Chapitre 8
— Quand tu dis marché aux armes, tu entends par là légal ou bien illégal ?
— Illégal, révéla Jad avec un grand sourire collé aux lèvres.
— Ben voyons ! Ce serait moins amusant sinon, fit Jenson sur un ton emplit de sarcasme.
Ils firent les quelques kilomètres les séparant encore de la ville sans aucune parole.
— Nous sommes arrivés, annonça Jad heureux en écartant une branche d’arbre parsemée d’épaisses feuilles vertes qui empêchait d’admirer Gybor.
Jenson poussa un cri de joie avant de réaliser avec effroi que devant lui il n’y avait rien. Pas l’ombre d’une ville. Jad ne devait pas avoir les idées au clair apparemment, peut-être que la chose de tout à l’heure qui les avait attaqués l’avait rendu fou.
— Mais il n’y a rien ici ! Qu’est-ce que tu me racontes ! se fâcha Jenson.
— Hurles pas ! Tu vas énerver les gens du coin sinon.
— Bon sang ! Mais il n’y a personne ici ! Tu veux que j’énerve qui ?
— Tu es exaspérant je trouve, soupira Jad. Tu as pourtant bien vu les lumières de la ville comme moi lorsque l’on était en haut de la montagne, pas vrai ?
— Oui et bien elles ne sont plus ici, râla Jenson.
— Si, il suffit de regarder au bon endroit. Lève ta tête.
Jenson s’exécuta aussitôt. Les traits de son visage s’adoucirent, ses yeux d’un éclat chocolat s’agrandirent, sa bouche en O ne semblait plus pouvoir se fermer, toutes émotions négatives furent remplacées par émerveillement, surprise et enthousiasme. La ville se situait dans les arbres ! Des bâtiments en bois étaient perchés à différentes hauteurs, chacun reliés par des passerelles suspendues dans les airs. Des escaliers faits en liane ou en bois selon les besoins permettaient de monter très haut et évidement de redescendre. Les lumières qu’ils avaient repérées provenaient de petites boules flottantes. En regardant de plus près Jenson comprit que ces choses lumineuses qui volaient dans tous les recoins étaient une variété de plantes rondes luminescentes. Un sourire béat prit place sur son visage avant qu’il ne remarque un point essentiel.
— Comment on y entre ? Je ne vois pas d’escaliers, là où nous sommes, qui nous permettent d’y accéder.
— Suis-moi, je vais te montrer.
Jenson s’accorda encore un regard vers le ciel puis emboîta le pas à Jad. Celui-ci s’immobilisa devant un arbre colossal et posa sa main à un endroit précis sur le tronc rêche. Un déclic provoqué par un mécanisme tinta et une porte dérobée s’ouvrit doucement.
— C’est par là, indiqua Jad content.
Un escalier en colimaçon sculpté finement dans le cœur même de l’arbre se présenta à eux. Cette ville ne laissait vraiment rien à son désavantage. Ils grimpèrent pas mal de marche, le brouhaha des gens de la ville commençait à parvenir à leurs oreilles quand Jad s’arrêta, ouvrit une autre porte et déboucha sur une passerelle. Jenson ne put s’empêcher de regarder en bas, ils étaient assez hauts. Au moins il ne ressentait pas les méfaits du vertige.
— Je dois retrouver ma sœur dans deux heures donc cela nous laisse le temps d’aller voir un vieil ami à moi ou si tu le préfère visiter la ville, proposa Jad.
— Je vais t’accompagner on fera la visite après, choisit Jenson curieux de découvrir qui était ce vieil ami.
— Ok mec, va falloir grimper, dit-il enjoué.
C’est ce qu’ils firent, ils grimpèrent, empruntant divers escaliers et passerelles jusqu’à se tenir devant une auberge très accueillante « Bienvenue chez les lutins des bois », très sympathique même vaguement enfantin. Un sourire idiot releva les commissures des lèvres de Jenson quand il s’imagina des petits lutins verts gérant le restaurant de l’auberge. Sa rêverie fut pourtant brève, son camarade s’était déjà engouffré à l’intérieur et discutait avec un vieil homme et non un petit lutin. Il se rapprocha des deux personnes.
