Drop and Love (3)

4 minutes de lecture

Raphaël attrape la balle à deux mains. Je l'observe se placer à l'autre bout du terrain. J'ajuste ma position pour le regarder avec attention, prête à être émerveillée.

Le ballon de basket rebondit sur le sol, une, deux fois, avec un son plein et rond que je trouve mélodieux et accorde à l'instant.

Il se met en position avec une lenteur exagérée, certainement pour me taquiner. Peut m'importe en réalité, j'ai tout mon temps.

Ma mâchoire tombe. Je suis époustouflée. Le garçon vient d'effectuer un flip arrière, avec ce qui m'a semblé la plus grande aisance possible. Les mots me manquent et je reste silencieuse.

L'air le plus naturel du monde, il revient vers moi. Je m'attendais à un panier réussi à une grande distance, quelque chose dans ce goût là, mais certainement pas à une figure gymnastique.

  • Alors, j'ai passé le test ?
  • S'il y en avait un, haut la main. Tu joues très bien au basket, mais en plus de cela, tu es gymnaste ? Je suis sincèrement impressionnée. J'ai déjà du mal a toucher mes pieds, alors le reste, c'est hors d'atteinte !
  • Haha, j'ai appris quelques trucs, c'est tout. Rien ne t'empêche de faire de même si l'idée te tente.
  • Merci de croire en moi quand il n'y a aucun espoir. Tu sais, il y a longtemps que j'ai décidé que je ferai partie des spectateurs, que ce soit pour la musique, la danse ou le sport.

Il rit, amusé de mes reparties. Je souris, à l'aise pour la première fois depuis longtemps avec un presque inconnu.

Je jette un coup d'œil a ma montre. Je ne me trompe pas, il est bien 9 h 45. J'ai cours demain et j'ai promis a Papy de ne pas rentrer après dix heures.

Je lève le regard vers Raphaël.

  • Dis, tu m'aides à me lever ? Il va falloir que je rentre.
  • Je me disais la même chose. Il commence à se faire tard et il faut se lever demain.

Il me tend une main secourable et m'aide à me dresser sur mes pieds. Je rougis instantanément de notre proximité. Sa main est chaude et son étreinte sûre.

Un peu intimidée, je recule pour mettre entre nous l'espace suffisant pour permettre à mon cœur de calmer ses battements soudainement effrénés.

  • Je te raccompagne chez toi ?

Le sourire qui accompagne sa phrase achève de me faire fondre. Si je rougissais tout à l'heure, je dois brûler maintenant.

  • Il fait nuit, les rues peuvent être dangereuses.
  • Bien sûr, si tu insistes, mais je ne voudrais pas te déranger, te mettre en retard ou quoi que ce soit.
  • Si je te propose, c'est justement parce que je veux le faire. Je ne tiens pas à ce qu'il t'arrive quoi que ce soit.
  • Dans ce cas, c'est avec plaisir. Si tu veux bien me suivre, je te présenterai la maison de mon grand-père !

Je m'avance pour prendre mon sac à dos, mais je n'ai pas le temps d'achever mon geste. Il me devance et le passe a son épaule avant que je ne puisse dire quoi que ce soit.

  • Ne t'inquiète pas pour moi. Je peux le prendre.
  • Ça me fait plaisir de faire cela pour toi. Je te suis.
  • Je n'insiste pas. Je ne vais pas l'empêcher d'être galant ! Ce serait indélicat. Et puis, je ne peux pas nier que l'intention qu'il m'accorde soit agréable.
  • Ce n'est pas trop loin. Square Armand Carrel. Ça te dit quelque chose.
  • Pas vraiment. Je ne connais pas très bien tous les recoins de la ville, tu sais.
  • Je vois.

Un léger silence plane entre nous. Je ne me sens pas pressée de le briser. Il me semble que plus d'émotions passent dans ce silence que dans toutes les paroles que nous avons prononcées avant.

  • Alors, comme ça, tu vis chez ton grand-père ?
  • Oui, je ne suis pas d'ici. Et puis, il a besoin de compagnie.
  • Tu es d'où ?
  • Je suis née à Beaune, et j'ai vécu toute mon enfance à Pouilly-en-Auxois, une petite ville pas très loin de Dijon, en Bourgogne. Et toi, tu es d'ici ?
  • Mes parents vivent à Metz et je suis venu faire mes études ici.
  • Je vois. Tu as une grande famille ?
  • J'ai une petite sœur. Et toi ?
  • Quatre frères et trois sœurs. Famille nombreuse.
  • Ça explique pourquoi tu aimes les enfants !
  • Hum, oui, peut-être. Comment tu le sais d'ailleurs ?
  • Tu souris dès que tu vois un petit, tu as toujours des bonbons dans tes poches pour le leur donner, et il y a trois jours, tu as porté le bébé d'une maman enceinte qui était fatiguée.
  • C'est vrai. Tu es observateur.
  • Rassure-toi, je ne t'ai pas suivie ou quoi que ce soit. On prend les mêmes bus aux mêmes horaires, alors je te vois à chaque fois.
  • Je ne m'inquiète pas.

J'oblique et emprunte le raccourci étroit qui passe entre deux maisons et mène directement sur l'esplanade qui s'étend devant la maison de Papy.

  • Nous y voilà. J'habite la maison jaune, juste en face.

Je me retourne vers le jeune homme pour lui dire bonne nuit. Son sourire me ravit. Je suis vraiment chanceuse de l'avoir rencontré.

PS : La suite au prochain épisode !

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