Hantise
— Tu nous veux, ensemble, lui et moi ?
Flavia acquiesça en baissant les yeux, gênée de laisser échapper un aveu... un aveu de faiblesse, d'amour, de soumission ? En ce moment, elle aurait eu bien du mal à prendre du recul pour découvrir en elle-même les motivations de sa requête.
— Tu en es sûre ? Tu sais ce que ça implique.
À nouveau, elle secoua la tête pour signifier son assentiment, sans parvenir à ajouter quoi que ce soit.
Une main douce mais ferme lui releva le menton et instantanément, elle fut happée par les prunelles incandescentes du capo napolitain. Des flammes bleues l'abîmèrent dans leur intensité. Oui, elle le désirait... non, elle les désirait.
— Soit, conclut l'homme, d'un ton sentencieux. Leandro, viens t'occuper de notre amie, ajouta-t-il, laconique.
Aussitôt, une ombre carrée, colossale, sortit de l'ombre derrière elle.
Sans avoir besoin de se retourner, elle ressentit immédiatement l'aura de force tranquille qui émanait de son ancien amant. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale et se répandit en vagues brûlantes dans sa poitrine. Son teint diaphane se teinta de rose alors que, paradoxalement, la chair de poule hérissait la moindre parcelle de peau. Ses jambes se dérobèrent sous elle.
Un bras musculeux s'enroula autour de sa taille pour l'empêcher de s'affaisser. Il était là, tout près. Ses omoplates s'appuyaient contre le torse puissant et s'appesantirent davantage contre lui. Elle perçut la douce toison qui enveloppait délicatement ses pectoraux, frémit de retrouver cette délicieuse sensation.
Que ressentit le capo à les voir ainsi enlacés ? Seules les ténèbres de son âme en avaient le secret.
Il reprit la parole.
— Déshabille-la, et prépare-la, ordonna-t-il d'une voix sèche qui trahissait son tempérament impérieux.
Quelques secondes s'écoulèrent sans que, pourtant, Leandro n'obtempère. Flavia reconnaissait bien là sa prévenance habituelle. Elle tourna légèrement la tête pour l'inviter à exécuter l'ordre de son supérieur. Un souffle balaya ses cheveux, peut-être un soupir, supposa-t-elle.
De toute manière, il n'aurait jamais refusé d'obéir à son chef, cela était inconcevable à sa fidélité sans faille.
Deux larges mains vinrent donc se plaquer sur ses épaules et en écartèrent les bretelles de sa robe, qui glissa bientôt à terre, suivie de sa fine culotte de coton.
Elle était désormais nue sous le regard intense des deux hommes, et réprima un mouvement pour couvrir son intimité. Elle se sentait bien dérisoire sous le feu de leur désir car elle savait que celui-ci ne lui était pas destiné.
Ils brûlaient simplement de se rejoindre en elle. Elle ne pouvait leur en vouloir pour cela, elle avait accepté en connaissance de cause de prêter son corps à leur union.
Les paumes du second s'emparèrent de ses seins, pétrissant les petites pointes, arrachant à la jeune fille un gémissement qui se prolongea en écho quand l'une des mains prit le chemin de son ventre, puis de ses cuisses.
Avec délicatesse, elle longea les lèvres, lentement, de l'extérieur vers l'intérieur, jusqu'à glisser dans la fente déjà humide. Les doigts s'imprégnèrent longuement de son nectar, avant de revenir vers le bouton sensible, qu'ils effleurèrent d'abord, pour ensuite le presser doucement, accélérant jusqu'à la frénésie.
Flavia haletait sous l'effusion de plaisir, fermant les yeux pour oblitérer l'image de Malaspina qui semblait se délecter du spectacle.
— C'est bon, elle est prête, coupa-t-il brusquement. Viens à moi maintenant, enjoignit-il à la jeune fille avec autorité.
Les sombres pupilles auréolées de leur couronne céruléenne la fixaient, paralysant sa volonté. Jamais elle n'avait pu se soustraire à leur irrésistible ascendant. Toujours elle leur serait soumise.
Hypnotisée, elle s'avança, et s'allongea à la place qu'on lui désignait.
— Bien, bonne fille, la flatta le capo en lui tirant les cheveux en arrière. Écarte les cuisses, offre-toi comme une bonne putain que tu es, continua-t-il sur un ton où transparaissait l'ironie.
