L'air était doux dans la forêt. Le soleil faisait étinceler les feuilles toutes rouillées des grands arbres. L'herbe des clairières était encore tout humide de rosée. Cela sentait bon la mousse et le champignon. Un vrai paradis...
Mais Pimpinou, le petit lapin blanc ne s'attardait pas : ce matin, son papa et sa maman lui avaient confié un travail sérieux. Tout fier, il courait d'un bosquet à un autre, de nids en terriers et de gîtes en buissons, à la recherche de tous les habitants de la forêt. Il ne fallait oublier personne ! Il réveilla Zip le lièvre, Pam, le gros lapin roux, Belle la biche, et bien d'autres encore... A chacun, il annonçait : - Soyez tous à huit heures au pied du gros chêne : mes parents ont à vous parler.
A huit heures, il y avait foule sur le lieu du rendez-vous. Chacun était avide de savoir de quoi Pimpin et Pimpine allaient parler. Tout le monde discutait en même temps :

- Cui cui cui disaient les mésanges

- Gron, gron disait le sanglier à son voisin le renard.

Mais soudain, Pimpin cria d'une voix forte :

- Tout le monde est-il arrivé ?

- Oui, je crois, siffla un merle qui s'était perché sur une haute branche d'où il pouvait voir toute l'assemblée.


Alors Pimpin grimpa sur une vieille souche, se racla la gorge, et dit d'une voix solennelle :

- Mes amis, vous le savez, nous sommes en automne. Dans quelques jours, ce sera la chasse. Le fermier et son fils viendront avec leurs fusils et sèmeront la mort dans notre belle forêt.


A ces mots, toute l'assemblée se tut et devint grave :
- Ils ont tué l'an dernier deux de mes enfants se souvint Zip

- Mon épouse est morte à cause d'eux, renchérit le sanglier.

- La chasse m'a pris mon papa et ma maman, sanglota Bip, le petit lapin gris. Si Pimpine ne m'avait pas recueilli, je serais mort de faim, tout seul dans le terrier du bouleau.

- Je crois, reprit Pimpin, qu'aucune de nos familles n'a été épargnée par cette cruelle coutume des hommes. Nous avons tous souffert, tous autant que nous sommes. Et si nous ne faisons rien, cela recommencera cette année, et encore l'année prochaine, et tous les automnes.

Tous les animaux baissaient la tête. Ils se souvenaient des aboiements furieux des chiens, des pas pesants des hommes, du terrible bruit des armes et de la terreur qui les faisait se tapir des heures entières, le cœur battant, sans presque oser respirer.

- Nous ne devons plus supporter cela ! continua Pimpin.

Un murmure d'assentiment parcourut l'assistance :

- Pimpin a raison, intervint Belle

- Oui, oui, dirent en chœur les lièvres.

- Nous sommes tous d'accord, mais que faire ? interrogea Bam.

- C'est vrai, comment faire ? répéta quelqu'un.

- Si je vous ai demandé de venir ici, répondit Pimpin, c'est parce que Pimpine et moi avons une idée : écoutez-moi bien . Il nous faut tendre un piège aux chasseurs.

- Oui mais comment ? interrogea Zip qui était toujours très impatient (car les lièvres n'ont pas l'habitude de rester longtemps en place).

- Voilà, continua Pimpin : à nous tous, nous devrions creuser un grand trou, nous arranger pour qu'ils tombent dedans et ne puissent plus en sortir.

- Bonne idée, mais si nous creusons un trou, ils le verront ! affirma Bip.

- Pas si nous le recouvrons ensuite de branches et de feuilles mortes.

Tous les animaux crièrent leur enthousiasme :

- Oui, oui, il faut faire cela ! L'un d'entre nous les attirera dans notre piège, et ils tomberont dedans !

L'après-midi même, les animaux se mirent au travail. Pimpin et Pimpine choisirent un endroit du chemin ou la terre, un peu humide, avait l'air plus meuble ; et tous les lapins, et tous les lièvres se mirent à creuser ; même Pimpinou s'y mit au risque de tacher sa jolie fourrure blanche.