Chapitre 3
A peine avions-nous posé les pieds sur le sol américain que nous étions entraînés par le mouvement de foule qui convergeait vers les sorties de quais. Il était obligatoire de passer par le poste de contrôle pour entrer dans les terres. Après plusieurs heures d’attentes nous parvînmes enfin à arriver à la hauteur des deux contrôleurs.
- Vos papiers d’identités. Ordonna un premier.
- La raison de votre présence ici. Ajouta le second.
En leur tendant les documents qu’ils réclamaient je me mis à penser que nous avions bien fait d’apprendre l’anglais avec Clio. Cela me permit de comprendre ce qu’ils voulaient et de leur répondre.
- Nous venons pour la Sélection. Répondis-je, sachant que je devais être la millième personne à lui répondre ça.
Le regard entendu qu’il échangea avec son collègue me le confirma. Il nota nos identités dans un registre et d’un hochement de tête nous autorisa à passer. Voilà une étape de franchis, mais il en restait tant d‘autres et tout ça pour du néant, de l’incertitude qui d’un voile opaque assombrissait le futur, notre avenir.
J’entraînais Clio à la suite du troupeau humain qui se dirigeait mollement vers le centre situé à quelques kilomètres d’ici. Nous étions tous épuisé par le voyage en bateau et l’attente interminable pour franchir le poste de contrôle.
Je me décidais donc à saisir cette chance qui nous était offerte. Nous nous mîmes à marcher rapidement, traversant le fleuve humain comme une brindille à la surface d’un torrent, qui avance droit, s’appuyant sur le courant pour aller plus vite.
Remettre nos muscles en marche, les mouvoir, nous fit du bien, après tant d’heures d’immobilité, se délier bras et jambes nous aida à récupérer. Avec ce rythme nous parvînmes au centre en quelques minutes.
Nous étions ébahis. Tant par le monde qui s’amassait de plus en plus autour du bâtiment, arrivant de toutes les rue, tel des fleuves se rejoignant dans la mer. Ici, chaque corps, chaque humain était une goutte d’eau qui contribuaient à la marée. Il en arrivait de partout, et nous deux au milieu nous sentions si petit, si insignifiant que nous fûmes pris de vertiges.
Le centre était énorme, il ressemblait à un bol renversé géant posé là en plein milieu de la place surdimensionné.
De là où nous étions nous apercevions, avec difficulté, tout autour du dôme des sortes de comptoirs d’accueil. C’était là que les personnes se pressaient dans l’espoir de pouvoir entrer. Visiblement ces comptoirs servaient à faire un premier tri dans la foule, une sélection plus pointilleuse se déroulait surement à l’intérieur sur les personnes choisis aux comptoirs.
Malgré la quantité de ces postes d’accueil, il devait bien y en avoir une centaine sur toute la circonférence du dôme, la masse improbable de personnes qui tentaient l’impossible pour avoir une chance infime de survivre, étouffait pratiquement cette gigantesque capacité d’accueil. Nous devions attendre.
La nuit arriva sans que nous ayons beaucoup progressé. Heureusement le centre restait actif la nuit, ainsi nous ne dûmes attendre que deux nuits et trois jours pour parvenir aux guichets.
Ce matin-là en nous réveillant il y avait une trentaine de personnes devant nous qui en quelques heures furent trié, seulement 10 personnes purent entrer dans le dôme.
Durant le temps d’attente interminable nous avions entendu de nombreuses rumeurs dont une qui m’inquiétait particulièrement: ils ne prenaient que des adultes entre 25 et 30 ans. J’essayais de me convaincre que ce n’était qu’une rumeur justement, mais en observant de loin les élus qui pouvaient entrer dans le dôme je constatais que les jeunes ayant clairement moins de 25 ans ou les enfants étaient toujours refoulé, même chose pour des adultes ayant visiblement la quarantaine ou plus. Or ces observations avaient la fâcheuse manie de transformer cette rumeur en un fait confirmé.
