Vieux Maître
Est-ce toi, Petit Homme,
Le guide de mes paroles agiles ?
Est-ce toi, Petit Homme,
Le souffleur de vers habile ?
De la table ronde usée
Par tant de coudes posés,
Tu m’invites à boire une lampée
Des dieux le nectar délecté.
Un siège m’est avancé,
Je ne sais si je dois accepter.
Me voilà bien troublée,
Moi le nègre de tes pensées.
Tes yeux rient de mon embarras,
Tu moques mes futiles tracas.
Est-ce toi, Vieux Maître,
Qui glisse dans mes mots,
Quelques rimes traîtres
Qui fusent sous les sanglots ?
Nous nous faisons soudain face,
Toi, le poète loquace,
Moi, la scribe perspicace,
Nous, la paisible audace.
Les chopes tournent comme soleil,
Les pipes fument sans pareil.
Les jeux et les chants enseignent,
Tes pouvoirs et tes rites m’atteignent.
Tes charmes simples volettent
En douces effluves autour de ma tête.
Est-ce toi, Scalde Enchanteur,
L’apprenti qu’instruisit le Dieu Initié,
Au plus fort de ses clameurs,
De l’art des runes murmurées ?
Prestement tu jettes la carte immaculée,
L’écorce que tu m’as destinée :
« À ton tour de graver ! »
À quel jeu m’as tu donc défié ?
Du pouce, il faut tracer,
De bas en haut, le symbole sacré.
La leçon a été répétée,
L’heure n’est plus à discuter.
Thurse surgit du doigt intimidé
Sur le bouleau en sillons charbonnés.
Est-ce toi, Mage Habile
Qui assure mes pas ?
Est-ce toi, Mage Subtil
Qui incante aux premiers frimas ?
Du copeau de l’arbre s’échappe,
Au-dessus de la pinte frappe,
L’Épine divine, fort en colère,
Maudit, gronde, vocifère.
Ta magie malicieuse exulte :
La manipulation des forces occultes
N’a plus de secrets dans ta conscience millénaire.
Petit homme, sous tes airs débonnaires,
Ta force maîtrisée éclot dans mes pensées,
Mage, Scalde, Maître en mes œuvres ouvragées.
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