Drop and Love (2)
- Bonsoir Papy !
De bonne humeur, je pousse la porte de la cuisine où mon grand-père surveille les derniers préparatifs du dîner. J'hume la bonne odeur de soupe.
- Bonsoir Imelda. Ta journée s'est bien passée ?
- Oui, merci. Les cours étaient intéressants. J'ai déjeuné avec des amis. On a parlé en anglais, notre professeur nous a défié de ne parler que dans cette langue entre nous.
- C'est intéressant. Tu es contente ?
- Oui, très. Tout s'est très bien passé. J'ai pu récupérer mon livre à la bibliothèque.
Il m'écoute gentiment et pose les plats sur la table. Nous mangeons toujours léger le soir, et cela me convient parfaitement.
- Dis le benedicite et mangeons, tu dois avoir faim.
- Certes. Au nom du Père ...
Vingt minutes plus tard, je suis de retour dans ma chambre. Les repas sont rapides. Papy sort peu et j'ai vite fait le tour de mes activités. Nos longues conversations sont réservées aux balades, le dimanche après-midi ou à chaque fois que je peux l'accompagner.
J'enfile ma tenue de sport, lace mes baskets, coiffe ma casquette et attrape ma balle de basket. Cette dernière m'est chère : ma mère me l'a offerte pour mon anniveraire. J'y tiens beaucoup.
Je dévale les escaliers et surgit dans la cuisine où mon grand-père remplit le lave-vaiselle. Il sursaute de ma subite arrivée et se retourne vers moi.
- Tu sors ?
- Oui Papy. Il fait beau, je vais faire un peu de sport. Je ne rentrerai pas tard.
- N'oublie pas tes clés. Ah, oui, veux-tu bien fermer les volets du bureau si tu descends au sous-sol ?
- Bien sûr, je m'en occupe. Bonne nuit !
Il ouvre les bras pour notre câlin du soir. Je l'enlace. J'aime son étreinte chaude. Il sent comme maman. C'est agréable.
- Je te laisse. Bonne séance.
- Merci, dors bien !
Une volée de marches, la porte du garage et me voilà dehors. Je glisse mes écouteurs bluetooth dans mes oreilles et lance Youtiful puis Red Lights à plein régime. Sur la route qui descend vers l'étang, je chantonne et esquisse quelques pas de danse.
Le soleil est bas dans le ciel. Ce dernier revêt une douce lueur orangée. Les nuages semblent tout droits sortis d'un rêve et me rappelle les barbes-à-papas des fêtes foraines. Je souris à cette image.
Ce serait amusant de vivre dans le monde d'Hansel et Gretel. Si on omet la présence de la sorcière, vivre dans une maison de pâtisserie serait une expérience amusante. Je me promet d'écire une nouvelle à ce sujet et range l'idée dans un coin de ma tête.
J'arrive presque au terrain. Quelques jeunes avec lesquels il m'arrive de tirer sont déjà présents. Leur enceinte crache du rap. Je soupire. Je n'aime pas leur style de musique, si on peut qualifier ces braillards injurieux et mysogines de musiciens.
- Salut les gars.
- Hey, tu vas bien ?
- Ca va, ça va. Je peux vous demander de baisser le son ?
- Ok, pas de soucis.
Je les remercie de leur attitude respectueuse puis dépose mon sac et mon sweat à l'extérieur, pour ne pas gêner les joueurs. D'ailleurs, ces derniers quittent les lieux les uns après les autres. Ce sont tous des collégiens ou des lycéens. Ils ont des horaires à respecter.
- Eh, les gars, regardez qui voilà !
Je me retourne à cette exclamation. Raphaël descend le sentier, une balle à la main, aussi cool que d'habitude. Je m'étonne. Les garçons ont l'air de se connaître : ils se donnent l'accolade, check, bref, des habitudes de potes.
- Salut mec ! On t'a pas vu depuis longtemps !
- J'ai moins de temps pour sortir avec mes études. Je fais aussi parti du club de l'université.
- C'est pour ça qu'on ne te voit plus !
- Eh oui. Je vous laisse les gars, on m'attend.
Euh, je dois avoir mal entendu. On, c'est moi non ? Je jette un coup d'oeil à ma montre. En effet, il est déjà 8h10. Mais quand même, il vient d'écourter une conversation avec des amis pour moi.
- Pas de soucis, on doit rentrer de toute façon. À la prochaine, mec.
- Oui, oui. Rentrez bien. Et pas de conneries sur la route !
- Bah, tu nous connais.
- Justement, oui.
- Haha, bonne soirée.
Les adolescents s'éloignent en chahutant. Leurs cris et leurs rires se font moins audibles à mesure qu'ils s'éloignent.
- Bonsoir.
- Bonsoir.
Je suis d'être toute rouge. D'abord Raphaël est là devant moi. Ensuite, il a dit bonsoir avec sa voix grave en me regardant dans les yeux. Enfin, il est vraiment venu. Je n'étais sûre de rien, mais le voilà.
- Tout va bien ?
Je sors de mon rêve. Je dois absolument me ressaisir.
- Bien sûr. Et toi, tu es bien rentré tout à l'heure ?
- Oui, merci de t'inquiéter. Tu veux jouer ?
- Sûr. Je compte sur toi pour être indulgent, je joue depuis peu.
Le jeune homme est aussi doué que je le pensais. Rien d'étonnant après tout. Il faut un certain niveau pour faire partie de l'équipe de l'université.
Il réussit pourtant la prouesse de m'apprendre les bases du double pas, que je n'ai jamais réussi à comprendre au cours de mes deux années de club.
C'est un bon professeur. Il est patient et sait expliquer. Je suis parfaitement à l'aise. Je ne m'inquiète pas de savoir si je parais bien ou pas. Il ne s'en préoccupe.
- Montre-moi quelque chose de stylé.
Fatiguée, je me suis assise en tailleur à même le sol.
- Si ça ne te déranges pas évidemment.
Un sourire est sa seule réponse.
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