Plus on s’approchait du guichet, plus Clio semblait nerveuse, agité. Je ne pouvais que la comprendre, j’étais moi aussi pas tranquille, surtout avec ce que je commençais à comprendre.
C’était notre tour. Je pris la main de Clio, respirais un bon coup, et m’avançais avec ma sœur devant le guichet.
La femme avait dû essayer d’être aimable. Au début en tout cas, car maintenant il ne lui restait de son sourire que des ruines figées et forcées, ses yeux marron-doré ne brillaient plus, ils étaient ternes et fatigué de devoir annoncer des mauvaises nouvelles toute la journée. Ils ne parvenaient même plus à cacher ses pensées, il s’agissait de véritable puits s’enfonçant dans son âme, délivrant ses moindres pensées, ses sentiments, sa personnalité, son identité en somme.
Elle avait la peau blanche, laiteuse, des taches de rousseur soulignaient son regard en s’étalant gracieusement sur ses pommettes et son nez, ses longs cheveux roux étaient remontés en un chignon rapide et négligé qui lui donnait un air de jeune étudiante, air renforcé par son jeune âge qui devait se situer entre 20 et 25 ans.
Gabrielle d’après le badge épinglé à sa poitrine, était accompagné d’un homme à l’air renfrogné, il était plus vieux qu’elle d’au moins 30 ans, avait une barbe naissante poivre et sel tandis que ses tempes grisonnantes rendaient son regard encore plus sévère. Son expression était dur et ses sourcils froncés, il scrutait chaque sujet se présentant devant lui et en quelques coups d’œil pouvait déterminer s’il correspondait de près comme de loin à l’un des cinq profil type qui s’affichait devant lui.
Si c’était le cas, il n’avait qu’à récupérer la clé qui pendait à une chaîne fine mais solide passé autour de son cou. Il devait ensuite engager la clé dans la serrure de la porte blindé se trouvant derrière deux gardes armés jusqu’aux dents et taper un code au moment de tourner la clé, et pour finir, pour déverrouiller le dernier verrou il devait effectuer deux tests biométriques, l’un avec l’empreinte de son pouce droit et l’autre avec la rétine de son œil droit.
Toute cette sécurité avait pour objectif d’intimider et d’empêcher toute tentative pour entrer de force dans le dôme. N’entrait ici que des personnes susceptibles de remplir toutes les conditions et d’obtenir une place pour la Caverne.
La femme dénommé Gabrielle, nous demanda, sur un ton où perçait sa lassitude, nos noms et nos prénoms, ainsi que notre adresse. Clio et Lucien Morault, résidant en France. Elle entra le tout dans son registre informatique. J’ignorais si cela signifiait que nous pouvions passer la porte blindée ou si ça servirait juste à compléter je ne sais quels statistiques inutiles.
Les données enregistrées, elle se tourna vers l’homme à ses côtés qui secoua légèrement la tête sans esquisser le moindre geste vers la clé pendu à son cou. Il fixa ses yeux dans les notre et d’une voix dénuée de toute compassion confirma ce que je savais déjà.
- Accès refusé, trop jeune.
Mon visage se décomposa tandis que la main de Clio que je tenais toujours, trembla avant de serrer davantage mes doigts. Mes jambes refusaient de m’obéir, impossible de bouger.
J’avais échoué à la mission que mes parents m’avaient confié avant de mourir, je n’avais pas su protéger ma sœur.
J’étais dévasté, mon cœur s’effritait, j’avais le souffle court comme si on venait de m’enfoncer un genou dans la cage thoracique.
Lorsque les gens derrière nous, émirent des protestations de plus en plus bruyantes je réussis à retrouver ma mobilité. Entraînant Clio avec moi, je fis demi-tour et rebroussait chemin vers le port.
Sur le pont du bateau qui nous ramenait chez nous, nous observions la terre de l’une des cinq puissances s’éloigner au fil des minutes, je n’étais pas pessimiste de nature mais à ce moment-là j’étais abattu et terrifié quant à la suite des événements. Nous rentrions bredouille avec comme seule promesse de futur, la mort.
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