Flavia ne cilla pas sous l'injure. Oui, elle était tout ce qu'il voulait, et jamais elle n'avait pu se révolter contre lui. Lui appartenir, se soumettre à ses cruelles fantaisies l'avait fait vibrer au-delà de toute mesure.
De son côté, l'homme prit son temps pour se dévêtir, découvrant son splendide torse sculpté dans le bronze, lisse et mat, et entièrement recouvert de volutes d'encre noire.
Il prenait plaisir à s'exhiber, c'était évident, il était conscient de sa beauté parfaite, mais cet effeuillage visait-il à la subjuguer, elle, ou plutôt à séduire son homme de main ? Dans les deux cas, l'effet était réussi, ses deux partenaires étaient fascinés par le corps sublime qui se dévoilait à eux.
D'un geste élégant, il rejeta derrière l'oreille les mèches d'un brun brillant qui lui tombaient sur les épaules avant de s'avancer vers la jeune fille étendue sur le lit.
Il s'attarda un moment sur la vision des minces courbes blanches qui s'étiraient impudiquement sur les draps puis vint les recouvrir, se positionnant entre les jambes écartées. Un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres lorsqu'il empoigna son sexe massif, orgueilleusement dressé. De l'autre main, il s'assura brièvement de l'excitation de sa soumise en enfonçant deux doigts dans son intimité ruisselante.
— C'est bien, constata-t-il, avant de s'appesantir sur elle pour la pénétrer, sans autre forme de préliminaire.
Flavia ferma les yeux pour savourer la puissante intrusion, se régalant de l'écartèlement de ses chairs autour de la hampe satinée. Elle s'attendait à être malmenée, car il ne pouvait pas en être autrement avec un si féroce amant. Aussi fut-elle étonnée de le sentir coulisser lentement, suavement, en elle, tandis que ses bras l'entouraient avec une retenue surprenante. Sa stupeur lui fit lever les yeux, mouvement qu'elle regretta aussitôt car il était fort peu respectueux d'oser ainsi interroger son maître en le dévisageant si directement.
Les iris de saphir la dévoraient littéralement, se repaissant en retour de l'émeraude dissimulée au fond du regard mourant qu'elle lui renvoyait, de la pureté de ses traits candides, du velours de sa peau laiteuse... enfin, et surtout, de son expression d'abandon, preuve de la domination qu'il exerçait.
Il considéra ses fines lèvres. L'embrasserait-il ? En avait-il réellement envie, ou ne serait-ce qu'une rétribution pour s'être si bien pliée à sa férule ? Car Flavia était une soumise hors pair, elle avait ça dans le sang. Elle se soumettait toujours avec une telle grâce, une telle abnégation, que c'en était presque touchant. Elle avait reçu tous les supplices qu'il lui avait semblé bon de lui infliger sans protester, sans rien demander en retour. Jamais elle ne s'était souciée que de son plaisir à lui, ce qui l'avait grisé au-delà de tout ce qu'il avait connu... et Dieu savait s'il en avait connu de nombreuses, toutes avides de lui plaire, mais aucune ne l'avait rassasié comme elle avait su le faire.
Oui, elle était à nouveau totalement en son pouvoir, et il pouvait bien lui donner une petite marque de son contentement en récompense.
Alors qu'il se perdait dans cette réflexion, et qu'il se penchait insensiblement vers la bouche entrouverte, un léger bruit fit tourner la tête à la jeune femme . Elle avait aperçu Leandro.
Celui-ci s'était également défait de ses vêtements, affichant sa beauté sévère de statue grecque, avec son large torse blême revêtu de sa toison d'ébène sur lequel s'épanchait sa longue chevelure grise.
Flavia fut instantanément envoûtée par son charme serein et rassurant, et s'absorba dans le souvenir des étreintes passionnées dont l'avait gratifiée ce tendre amant.
De son côté, Malaspina n'avait rien perdu de l'évolution des pensées de sa partenaire. Courroucé, il sentait bien qu'elle lui échappait, alors qu'il s'était adouci pour lui donner du plaisir. Cela l'irrita extraordinairement, d'autant que Leandro l'enveloppait, lui aussi, d'un regard lourd de sentiments.
