Chapitre 2
Chapitre 2
Déjà lorsqu'il était enfant, alors qu'il vivait seul avec sa mère, Yvan ne supportait pas l'idée qu'un autre homme puisse remplacer son père. Chaque nouvel amant étant perçu comme un intrus, responsable de son éloignement. Son paternel les avait abandonnés, faisant de lui le chef de famille et il comptait bien le rester ! D'ailleurs, n'avait-il pas toujours su s'y prendre pour les faire déguerpir un à un, tout en culpabilisant l'auteure de ses jours ? D'une certaine façon, il estimait même lui avoir rendu service, en la laissant ainsi le câliner, le rassurer et s'occuper du moindre de ses petits problèmes. Judith n'avait donc jamais songé à refaire sa vie, focalisant toute son attention et son amour de mère sur ce fils béni.
Jusqu'à ce mariage, auquel elle n'avait pas voulu assister, parce qu'à ses yeux il sonnait le glas de leurs rapports fusionnels. Judith n'aimait pas sa belle-fille Lana, une opportuniste qu'elle jugeait responsable du départ prématuré de son enfant unique. Cette mère souffrait dans sa chair, de toute son âme, se sentant trahie et bafouée. Elle qui avait sacrifié sa vie aux désirs de son rejeton, n'acceptait pas aujourd'hui qu'il puisse prendre son envol et recouvrer sa liberté en la laissant seule, face à elle-même et au vide de son existence.
Pourtant, dans les premiers temps, Judith avait vainement tenté de lui ouvrir les yeux, de lui montrer que cette fille n'était pas pour lui. Bien trop belle et frivole pour faire une épouse convenable et dévouée. Peine perdue, l'amour rend aveugle et n'ayant trouvé pour l'instant, aucun moyen de lui rendre la vue, elle prit son mal en patience. Sans oublier toutefois de glisser de temps à autre quelques paroles acerbes à l'encontre de Lana quand son fils venait seul lui rendre visite. Une façon comme une autre de lui montrer qu'elle ne s'avouait pas vaincue.
Que lui restait-il à présent ? Que pouvait-elle faire d'autre que d'attendre en espérant que tout cela prenne fin le plus vite possible ? Un jour cependant, lasse de patienter en vain, elle décida de précipiter les évènements, histoire de donner un petit coup de pouce au destin. Cela la fit sourire et réveilla en elle le secret espoir de le récupérer. Judith cliqua sur son ordinateur et se mit en quête d'un site de rencontres. Elle prit le plus connu et décida de s'y inscrire sous un pseudo, sans oublier de joindre une photo de sa belle-fille.
Un certain Stéphane fut le premier à mordre à l'hameçon. Visiblement peu farouche, il n'était pas difficile de deviner ses intentions. Judith se prit au jeu et commença à se décrire comme une personne timide, mariée mais désireuse de vivre une nouvelle expérience susceptible de pimenter son quotidien. Cela eut l'air de lui plaire car il répondit dans la foulée. Ces échanges durèrent plusieurs semaines avant qu'elle ne se décide, enfin, à lui fixer un rendez-vous.
Lorsque Stéphane entra dans la bibliothèque ce matin-là, il la remarqua immédiatement, elle était telle que sur la photo. Que cette femme était belle ! Elle lui avait demandé d'être discret, de la séduire comme si elle était à ses yeux une parfaite inconnue, de ne jamais évoquer leur rencontre sur le site. Même si dans un premier temps cette demande l'avait quelque peu surpris, au final ce petit jeu l'amusait et ne faisait qu'exacerber son désir. C'est donc le plus naturellement du monde qu'il avança dans sa direction, faisant mine de chercher désespérément un ouvrage, que bien entendu il ne trouvait pas...
De son côté, habituée à ne voir que des étudiants et des retraités à longueur de journée, Lana l'avait aperçu à la minute même où il était entré et ne pouvait s'empêcher de l'observer à la dérobée. Lorsqu'elle le vit s'approcher et avant même qu'il n'arrive à sa hauteur, elle était sous le charme de cet homme de quarante ans, qui avait plutôt belle allure et qui paraissait tellement sûr de lui. Ils trouvèrent sans peine un endroit calme où échanger sans être dérangé. Au fil des jours, ils firent plus ample connaissance, se trouvant même des points communs dans bien des domaines. Lana était heureuse, il lui semblait revivre.
Sa seule angoisse résidait désormais dans l'approche des week-ends, qui signifiait le retour de son mari.
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