Wilwarin et la Source Glacée
- La Source Glacée hein ? questionna Aeglos, malicieux.
Wilwaron, les yeux toujours posés sur la silhouette de son aimée qui l’abandonnait, arrivait à sentir les billes mordorées de son cadet rivées sur lui. Piqué au vif par cette remarque narquoise, il détacha, dans un profond regret amer, son regard de la forme sombre qu’était devenue Aerin et se tourna dans un mouvement élégant vers Aeglos, le fusillant du regard.
- Qu’est-ce qu’il y a de mal avec la Source Glacée ? interrogea-t-il, sévère.
- N’était-ce pas dans cette eau limpide et brumeuse que vous vous êtes embrassés pour la première fois, lors de votre premier rendez-vous ? demanda-t-il, railleur.
- Tu sais très bien que ce jour-là, j’étais venu pour guérir mes blessures ! Ce n’est pas de ma faute si elle était là aussi pour se baigner. Je suis même sûr que c’est toi qui as arrangé ça ! C’est toi qui m’a parlé des bienfaits de cette source et qui m’a dirigé pour y entrer.
- Tu l’as quand même embrassé… rajouta Aeglos. Et ce n’est pas de mon fait Aegnor.
Wilwaron leva les yeux au ciel, sa tête dodelina avec douceur alors que la voix de Aeglos se faisait plus basse. Il entendait déjà la Cascade Froide ondulait et rejoindre l’eau de la Source Glacée. Il entendait déjà les doux rires de Aerin. Il soupira, sa tête se secoua avec douceur.
J’espère que Aerin va vite rentrer…
AxW
Aerin, essoufflée, arriva finalement devant la demeure de son amie Elendë. Elendë est la fille d’un des Grands Seigneurs Elfiques. Les deux elfes ont passé leur enfance ensemble. Elles sont meilleures amies depuis le jardin d’enfant. Aerin est la fille du Premier Ministre, qui a plus une fonction de Conseiller du Roi. Et, autant que Conseiller, le père de Aerin fait lui aussi parti des Cinq Grands Seigneurs Elfiques. Alors qu’elle se rémémorait tous les bons moments passés en compagnie de Elendë, elle vit une huldra furieuse passer devant elle. Elle reconnut cette huldra courroucée comme Chloris, la domestique de Elendë.
Qu’est ce qu’elle a encore fait pour que Chloris soit en colère ?
Prudente, Aerin se dirigea d’un pas léger en direction de la nymphe des bois. Sa main fine se posa avec affection sur l’épaule de la nymphe. Celle-ci, apeurée, fit volte-face avec brusquerie. Sa queue fouetta avec sauvagerie les jambes fragiles de la jeune elfe qui ne sut comment réprimer une délicate moue de douleur. L’huldra, voyant qui elle venait de frapper avec tant de cruauté, prit peur. Ses ravissants traits se figèrent dans une expression de crainte.
- Majesté ! glapit-elle. Je suis navrée !
- « Majesté » ? répéta Aerin, surprise. Je ne suis pas encore mariée au prince, Chloris ! s’exclama-t-elle, rieuse. Ne t’en fais pas pour ça, je guéris vite.
- Ma… Dame… Que faites-vous ici ?
- Elendë m’a envoyé un message disant qu’elle avait besoin de moi. Qu’a fait ta maîtresse pour que tu sois si en colère ?
- Je ne suis pas en colère ! Juste un peu trop sensible…
Alors que l’huldra essayait, tant bien que mal, d’expliquer sa situation, Aerin remarqua qu’un bout de tissu d’un blanc pur orné de fils d’or pendait d’une délicate épingle en or. Etonnée, la jeune elfe porta, dans une grande prudence, la main sur cette étoffe. Elle posa sa main sur l’épingle et, avec prudence, elle la tira d’un geste vif du bras de la nymphe. Celle-ci cria de souffrance. Comme par instinct, elle porta sa main sur sa blessure douloureuse. Aerin examina le tissu doux.
- Je vois qu’Elendë s’est encore lancée dans la confection de robe, soupira Aerin. Elle est dans le grenier je présume ? questionna-t-elle.
Chloris hocha la tête de haut en bas, agréant aux paroles de la jeune elfe.
- Si elle m’a fait venir pour les essayages de ma robe de mariage alors que j’avais prévu de rester avec Wilwaron, elle va en entendre parler !
Depuis l’annonce du mariage princier, Elendë n’avait de cesse de la supplier de la laisser créer sa robe. Aerin avait bien sûr refusé. Elle préférait une tenue normale à une tenue extravagante pour le jour de son union avec Wilwaron. Aerin se demandait ce que son aimé faisait en ce moment… A part se battre avec Lórindol.
