait omniprésente dans ma tante. J’en étais à lutter contre moi-même, contre ce que j’entendais et ce que je n’entendais pas. Contre qui j’étais et qui je devenais malgré moi. Quand le cumul de tout fut trop pour moi, je décrochais totalement. Je n’étais plus en ville, assise par terre avec Corine à mes côtés. J’étais sur une plage de sable fin. Devant moi, une étendue bleue s’étendait à perte de vue. Mais surtout, le silence, le souffle du vent avait remplacé les cris, les supplications, les phrases qui n’avaient plus aucun sens. Je ne savais pas où j’étais, mais je me sentais enfin en paix.
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