Voilà qu'elle recommençait, et il ne tolèrerait pas un tel affront. Il redoubla de coups de reins. Il allait détruire son temple délicat, elle qui lui ravissait l'attention de son aimé.
Des gémissements s'élevèrent bientôt, alors qu'il se déchaînait sur elle. Elle s'accrochait aux draps, se mordait les lèvres pour ne pas crier. Était-ce de douleur ou de plaisir ? Car il savait pertinemment qu'elle aimait la douleur, par le passé, elle en avait tant reçu dans ses bras...
Oui, il aimait la voir ainsi pantelante, occupée par la seule volonté de lui donner satisfaction. Il pouvait alors laisser libre cours à sa sauvagerie.
Et il s'acharna, encore et encore, sur la peau irritée qui se teintait de rose sous les assauts. Son aine claquait tellement fort contre la sienne qu'une larme perla au coin des yeux de sa victime. Contre toute attente, la tendre chatte se contracta autour de lui. Et sous le coup, il se déversa en elle. Il eut un orgasme violent qui le tendit contre la peau duveteuse trempée de sueur. Puis, il parvint à se relâcher progressivement en la maintenant contre lui, bercé par les tremblements qui parcouraient la mince poitrine de la jeune fille. Il rechercha à nouveau son regard. À sa grande satisfaction, ses yeux étaient presque révulsés, entre les paupières mi-closes qui étaient agitées d'un battement rapide.
Oui, c'était une soumise de premier ordre, et son corps, sans payer de mine, était un véritable Stradivarius, sur lequel il pouvait jouer toute la gamme de sa tyrannie.
Un nouveau mouvement sur le côté attira son attention. Son superbe nervi avait baissé la tête, incommodé par le spectacle. Comment avait-il pu l'oublier, ne serait-ce qu'un moment ? Il reprit immédiatement sa contenance.
— À ton tour, Leandro. Ne l'épuise pas trop, nous n'en avons pas fini avec elle, précisa-t-il froidement. En effet, il avait soigneusement planifié le déroulement de leurs accouplements, et en bon chef d'orchestre, il se devait de garder sa maîtrise des personnes et des évènements.
En disant ces mots, il se hissa vers le bord du lit et s'effaça pour livrer passage à son imposant bras droit. Celui-ci s'avança, la mine basse, alors que son supérieur prenait tranquillement place dans un fauteuil à proximité.
Depuis celui-ci, il pouvait observer la scène sous le meilleur angle. Les ressorts ployèrent sous le poids de son homme de main, qui avait pris place sans bruit auprès de Flavia. Il attendait patiemment qu'elle reprenne ses esprits, détaillant sa poitrine qu'un souffle heurté soulevait, le ventre creusé par l'effort qu'elle fournissait pour reprendre de l'air, sa chevelure dorée épandue autour d'elle. Elle était si menue qu'il avait toujours craint de lui faire mal en la serrant trop fort ou en l'écrasant pendant leurs ébats. Cela n'avait pas changé, elle semblait si fragile...
Enfin, les cils laissèrent apparaître les prunelles marron-vert qui le fixèrent un long moment alors que peu à peu ses sourcils s'infléchissaient et son front se plissait.
— Leandro, c'est vraiment toi ? susura-t-elle d'une voix émue.
Cela lui déplut. La détresse de son amante avait toujours eu le don de le remuer en profondeur. Elle lui était intolérable.
— Oui, c'est moi. Je suis là, maintenant, murmura-t-il simplement en approchant ses lèvres des siennes.
Pour la rasséréner, il s'en empara avec une douceur infinie. Au premier abord, elles paraissaient fraîches, il y plongea donc pour s'y abreuver, mais une sensation indéfinissable le freina. Il frémit en y reconnaissant le feu qui couvait en elle. Son ventre se soulevait à nouveau frénétiquement, elle brûlait qu'il approfondisse le baiser et tout son être l'y invitait. Elle entrouvrit la bouche, peut-être pour supplier, mais leurs langues se trouvèrent et s'entremêlèrent en un ballet coordonné à la perfection.
Leurs haleines se confondaient en un seul souffle, qui s'accélerait en une cadence infernale.
Mais les lèvres de Leandro désiraient par-dessus tout se remémorer la moindre parcelle du corps qu'il avait si souvent possédé. Il s'arracha à l'étreinte et s'appliqua à suivre d'une langue affamée chaque courbe, chaque creux, chaque plein et chaque délié de l'odalisque allongée à ses côtés.