— Ah tiens, t’en as mis du temps ! Je vais faire les présentations. Jenson voici Max, Max voici Jenson.
L’aubergiste, enfin Max, devait avoir 65 ans, il était plutôt costaud et d’innombrables tatouages recouvraient son corps lui donnant un air dur. Il toisa longuement Jenson d’un œil imperceptible pour enfin finir par tendre sa main que Jenson serra timidement. Max demanda de suite, à travers sa barbe bien soignée, ce qu’ils voulaient boire.
— Ne vous en faites pas c’est offert par la maison, rassura-t-il non sans un clin d’œil.
Les deux garçons décidèrent de prendre une boisson gazeuse d’un bleu turquoise dont les bulles roses tournaient en spirale. Max rapporta les boissons.
— Donc trois Azurabullas.
L’aubergiste s’installa lourdement en leur compagnie à une table située à l’abri des regards indiscrets, de toute façon c’était l’heure de sa pause et il comptait en profiter, quitte à prendre un truc à boire lui aussi.
— Qu’est-ce que tu veux Jad ? Je suis sûr et certain que tu n’es pas seulement venu dire bonjour au papi que je suis.
— C’est drôle que tu dises cela, rigola Jad nerveusement.
— En effet c’est drôle.
Jenson se marrait intérieurement en assistant à la scène.
— Je voulais savoir si par hasard, enfin je veux dire, que…tu…enfin…
— Et si tu arrêtais de tourner autour du pot et que tu me balances simplement ce pourquoi tu es ici, coupa Max désespéré.
— Bien, je voudrais t’acheter une arme à feu, chuchota-t-il d’une voie ferme. S’il te plaiiiit ! crut-il bon d’ajouter en enlevant toutefois un peu de sa crédibilité.
Jenson rigola moins d’un seul coup et faillit cracher sa gorgée d’Azurabullas qu’il finit par déglutir péniblement. Avait-il mal entendu ?
— Ce n’est pas une bonne idée.
— Je confirme, tenta Jenson en vain.
— C’est trop dangereux en ce moment dans le royaume et je dois être capable de nous protéger moi et ma sœur.
Le débat s’éternisa et par un quelconque miracle Jad réussit à obtenir ce dont il voulait absolument. Jenson priait pour que Jad sache se servir de l’arme. Ils réservèrent des chambres à l’auberge auprès de Max puis partirent au lieu du rendez-vous afin d’y rejoindre la sœur de Jad.
De rares personnes se baladaient dehors, il était très tard et la nuit avait pris possession du soleil en un rien de temps. Par chance le bar qu’ils devaient atteindre n’était pas situé à l’autre bout de la ville. Gybor étant une ville nichée dans les arbres on pourrait penser qu’elle paraît petite due à sa complexité de construction pourtant c’est l’inverse, la ville s’étale très loin. Le bar qu’ils cherchaient était établit à un niveau au-dessus. Ils montèrent sur un plateau en bois qui les tira vers le haut grâce au principe de la tyrolienne mais à l’envers et continuèrent leur chemin. Un pli barra le front de Jad signe de réflexion intense.
— Jenson, ne le prend pas mal mais il vaudrait mieux que j’entre en premier voir ma sœur pour lui expliquer qui tu es. Elle le mérite et je ne veux pas lui mentir.
— Je comprends. Puis si cela m’évite de recevoir des bleus je suis pour, répondit-il en esquissant un petit sourire.
— Je me suis déjà excusé.
— Je sais c’est juste pour t’embêter. Je vais faire un tour dans ce cas pour découvrir la ville, je reviens d’ici une heure.
— Ok, j’espère qu’elle le prendra mieux que moi.
Jenson quitta ainsi Jad.
— Si seulement mon père n’était pas mon père, murmura Jenson.
