Irrémédiablement
HAZEL : Je pourrai lire un de tes textes un jour ?
ANNE : Je pourrai t’écouter jouer du piano un jour ?
HAZEL : Oui. Un texte pour un morceau, ça te va ?
ANNE : Parfait. Et toi et moi ?
HAZEL : Quoi, toi et moi ?
ANNE : Est-ce que tu penses qu’un texte peut s’unir avec un morceau au piano ?
HAZEL : Je vois en eux une douceur partagée, pas toi ?
ANNE : Si. J’y vois même une ambition commune. Une association symbolique. Une alchimie complétive.
HAZEL : Comme si irrémédiablement, ils ne pouvaient subsister l’un sans l’autre ?
ANNE : Irrémédiablement oui.
HAZEL : Quel est donc le rapport avec nous, enfin toi et moi ?
ANNE : Il n’y a pas de nous, tu crois ?
HAZEL : Pourquoi réponds-tu toujours à mes questions par des questions ?
ANNE : Pourquoi, à l’instant, fais-tu de même ?
HAZEL : Je n’y crois pas ! Ne ris pas, tu n’as pas le droit.
ANNE : Je suis désolée, je ne ris plus.
HAZEL : Ton rire porte en eux le bruit des vagues.
ANNE : Et tu n’as pas vu l’étendue de mon sourire !
HAZEL : Tu souris si peu mais tu ris tant, comme si tu explosais toujours, de manière brute, instinctive, directe.
ANNE : J’offre mes sourires seulement à ceux qui en valent la peine.
HAZEL : Je n’en vaux donc pas la peine.
ANNE : Irrémédiablement que si. Mais je ne veux pas que tu tombes amoureuse de mon sourire, tu vas vouloir le voir trop souvent et il s’en va tellement loin parfois.
HAZEL : J’irai le chercher, peu importe où, il n’y a pas de doute à vouloir retrouver son éternité magnifiée.
ANNE : Tu n’as plus besoin de lire mes textes, tu deviens poétesse.
HAZEL : Tu m’inspires. Assez pour te dire merci.
ANNE : De ?
HAZEL : Merci pour ce petit sourire que tu viens de m’offrir.
ANNE : Il portait en lui toute la douceur que mes rires n’ont pas. Il portait en lui le reflet de nous.
HAZEL : Nous ?
ANNE : Nous, un texte et un piano, des rires explosifs et des sourires magnifiés. Nous, deux poétesses, aux mots déversés. Nous, la conjugaison d’un toi et moi, une union de nos êtres incomplets si l’on demeure éloignées.
HAZEL : Nous sommes une analogie. La plus belle. En son creux, on peut y trouver l’essence de nos voix entremêlées.
ANNE : Nous pouvons entremêler nos lèvres aussi.
HAZEL : Irrémédiablement oui.
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