Scène 1
Le framboisier seul dans la lumière de l’aurore.
Le framboisier :
Quel jour sommes-nous ? Je ne me souviens plus…
Si je me fie à mes souvenirs, ce début
De chaleur ne peut signifier qu’une chose.
Je vois d’ici mes fruits, hier fleurs écloses,
Se gorger de sucre, et rougir à vue d’œil.
Si je m’escrime à les abriter de mes feuilles,
Cela ne sert point : elles grandissent, mûrissent…
Pour l’accepter… faudrait-il que je m’assagisse ?
Las, quel père je fais ! Pourquoi est-il si dur
D’accepter leur âge ? (attendri) Est-ce que d’aventure
Je me ferais trop vieux pour les regarder
Pousser, voir qu’elles souhaitent se détacher ?
(instant de flottement nostalgique, puis plus sombre)
J’ai le cœur bien lourd, mes branches qui s’agitent ;
Voilà toute la nuit qu’un doute m’habite :
Vivront-elles l’été ? Quel sera leur destin ?
Pères framboisiers ou desserts d’un festin ?
Selon ceux qui s’occupent de ce potager
L’un et l’autre sont possibles. J’ose espérer
Qu’ils aiment plus les légumes que les fruits.
Mais alors mes voisins… ? Plutôt eux que mes filles !
Si j’en crois la douleur montant dans mes racines,
Alors réponse viendra à l’heure où l’on dîne.
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