Chapitre 2

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Royaume d’Arionnore. Aletar.

 Phil, de son vrai nom Philippe, était un jeune valet au service de Jenson, le fils de l’usurpateur. Adepte du respect de certaines traditions, il était parti dans les cuisines commander un gâteau pour l’anniversaire de l’adolescent qui soufflait ses dix-sept lumières le jour-même. C’est en ouvrant la porte de la pièce principale qu’il découvrit avec stupéfaction l’état dans laquelle cette dernière se trouvait.

 — Ce n’est pas possible, râla-t-il. Monsieur Sartirog ! Qu’avez-vous donc encore été faire ?! hurla Phil en regardant l’aspect de la cuisine du palais où Jenson était étalé par terre dans un nuage de farine.

 Le concerné se releva en toussotant. Il afficha un petit sourire nigaud et tenta de faire partir la farine collée à ses vêtements, en vain.

 — Euh… Disons qu’un chariot de transport ce n’est pas du tout facile à arrêter, surtout quand le sol est trempé, répliqua Jenson en guise de réponse à tout ce désordre.

 — Bon, allez donc vous changer, je vais m’occuper de tout cela, et tâchez de ne plus recommencer ce genre de choses.

 En allant vers ses appartements, le garçon croisa des gens qui le regardèrent d’un air stupéfait, ce qui le fit rire intérieurement. Ce n’était pas commun de voir quelqu’un entièrement recouvert de farine.

 Pour Jenson, ce monde ne comptait seulement que deux catégories d’hommes : ceux qui ne le voyaient que comme le fils de celui qui avait rendu ce monde néfaste et ceux qui étaient alliés à son père, l’usurpateur, autrement dit des hypocrites.

 Il avait beau obtenir ce qu’il souhaitait sur commande ainsi que vivre dans un immense palais avec une vue imprenable sur les montagnes Ancestrales, faire des bêtises était la seule occupation qui lui procurait un tant soit peu de gaieté.

 L’unique amitié que l’adolescent entretenait était celle avec son valet Phil. N’ayant le droit de sortir du palais qu’en de rares occasions, le jeune homme ne rencontrait que très peu de monde. Et même si Phil mettait un point d’honneur à respecter chacune des règles assez strictes de son métier, ils trouvaient toujours un moment pour discuter et plaisanter ensemble.

 Arrivé devant la porte de ses appartements, Jenson posa sa main sur un petit hologramme qui identifia son empreinte digitale. Quelques secondes après, un déclic retentit puis la porte s’ouvrit sur une magnifique pièce ornée de plantes qui escaladaient voracement tous les recoins.

 Après avoir pris une douche, Jenson s’orienta vers sa chambre quand il entendit frapper à sa porte. Il se dirigea vers celle-ci et l’ouvrit.

 — Joyeux anniversaire ! s’exclama Phil qui revenait des cuisines, un gâteau à l’aspect douteux dans les mains.

 Ce dernier ne put garder son sérieux bien longtemps face à cette construction dégoulinante de crème moussante.

 — Tu te rends compte que cela ressemble plus à de la bave de Veur’k (1) qu’à un dessert ? constata un Jenson hilare.

 — Je suis navré pour l’aspect. Le chef pâtissier était débordé par les préparatifs du banquet en l’honneur des invités de ce soir, j’ai donc tenté de le réaliser moi-même.

 — Tu es un excellent valet Phil, crois-moi. Seulement, la cuisine n’est pas faîte pour toi. En tout cas merci, ça me fait vraiment plaisir. Tu es bien le seul à y avoir pensé, avoua le jeune ému.

 — Mais c’est normal que j’y pense, nous sommes amis.

 Tandis qu’ils goûtaient le gâteau cuisiné avec soin par Phil, un bip provenant du bracelet accroché au poignet du valet retentit. Aussitôt, l’homme y découvrit un message qu’il s’empressa de transmettre.

 — Un message de la part de Monsieur votre père. Cela ne vous fera sûrement pas plaisir de l’apprendre mais Monsieur souhaite votre présence immédiatement dans la salle du trône.

 Jenson se crispa en entendant les paroles de Phil. Jamais son père n’avait souhaité l’approcher le jour de son anniversaire. Pourquoi diable un tel changement ? Les deux amis se quittèrent rapidement.

 Passé plusieurs couloirs, allées et escaliers, il arriva devant l’entrée de la salle du trône. Celle-ci était gardée par un garde qui somnolait. L’homme se dressa immédiatement en entendant quelqu’un arriver. Si son patron venait à apprendre qu’il s’assoupissait quelques fois pendant son travail il serait vite renvoyé de son poste, d’autant plus que la personne qui arrivait n’était autre que le fils de Theoden Sartirog.

 — Sire, fit le garde, votre fils vient d’arriver.

 Sur le trône était installé un homme droit à l’allure austère. Une de ses mains tapotait patiemment le rebord du siège. D’un œil perfide, il observait celui dont il avait demandé la présence.

 Jenson s’avança sous le regard pesant de son père. Son instinct lui dictait de se retourner pour fuir cette atmosphère asphyxiante. Il pressentait que cette discussion ne serait pas la meilleure de toutes celles qu’il avait pu avoir.