Cette exploration dressa sur son passage le léger duvet, y instillant partout la fièvre. Les sens désorientés par l'excitation, Flavia ne s'appartenait plus. Se redressant brusquement, elle rechercha à nouveau les lèvres de son amant, et y porta un baiser passionné.
Ce faisant, ses doigts enrobèrent le phallus qui se déroulait contre sa cuisse et tâchèrent de lui rendre un peu de la fièvre qu'il lui avait insufflée.
L'homme grogna devant cette initiative, mais ne fit pas un geste pour reprendre le contrôle. La main s'activa de plus belle sur son sexe. Son amante était un véritable caméléon, soumise comme dominatrice, même s'il savait qu'elle se servait plutôt de cette facette de sa personnalité pour châtier ceux qui l'avaient offensée. Il l'avait pu l'admirer à l'oeuvre, lorsqu'il l'avait abandonnée à la cruauté de son chef. Elle s'était vengée ainsi.
Mais là, nul éclat de fureur dans ses yeux, ils brillaient de désir contenu. Sans prolonger le supplice, elle le guida en elle, et s'agrippa à ses fesses. Résistant à la pression, il s'insinua lentement dans l'antre moite, se retenant pour ne pas y être absorbé. Quand il y fut lové entièrement, il tenta de calmer l'urgence qui s'était allumée dans les entrailles de sa maîtresse, en baisant tendrement la ligne courant de sa nuque à la clavicule.
Cependant, indifférente à cette diversion, la jeune fille commença à onduler du bassin sous le corps imposant qui la surplombait. Elle se hissait par intermittence vers son aine, se donnant au passage du plaisir en égayant son clitoris contre le pubis de son amant.
C'en était trop pour lui, il ressentit le besoin impérieux de redevenir maître de l'étreinte, et commença à marteler à rythme soutenu la petite fente gourmande qui se jouait de lui.
Des râles étouffés s'élevèrent bientôt en un concert harmonieux. Leurs doigts enlacés se serraient, se communiquant un peu plus leur ardeur, dans un désir mutuel de donner du plaisir à l'autre.
Chaque poussée, chaque incursion les transportait vers un lieu où ils étaient seuls, existant uniquement l'un pour l'autre, un lieu où ils purent libérer la puissance de leurs sentiments. Là où la parole avait échoué à exprimer ce qu'ils ressentaient l'un pour l'autre, leurs corps se l'avouèrent.
Une sensation de plénitude les envahit simultanément, les laissant expirants l'un contre l'autre. Peau contre peau, ils s'abanconnaient au bien-être qui succédait à cette tempête d'émotions, savourant simplement la présence de l'autre.
Cependant, l'illusion d'être seuls se dissipa bien vite.
— Ça suffit maintenant, trancha Malaspina. Le temps nous est compté, hein, Flavia ?
Il souriait en prononçant ces paroles mais dans le sourire qu'il arborait, la jeune fille reconnut une étincelle sombre qui la glaça. Il attendait son heure, et celle-ci était venue.
Sans attendre de réponse, il s'adressa à son second.
— Leandro, allonge-toi.
Une légère tension s'était emparée du corps de son amant, devina la jeune fille alors qu'il s'écartait d'elle pour obtempérer. Refuser un ordre de son capo, voilà quelque chose qu'il lui était impossible, quoi qu'il en coûte.
Serrant les dents, il s'exécuta. Il avait compris ce qui suivrait, et il en frémissait d'avance pour sa protégée. Mais il le redoutait autant qu'il l'appelait de tout son être.
— Flavia, chevauche-le... Allez, active-toi sur sa queue, on sait bien que tu aimes ça, railla-t-il d'un ton mauvais avant de se lever pour les rejoindre.
Du coin de l'oeil, elle l'observait se rapprocher d'elle, et un frisson d'appréhension la secoua. Ils allaient lui faire du mal, elle souffrirait plus que jamais car son corps serait meurtri autant que son âme. Mais déjà, elle n'existait plus pour eux, elle le perçut aussi clairement qu'un coup de poignard en plein coeur. Leurs regards avaient plongé l'un dans l'autre, ils ne pouvaient plus se quitter. Si Leandro éprouvait sans nul doute une certaine forme d'amour pour elle, il était sans commune mesure en comparaison de celui qu'il portait à son supérieur. Et au nom de celui-ci, il l'immolerait sans sourciller.