Il passa une main dans ses cheveux bruns puis soupira pour enfin orienter son regard vers les étoiles. A cet instant il prit la décision de monter au sommet de la ville, ce qu’il fit. Arrivé à destination il prit place sur une branche et admira le paysage. C’était tellement magnifique. Il apercevait le sommet des arbres aussi lointain que la mer. Une sensation de liberté s’empara de son être, ce sentiment était agréable et loin de ce qu’il avait ressenti chez lui au palais d’Aletar. Il se demandait à quoi pouvait bien ressembler la Terre quand une des fleurs luminescentes s’envola jusqu’à lui et le tira de ses pensées. Il plaça la paume de sa main juste en dessous puis l’envoya continuer son voyage. En regardant en bas il ne remarqua personne, tout le monde devait dormir, il en profita pour continuer sa petite balade tranquille.
Il sentit comme une piqûre à sa jambe. Rapide et douloureuse, mais n’y prêta pas attention, ce devait sûrement être un insecte. Cette fois-ci l’envie de descendre le plus bas possible l’étreignit. Ses mains attrapèrent une corde puis il se laissa glisser, en faisant attention à ne pas déchirer le tissu protégeant sa main, pour ensuite prendre des passerelles et quelques tyroliennes. Cette ville était comparable à un grand parc de jeu.
Il fit plusieurs pas sur une des très nombreuses passerelles en bois quand la ville se mit à tanguer devant ses yeux. Désorienté il tenta de se tenir fermement à la corde de sécurité. Il ferma ses yeux et inspira un bon coup. Quand il les rouvrit sa vue se troubla, il n’apercevait que des masses sombres, indistinctes, se mouvant. La peur et l’incompréhension le gagnèrent. Certes il était un peu fatigué mais pas au point d’en devenir malade. Que lui arrivait-il ?
Ses jambes se dérobèrent, il tenta de se relever mais ses bras tremblotants ne supportaient plus sa masse, la passerelle bougeait dangereusement. Dans un ultime effort il réussit à se remettre debout. Tout chancelant son corps bascula dans le vide à quinze mètres de hauteur. L’air le fouetta et siffla dans ses oreilles pendant sa chute. Son corps s’enfonça dans la surface dure faisant voler de la terre et des feuilles. Ses os s’entrechoquèrent violemment pendant l’impact. Il lâcha un cri de douleur terrible. Toutes les parties de son corps le lançaient, il n’arrivait plus à bouger. Pourquoi personne ne venait l’aider ?
Sa vue se voila d’un épais écran noir, il ne voyait plus rien du tout. Tout était confusion, il n’aurait pu différencier le sol de l’espace, sa droite de sa gauche… Il était seul et n’avait plus la force de hurler.
Des voix accompagnées de quelques rires se firent entendre au loin. Ouf ! Quelqu’un allait sûrement le voir et l’aider, il allait s’en sortir.
Les voix se rapprochèrent.
— Regardez-le donc ! Un parfait idiot celui-là !
— On ne t’a jamais appris qu’il ne faut jamais fuguer ? dit quelqu’un en riant.
— Dis donc, ce petit morveux tient beaucoup mieux au sédatif que d’autres ! Il est tenace !
— T’inquiète, il ne le sera pas longtemps.
— On aurait dû faire plus attention, sa chute a failli le tuer. J’espère qu’il survivra quand même sinon on va se faire engueuler.
La peur s’empara totalement de Jenson. La piqûre qu’il avait senti à sa jambe n’était pas celle d’un insecte, c’était celle d’une fléchette enduite d’une substance neutralisante. Les éteints venaient de le retrouver, et allaient le ramener auprès de son père. Il tenta dans un dernier effort de parler.
— Je…pas…devenir…éteint…, souffla-t-il en espérant que les soldats l’aient entendu même si ces quelques mots ne l’aideraient pas à changer sa situation.
— Qu’est-ce qu’il a dit ? demanda une des voix.
— Peu importe, on doit se dépêcher pour le moment.
Tout espoir fut anéanti en lui quand il sentit des mains le soulever. Il crut percevoir un bruit de démarrage puis il perdit connaissance.
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