 — Tu as mis du temps à venir, fit remarquer Theoden. À l’avenir sois plus rapide, j’ai d’autres occupations à tenir.

 — Père, je suppose que vous ne m’avez pas appelé pour parler du temps, alors pourriez-vous en venir aux faits ?

 Un de ces sourires que l’on ne souhaite pas voir et qui n’annonce rien de bon se dessina sur le visage de Theoden.

 — Bien, lâcha Theoden d’un ton sec, je suis sûr que la nouvelle va t’enchanter.

 — Je vous écoute, répondit le fils un peu inquiet.

 — Tu vas devenir un de mes soldats.

 Abasourdi, il faillit tomber par terre. Il savait que son père était quelqu’un de malfaisant, hostile, mauvais, mal intentionné, injuste… mais comment pouvait-il faire cela à son propre fils ?

 — Oh ! Bien sûr tu seras mieux traité que tous les autres, il en va de soi. Cela ne te fait pas plaisir ? demanda-t-il d’un air faussement attristé et déçu. J’espère ne pas t’avoir annoncé cela trop rapidement. Il serait dommage de perdre encore quelques minutes, n’est-ce-pas ?

 Amer, Jenson interrogea :

 — Pourquoi faites-vous cela ?

 — Pourquoi ? Mais la réponse est pourtant évidente ! Tu es mon fils et tu dois m’aider à gérer la sécurité de nos royaumes pour le bien de tous les habitants, les gens comprendront en plus que devenir un soldat est positif.

 Une violente fureur éclata en Jenson, depuis toujours il encaissait les coups mais cette fois c’en fut trop pour lui.

 — Pour la sécurité des royaumes et le bien des habitants ?! Vous rigolez ?! Les deux royaumes sous notre contrôle sont loin d’être sécurisés ! Vous avez placé des soldats prêts à tirer sur des gens parfois innocents juste parce qu’ils ont manifesté leur mécontentement envers vous et votre façon de régner dans chaque recoin de nos terres ! Cela n’apporte rien de bon aux habitants ! En plus vous arrachez des jeunes aux familles afin qu’ils vous servent sans vous contredire et vous voulez me faire la même chose ! Vous voulez leur faire croire que tout ce que vous faites depuis dix ans est positif ?!

 — Jenson, Jenson, Jenson, dit Theoden d’une mine désespérée, je pensais que tu étais assez intelligent pour comprendre cela et l’accepter mais apparemment je me suis trompé.

 — Oh que oui vous vous êtes trompé ! Si vous pensez un seul instant que je vais accepter de devenir un Éteint comme le disent si bien les habitants, vous avez tout faux !

 — Mais ce n’est pas un choix fiston, c’est une obligation, affirma Theoden. Demain des gardes viendront te chercher et tu les suivras bien sagement.

 — Vous croyez sérieusement que je vais les suivre ?

 — Bien sûr que je le crois, les gardes savent se montrer très persuasifs.

 — Je ne sais toujours pas pourquoi ma mère a disparu quand je n’avais encore que quelques mois, mais je commence à croire que vous y êtes vraiment pour quelque chose !

 Sur ces mots Jenson sortit hâtivement de la salle et claqua la porte derrière lui, puis se dirigea vers ses appartements. Le garde qui avait entendu hurler à travers la porte se demandait ce qui se passait surtout quand il vit le garçon sortir furieusement. Il passa sa tête doucement entre les portes pour voir si tout allait bien et déglutit quand il entendit Theoden l’appeler.

 — Un problème sire ? demanda le garde en s’approchant de Theoden.

 — Non, en revanche j’ai une tâche à te confier, mais d’abord réponds à ma question. Tu t’y connais bien en hologramme ?

 — Oui sire.

 — Alors suis Jenson et enferme-le dans ses appartements je ne veux pas qu’il s’en aille. Compris ?

 — Oui sire, j’y vais de ce pas.

 — Bien, ne me déçois pas alors.

 Le garde se mit à transpirer à cause du stress montant. Si jamais il décevait Theoden il le regretterait amèrement. Il se précipita retrouver discrètement Jenson.

 Ce dernier éprouvait de la rage ainsi qu’une tristesse profonde, il n’arrivait toujours pas à croire que son père pouvait lui faire une chose pareille. Il posa rapidement sa main sur le petit hologramme qui identifia son empreinte puis rentra dans ses appartements pour réfléchir à tout ce qui venait de se passer. Après avoir passé sa colère sur tout ce qui avait croisé son regard, il pensa que seul Phil pourrait le comprendre. Ni une, ni deux, il se dirigea vers la sortie en quête de son ami afin de tout lui expliquer quand il se rendit compte qu’il était enfermé. Il comprit aussitôt les intentions de son père et regretta de s’être fait avoir comme cela. Le lendemain, deux gardes viendraient le chercher et il deviendrait un des leurs, un Éteint.

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(1) Veur’k : Petit animal gris originaire de la nouvelle planète. Vivant principalement dans les marais, il est réputé pour sa grande production de bave à l'aspect moussant.

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