Chapitre 4
Cela faisait une semaine que nous étions revenus de notre voyage en Amérique. Une semaine que j’essayais de faire bonne figure devant Clio, mais au fond de ses yeux je voyais bien qu’elle n’était pas dupe. Elle s’inquiétait, et c’était pour moi ! Je devais faire quelque chose pour la rassurer. Même si je ne changeais en rien notre funeste destin. Un soir à table, alors que nous mangions en silence tandis que je me creusais la tête à la recherche d’un sujet de conversation pour égayer ne serait-ce qu’un peu l’un de nos dernier repas, Clio m’attrapa la main. En me regardant droit dans les yeux elle me fit comprendre que ce qu’elle allait me dire était de la plus haute importance, pour elle.
- Lucien, commença-t-elle…
Jamais elle ne m’appelait comme ça, préférant mon diminutif, Luc. Si elle m’appelait ainsi c’était bien que cette conversation était très sérieuse pour elle.
- … J’ai réfléchis, continua-t-elle, nous avons échoué à la Sélection, la première épreuve, mais nous avons toujours une chance… oui, dit-elle comme pour se convaincre, avec la Course nous avons une chance.
Je ne lui répondis rien, j’attendais qu’elle aille au bout de son raisonnement. Ce qu’elle fit.
- A la télé, ils ont dit qu’il y avait 50 lieux de courses dans le monde et chaque premier de ces 50 courses pourront descendre dans la Caverne et seront sauvé. Donc si je participais à l’une de ces courses et toi à une autre, nous aurions tous les deux une chance de survivre.
- Non.
Elle cilla, surprise, l’air de ne pas comprendre.
- Non ?
- Non, il en est hors de question.
- Mais pourquoi ?
- C’est trop dangereux ! Il est hors de question que tu risques ta vie dans une des courses. Nous n’avons pas encore eu de précisions à propos de ces courses mais le gagnant dont tu parles, celui qui aura sa place dans la Caverne, ce sera le seul survivant ! Tous les autres participant seront mort et je ne veux pas que ça t’arrive !
- Mais de toute manière je mourais moi aussi ! Comme le reste de la planète ! Tu préfères que j’attende la mort durant des années, que j’étouffe petit à petit pour finir asphyxier sans rien avoir tenté ? Moi je préfère mourir en me battant pour survivre ! Je ne veux pas rester à rien faire ! Comprends-moi, je ne veux pas être un poids pour toi.
En disant cela sa voix se brisa sous le coup de l’émotion. Je ne savais pas quoi répondre à ma sœur. Clio. Clio qui avait 10 ans. En tout cas c’était ce que je pensais avant de la regarder, de l’entendre prononcer de tels mots. Non ce n’était plus ma petite Clio de 10 ans qui se tenait devant moi, mais une autre personne. Une personne beaucoup plus mature. Comment était-ce possible ? Que c’était-il passé ? Pourquoi n’avais-je rien vu ? Etait-ce comme dans mes livres de psychologie ? Les enfants exposés à des situations traumatisantes grandissaient plus vite, ils étaient plus matures. Voilà pourquoi Clio ne venait pas de me parler en petite fille de 10 ans mais plus comme mon égal. Je revins peu à peu à l’instant présent, encore troublé par ce qu’il venait de se passer, je me rendis compte qu’elle me fixait toujours avec intensité, attendant une réaction de ma part. son regard se faisait insistant, presque suppliant.
- Ecoute, commençais-je sans trop savoir quoi ajouter, je comprends ce que tu ressens, mais mets-toi à ma place, comment peux-tu me demander à-moi ton grand-frère qui à jurer aux parents de te protéger, de te laisser aller te faire tuer sous prétexte que tu veux avoir une chance de te battre, Clio tu n’as que 10 ans !
Son visage était crispé, la colère lui faisait froncer les sourcils et sa bouche n’était plus qu’une fine ligne entre son nez et son menton, tellement elle serrait les lèvres. Je cru d’abord que sa réaction était dû à mon refus lorsque je réalisais soudain ce que je venais de dire. Je venais juste de lui révéler ma promesse faites à nos parents il y a quelques années, avant leur mort. Chose que je m’étais jurer de ne jamais faire, et là, dans un accès de colère, de peur pour elle et ce qu’elle venait de me dire, encore perturber par sa maturité précoce, je venais de livrer un secret qui aurait dû rester caché au plus profond de moi. Au lieu de ça les mots étaient remontés le long de ma gorge et tels des prisonniers trop longtemps retenu contre leur gré s’étaient échappé de la barrière de mes lèvres.
- Tu as juré quoi ? Me demanda-t-elle dans un souffle.
Maintenant que j’y étais je ne pouvais plus faire machine arrière, je ne pouvais plus nier, alors je lui racontais toute l’histoire. La fameuse discussion le soir, la promesse de la maintenir en vie au péril de ma propre vie. Au fur et à mesure que je parlais son expression évoluait, passant de la surprise à la colère puis à la déception pour revenir à la colère et enfin au moment où je prononçais le dernier mot son visage était fermé, plus aucun sentiment ne transparaissait. Elle me fixa longuement, comme si elle attendait que j’ajoute quelque chose, mais j’avais tout dis. Je ne pouvais rien ajouter, je lui avais tout raconté excepté que sur le moment j’avais trouvé que nos parents étaient injustes de penser ainsi à elle sans envisager un seul moment de me considérer comme Clio. C’est-à-dire une personne dont la vie importait suffisamment pour que l’on s’en préoccupe. Finalement elle brisa le silence pesant qui s’était installé entre nous depuis que je m’étais tu.
- Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ?
- Je n’aurais même pas dû te le dire là. Ça m’a échappé. Désolé, la situation est déjà suffisamment compliquée comme ça pour en plus en rajouter… tentais-je
- Pourquoi tu ne voulais pas me le dire ?
- Parce que ça ne te regardait pas. C’était entre nos parents et moi.
- Mais bien sûr que si ! me coupa-t-elle. Ça me regarde puisque c’est de ma vie dont il s’agit ! Je suis la personne dont la vie compte apparemment plus que la tienne, comme est-ce possible ? Pourquoi moi ? Qui te protège toi ? Je suis perdue… pourquoi ?
- Je crois que je comprends ce qui te perturbe. Rassure-toi, moi aussi au début je me suis posé la question, mais j’ai fini par comprendre que cette chose qui avait poussé les parents à me le faire jurer, celle qui m’avait fait accepter, tout ça n’a pas de logique implacable, ça dépend de beaucoup de choses.
- Explique-toi.
- Avant leur mort, c’était les parents qui remplissait le rôle que j’ai actuellement. Maman nous protégeait, Papa protégeait Maman et nous, pourtant personne ne le protégeait lui. Ce que je veux te dire c’est que le lien qui pousse les membre d’une même famille à s’entraider et a ce protéger c’est l’amour que chacun d’entre éprouvent envers les autres, envers la vie. Le respect de la vie d’autrui, le respect de la personne. Tout ça conduit à l’envie de prendre soin des personnes que l’on aime, on veut les aider. Et je dois te l’avouer, même s’ils ne me l’avaient pas fait jurer, j’aurais quand même endosser ce rôle, car ça me serait venu naturellement. Je suis ton grand-frère Clio, ça me parait normal que je prenne soin de toi puisque nos parents ne sont plus là. Tu ne crois pas ?
- En suivant ton raisonnement je devrais aussi risquer ma vie pour toi, tu es mon grand-frère, je t’aime et je te respecte, donc je peux participer à la course pour te protéger.
- Non. J’ai déjà dit ce que je pensais de cette idée et je ne le répèterais plus. Ecoute je comprends que tu sois en colère contre moi, je t’ai caché quelque chose. Mais je ne vois pas pourquoi tu remets en question le fait que je te protège, j’ai 18 ans et tu en as 10, ça me parait plus que raisonnable quand même ! Avec une existence normale comme celle décrite dans les livres d’avant mon rôle aurait été atténué, je me serais contenté de faire peur aux gens qui te chercheraient des problèmes. Mais dans notre monde actuel, il m’apparait plus que logique que je veuille prendre soin de toi, peu importe ce qu’il pourrait m’arriver. Je suis ton aîné, j’ai vécu 8 ans de plus que toi, j’ai donc plus d’expérience dans la vie, je me suis créé plus de défense. Est-ce que tu comprends ?
- Je crois, mais ça ne veut pas dire que je l’accepte. Tu m’as menti durant des années. Comment puis-je te faire confiance maintenant ?
- Tu peux continuer comme avant. Me faire confiance comme avant. Je n’ai pas changé tu sais, je suis toujours ton frère, Luc.
- Non c’est différent, maintenant. Tu es peut-être mon frère mais tu m’as menti.
Je ne comprenais pas pourquoi elle le prenait si mal, après tout elle aurait dû être contente de savoir que nos parents m’avaient demandé de veiller sur elle, de la protéger, je m’étais toujours bien acquitté de ma tâche il me semble ? Alors pourquoi était-elle si en colère ? Pourquoi ne faisait-elle aucun effort pour comprendre ? Comprendre que ce n’était pas vraiment un mensonge. Comprendre que même sans la promesse de mes parents, je tenais trop à elle pour la laisser aller se faire tuer dans une terrible Course. Je sentais la colère monter en moi et cela n’aurait rien arrangé. Je serrais les poings et avalais quelques cuillères de soupe pour me laisser le temps de me calmer. Cela fait je la regardais d’un air sévère avant d’ajouter d’un ton ferme.
- De toute manière tu n’as pas le choix, quoi que tu fasses je continuerais de te protéger. Maintenant, à propos de cette course, dont les inscriptions commencent dans deux semaines et demi, j’irais et je m’inscrirais. Je ferais tout pour gagner et la place pour la Caverne que je pourrais remporter sera pour toi. Que tu le veuilles ou non ce sera comme ça. Je te sauverais, même contre ton grès.
Elle me regarda, interdite, ne sachant visiblement comment répondre à ça. Moi de mon côté j’avais pris ma décision, je remporterais cette course et lui laisserais mon billet pour la Caverne. Pour le reste, il sera temps d’y penser plus tard.
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