Chapitre 15 (partie 2)
Effaré Jenson sentit l'angoisse monter en lui. Un Général lui parlait. Un Général ! Son père, Theoden, ordonnait toujours à ses généraux d'organiser les sessions d'injection du produit transformant en Éteint. Nonobstant tout ce qu'il avait entrepris pour déserter ce sort néfaste, le détenu n'allait pas tarder à devenir un Éteint. Cette prise de conscience fit perdre tout mince espoir qui résidait en lui. Il tentait déjà de se faire à l'idée de perdre ses souvenirs afin de calmer les pulsions affolées de son cœur. Seulement, les mots prononcés par l’homme de guerre ne firent rien pour l'aider.
— Avant que tu ne me casses les pieds en me posant d’innombrables questions, je vais en répondre à certaines qui, je pense, ont déjà dû faire le tour dans ta tête depuis un moment. Donc tout d'abord tu es enfermé dans une cellule, t'enfuir ne servira à rien. De toute manière, au vu de ton état, je doute que tu puisses tenter quoique ce soit.
S'enfuir ? Jenson n'y avait même pas pensé. Les douleurs lancinantes propulsées à travers son corps et sa future situation d'Éteint occupaient tous ses neurones. S'il était encore capable d'une chose pour le moment cela se résumait à écouter son interlocuteur.
— Tu te trouves actuellement dans la capitale du Royaume d'Héllibore, c'est-à-dire Galiorn. Bref, ici on est loin de ton palais infesté de personnes complètement vrillées. Tu dois certainement te douter que ton père va avoir du mal à te récupérer.
Avait-il bien entendu ? Royaume d'Héllibore ? Galiorn ? Peut-être que sa souffrance devenait si forte qu'elle grignotait les parties saines de son cerveau, laissant derrière elle un adolescent fou. Autre solution possible : le brun souffrait d’une commotion cérébrale sévère. Sûrement les deux à la fois.
Le jeune n'en revenait pas. Combien de temps avait duré son voyage pour qu'il se retrouve sur un autre continent parmi les ennemis de son père ? D'un autre côté ces révélations le rassuraient car devenir un Éteint ne serait pas d'actualité pour le moment. La pression qu'il accumulait depuis le début pouvait donc se relâcher. Toutefois, il ne put s'empêcher de poser cette question dans le but de se rassurer :
— Alors... Je ne vais pas devenir un Éteint ? demanda Jenson la respiration haletante sous l'effort.
— Quelle drôle d'idée ! Tu es vraiment tordu toi, se marra le Général devant la question absurde du jeune. Manifestement autant que ton père.
Sans plus attendre, Edyson poursuivit sa tirade.
— Moi et mon équipe avons pris quelques précautions à ton sujet lors de ton inconscience. Comme tu peux le constater, un traceur a été introduit dans ton corps au niveau de ta clavicule. L’ôter est inutile car il est soudé à ton os.
Afin de confirmer les dires de l’homme, Jenson passa une de ses mains en bas de son cou. Ses doigts caressèrent une légère enflure, preuve évidente de l'opération subie involontairement.
— La dernière fois que l'on a posé un traceur sur un gars ce dernier a tenté de l'enlever malgré nos recommandations. Pas joli à voir tout ça si tu veux mon avis. Vraiment, j'insiste pour qu'une telle idée ne te vienne pas. Tout ça pour dire que quoi qu'il arrive on sait où tu es, assura Edyson avant de laisser échapper un rire. J'aimerais t'affirmer que nous ne sommes pas des psychopathes, simplement il va être plus simple pour toi de penser l'inverse.
Tout en s'asseyant confortablement sur une chaise, le Général sonda Jenson dans le but de savoir s'il avait malencontreusement oublié de répondre à l'une de ses interrogations. Saisissant l'opportunité, le fils du tyran s'empressa de délivrer ces quelques questions qui lui brûlaient la gorge.
— Depuis combien de temps j'ai quitté Gybor ?
— Environ quinze jours.
C'était trop. En quinze jours tellement d'évènements avaient pu avoir lieu et donner vie à ses éternels cauchemars. Jenson ne pouvait qu'imaginer le pire, surtout quand trois prénoms restaient gravés dans sa tête : Phil, Jad, Theoden. Bien évidemment, le garçon se doutait aisément laquelle de ces trois personnes serait la plus apte à rester en vie.
— Qu'est-ce que j'ai loupé jusqu'à maintenant ? fit le blessé toujours essoufflé.
— Pour l'instant je te dirai juste qu'il y a une récompense sur ta tête. L'usurpateur a décidé que ta tronche vaut quelques terres, trois sacs de pommes remplis et 2 103 500 Koll'z. Sera bienheureux qui te trouvera.
En entendant cela, Jenson ne put s’empêcher de serrer les poings, plantant ainsi ses ongles dans sa chair tailladée. Son père souhaitait le revoir uniquement pour servir ses intérêts. Au moins sur ce continent il ne risquait pas de devoir lui faire face de sitôt. En revanche s’il y avait bien une personne qui risquait de lui poser problème c'était le Général. Ses jours dans cet endroit se résumaient à de l’imprévisibilité. Et qui pouvait bien aimer ce sentiment d'incertitude dans des conditions de détention et santé précaires ?
— Ce n'est pas la récompense qui vous attire, je me trompe ? demanda l'adolescent d'une voix éreintée.
— Exact.
— Vous attendez quoi de moi au juste ?
— Voilà enfin une question intéressante, se soulagea Edyson en croisant ses bras sur son torse avec un large sourire. Pour le moment des réponses à nos questions vont suffire. Un gars comme toi doit posséder un tas d'informations. Alors ça va être simple : ou tu réponds à nos questions et on est content, ou tu refuses d'y répondre et tu découvres ce que cela fait de nous contrarier. Clair ?
— Clair.
Le Général s'attendait sûrement à plus d'opposition de la part du jeune homme, surtout quand celui-ci se trouvait être le fils de l'usurpateur. Étonnamment, ce dernier semblait disposé aux conditions imposées.
— Ne perdons pas une seconde de plus, affirma le militaire en ouvrant la porte à deux de ses gars. Ils sont là pour analyser tes réponses.
Si Jenson aurait pu rire sans souffrir il s'y serait donné à cœur joie. Le destin vouait apparemment une haine à son égard. L'un des nouveaux venus se trouvait être le type qui l'avait assommé durant son trajet de Gybor à ici.
— Salut le morveux, tu te souviens de moi ? Suis-je bête ! Comment le pourrais-tu si tu n'as fait que roupiller pendant le voyage, se moqua le soldat.
— Abruti, marmonna Jenson le souffle toujours aussi court.
— Il a dit quoi le morveux ?! s'énerva l'individu en se rapprochant.
Edyson fit signe à ses hommes de prendre place tout en se calmant pour ensuite se diriger vers son détenu. D’un geste vif, il attrapa fermement le bras de l'adolescent et lui injecta un produit. Jenson sentit la panique se déverser en lui aussi vite que le liquide chaud. Qu'avait-on introduit sous son épiderme ?
— Ils créent parfois des trucs utiles les scientifiques. Bref, maintenant que le sérum de vérité est en toi on peut débuter.
Quelque peu rassuré, le jeune attendait le départ d'interminables questions.
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