Sans que ses yeux dévient du capo, l'homme de main agrippa les frêles hanches pour les hisser sur lui. Flavia sentit le sexe turgescent se frayer à nouveau un chemin vers elle jusqu'à s'y engloutir complètement. Alors qu'elle s'était délectée de cette incursion quelques minutes auparavant, elle provoqua cette fois un frisson désagréable. Pourquoi était-ce si différent ? Mais il n'était plus temps de tergiverser, Malaspina réclamait son dû.
— Bien, Leandro, approuva-t-il en contournant Flavia pour se poster dans son dos. Allez, détends-toi, enjoignit-il cette fois à son attention à elle.
Ce conseil lui avait déjà été donné par le passé, et elle se souvenait clairement de ce qu'il augurait. Cela produisit l'effet inverse et elle se crispa. L'homme s'était coulé contre elle, son torse épousait son dos, mais le toucher satiné ne lui était plus si plaisant. Il lui parut froid comme un serpent qui s'apprêtait à refermer sur elle son étreinte mortelle. Rien ne subsistait de l'amant sensuel_ quoi que brutal_ qu'il avait été jusque là.
Glacée par cette sensation, elle n'osait plus respirer. Elle ne sentait même plus la verge de Leandro profondément ancrée en elle. Elle serra les dents comme si cela pouvait prévenir la décharge de souffrance qui s'annonçait.
Cela ne l'empêcha pas toutefois de sentir les paumes du capo se camper sur ses cuisses, aussi brûlantes que sa poitrine était gelée. Prenant leur temps, savourant peut-être le tourment qu'il savait infliger à la jeune fille, elles remontèrent sur les hanches, et empoignèrent les petits seins, avant d'en pincer violemment les pointes sensibles. Une vague de plaisir faillit chavirer la jeune fille, mais il la retint. Il avait fait cela à dessein. Il savait parfaitement quoi faire pour susciter chez elle ce genre de réactions.
Ses lèvres s'approchèrent de son oreille, y déposèrent un fugace baiser.
— C'est bien, tu es détendue à présent, ironisa-t-il en la poussant pour la plaquer contre la poitrine de Leandro. Il avait obtenu ce qu'il voulait, plus aucune douceur ne lui était nécessaire. Le moment qu'ils attendaient tous deux était enfin arrivé.
Il présenta son sexe à l'orée de la fente, tout contre celui de son nervi,et s'y immisça graduellement en pesant de tout son poids.
Encore une fois, Flavia dut se mordre les lèvres, cette fois jusqu'au sang, pour ne pas crier devant le déferlement de douleur qui la transperçait de part en part. Aucun des deux hommes ne s'émut de sa souffrance. Au contraire, leurs doigts s'enfoncèrent de plus belle dans sa chair pour y trouver une prise.
Cela n'aurait pas dû l'étonner car elle avait déjà été confrontée à cette situation. Elle se surprit, après tout ce qu'elle avait traversé, d'avoir conservé sa désolante naïveté.
Il lui restait plus qu'à serrer les dents en attendant que l'orage passe. Elle se raccrochait à cette idée, essayant de faire abstraction de la brûlure lancinante qui embrasait son bas ventre. Cela lui permit d'étrangler le cri intérieur qui naquit dans sa gorge quand Malaspina se retira pour à nouveau s'élancer en elle. De son côté, Leandro ne bronchait pas. Peut-être hésitait-il à en faire autant ?
Cet espoir vola en éclat quand les larges mains lui relevèrent la croupe pour la cambrer et faciliter la pénétration de leurs sexes réunis. La seconde suivante, il imitait son maître, allant et venant sans prêter attention aux légères convulsions des doigts qui se retenaient à son torse.
Combien de temps cela dura-t-il ? Elle en avait perdu le compte, désorientée par la bataille que se livraient ses sensations et sa raison. Mais une éternité, sans doute...
Que ressentait-elle ? De la douleur ? Certainement... Du plaisir ? Peut-être aussi.
Les deux hommes exultaient, eux, perdus dans la recherche du plaisir. Leurs feulements se répondaient en un dialogue viscéral, animal.