Ces deux-là…
AxW
Wilwaron avait revêtu sa tenue princière, comme l’avait exigé son cadet. Il avait détaché sa longue chevelure de jais. Ses cheveux ondulaient au rythme de ses pas suaves et légers. Ils venaient chatouiller ses vertèbres sacrées. Quelques mèches de sa chevelure d’un noir d’obsidienne avaient été nouées en un haut chignon qui était maintenu par un splendide bijou en argent finement ouvragé. Deux mèches venaient encadrer son divin visage. Il portait un habit blanc, les longues manches de la couche supérieure de son habit recouvraient ses poignets délicats, la couche intérieure venait juste protéger sa peau délicate des tiraillements que la friction du tissu blanc pouvaient engendrer sur sa chair brunie avec soin. Une ceinture opaline nouée à sa taille fine maintenait son habit en place, un dessin de fleur de lotus ornait le haut de ses manches. La fleur de lotus était le sceau de la famille de Aerin. Cette fleur, bien qu’elle représente la famille de sa fiancée, avait une tout autre signification pour lui.
Wilwaron était, comme à son habitude quand il n’était pas en compagnie de Aerin, dans le luxuriant jardin du palais royal. Sa flûte noire posée sur ses genoux, il était assis sur les marches qui menaient à la salle du trône et, une lueur peinée perlant à ses doux yeux bruns, il regardait le couple que formait Aeglos et la sœur cadette de Aerin, Aredhel.
Les Elfes possèdent deux prénoms. Un prénom d’usage, celui que tout le monde utilise pour l’appeler et un nom de courtoisie. Celui que seuls les membres de la famille, les amis ou l’époux peut utiliser. Le prince héritier n’échappait pas à cette règle. Son nom de courtoisie était « Aegnor » quand son nom d’usage était bien sûr « Wilwaron ». Son cadet portait le nom de Aeglos ainsi que Lórindol. Aerin et Aredhel avaient, elles aussi, des noms différents. Pour Aerin, son père avait demandé au souverain d’Alfheim de choisir un nom de courtoisie. Falathar était le nom par lequel Wilwaron devait l’appeler. Cependant, il avait cru comprendre que son aimée haïssait ce prénom. Non pas parce-que c’était le Roi d’Alfheim qu’il l’avait choisi. Mais plus parce que « Falathar » signifiait « Esprit du feu ». Et, depuis qu’il s’était prit une boule de feu en pleine figure, il a arrêté de l’appeler par son nom de courtoisie. Seule sa cadette, Aredhel avait ce privilège. Celle-ci portait d’ailleurs bien ses deux noms. «Aredhel » signifiait « noble elfe » tandis que « Tintallë » signifiait « l’allumeuse ». Quant à la signification de ses deux prénoms « Wilwarin » et « Aegnor », l’héritier du trône s’en moquait. Il savait juste que son nom de courtoisie signifiait « feu cruel » et que son prénom d’usage voulait dire « le papillon ».
Le prince laissa sa tête se balancer avec douceur, ses pensées le ramenant trois mois en arrière alors que ses délicates oreilles pointues lui fit parvenir les pas enthousiastes de son frère cadet et de sa fiancée.
- Aegnor ! Je suis surprise de te voir ici ? Ne devais-tu pas passer une journée entière avec ma sœur aînée ? questionna Aredhel, un ton malicieux perçant dans la joie de sa voix.
- Nous avons dut changer de plan lorsque Aerin a reçu un message de son amie et que mon cher frère ici présent a insisté pour me ramener au palais, répondit-il, une pointe de mépris dans sa belle voix.
- Vois le bon côté des choses, tu es beaucoup plus beau en blanc qu’en bleu, rétorqua Aeglos, narquois.
- Tu es juste jaloux parce que quoique je porte, je reste toujours plus séduisant que toi
- Ce n’est pas la vanité qui va t’étouffer ! Je ne comprends toujours pas comment est-ce que Falathar a pu tomber amoureuse de toi…
- Ne l’appelles pas comme ça ! prévint Wilwarin, courroucé.
D’un bond aussi vif que gracieux, il se leva. Son ravissant visage crispé dans une expression haineuse, il fit face à son cadet. Une flamme de rage brillait dans ses délicats yeux de biche. Aredhel s’interposa avant que son fiancé ne fasse un pas en avant.
- Les garçons, les garçons, je vous en prie, ne vous battez pas ! Nous sommes tous un peu sur les nerfs en ce moment, pourquoi ne pas se rendre à l’intérieur du palais et se prélasser quelque peu avant que Aerin ne revienne de son essayage chez Elendë ? proposa-t-elle, enjouée.
Lançant un dernier regard plein de haine, Wilwarin tourna le dos en couple et marcha hors du palais d’un pas vif et assuré. Il se rendait à la Source Glacée.
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