Quand atteignirent-ils enfin la jouissance ? Elle n'aurait su le dire, mais la fraîcheur ambiante finit par réveiller ses sens assoupis. Elle reprit peu à peu conscience, sans que son corps se déleste de son engourdissement. Tant mieux, songea-t-elle, cela repoussait l'inéluctable moment où la souffrance se rappellerait à elle.
Les deux hommes s'étaient extirpés du lit, peut-être après avoir savouré la béatitude qui succédait à l'orgasme dans les bras l'un de l'autre. Se seraient-ils permis ce genre de geste l'un pour l'autre, même après le coït brutal qu'ils lui avaient infligé ? Elle en doutait. Aucun des deux n'aurait osé s'épancher de la sorte. Leur accouplement par procuration était le seul plaisir qu'ils s'autorisaient, rien d'autre n'aurait été toléré par le milieu impitoyable auquel ils appartenaient.
Elle se sentait oubliée, inutile maintenant. D'ailleurs, ils ne s'intéressaient plus à elle, lui sembla-t-il. Minée par cette pensée, elle s'accrocha à la sensation agréable du voile de flanelle sur lequel elle reposait. Mais cela ne suffit pas à l'aider à contenir une larme qui en humecta bientôt la surface empesée.
D'autres suivirent le sillage laissé par la première, mais les sanglots restèrent coincés dans sa poitrine. En perçurent-ils quelque chose ? se demanda-t-elle alors qu'elle usait de ses dernières forces pour dissimuler son désespoir...
Comme une réponse à ses questionnements, une main caressa doucement ses cheveux. Comme on l'aurait fait à un chien, pensa-t-elle. Un chien ou une soumise, quelle différence cela faisait-il ? A cette idée, elle en avait le coeur au bord des lèvres, empoisonné par l'amertume.
— Merci, Flavia, lui glissa-t-il d'un ton sincère, sans ironie cette fois. Mais celle-ci était trop profondément blessée pour en éprouver un quelconque soulagement. Elle replongea dans sa torpeur.
Quelques secondes plus tard, ce furent des lèvres qui frôlèrent fugacement son front.
— Pardonne-moi, Flavia, souffla Leandro. Le timbre grave de la voix du nervi la ranima et elle ouvrit les yeux. Las ! Ce ne fut que pour apercevoir le dos de l'homme de main qui s'éloignait... qui s'éloignait pour disparaître au loin.
Ils étaient partis tous deux, ils l'avaient abandonnée... encore une fois.
Seule, délaissée, méprisée, voilà ce qu'elle était hier, voilà ce qu'elle était encore à présent. Plus rien ne l'obligeait désormais à contenir ses larmes qui s'écoulèrent librement sur ses joues, continues, formant un fleuve sur ses pâles joues.
— Tu l'as cherché, tu ne crois pas ?
Au son de cette voix aimée, elle sursauta. Que faisait-il là ? Du regard, elle en chercha la source autour d'elle. Enfin, elle distingua une silhouette, assise là où se tenait plus tôt Malaspina.
Derrière le rideau de larmes se dessinaient les contours flous d'une chemise blanche, un holster, une peau brune et des yeux noirs dont elle perçut néanmoins l'éclat.
— Marco... et ce mot mourut sur ses lèvres. Je les aimais, je voulais juste qu'ils m'aiment en retour ! s'exclama-t-elle pour se justifier. Avait-il vu ?... Savait-il ? Non, il n'avait pas pu assister à ça... pas lui !
Les sanglots l'agitèrent de plus belle, sous les yeux indifférents du tueur. Elle suffoquait, elle ne pouvait plus en supporter davantage. Une idée ressurgit. La solution à tous ses malheurs.
— Tue-moi, Marco, tue-moi ! Je n'en peux plus... supplia-t-elle. Tue-moi, oui, tue-moi ! répéta-t-elle encore et encore.
Elle se tut et ferma les yeux. Les pas se rapprochaient. Implacable, il était, implacable, il serait toujours. C'était la fin, il exécuterait sa sentence. Pourquoi cela la décevait-il ? Espérait-elle qu'il n'ait pas le courage d'appuyer sur la détente malgré sa requête éperdue ?
Un déclic la fit tressauter, mais elle n'eut pas le temps de s'en effrayer car une détonation la suivit immédiatement.
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