CHAPITRE VI : LARS - CIRCULEZ, Y A RIEN À VOIR (1/2)

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Lars regarda Leïv quitter la pièce dans un grand boom, les lèvres pincées. Il soupira ensuite de mécontentement, une fois de nouveau seul dans cette horrible chambre. Bon, la décoration n'était pas aussi moche que ça à bien y regarder, mais Lars se sentait de très mauvaise foi. Et il avait besoin de râler, de trouver des choses à critiquer. La tête niaise de son hôte était le défouloir parfait.



Il avala encore quelques fruits, puis se leva du lit en desserrant complètement sa cravate. La chaleur était tout simplement insupportable ! Lars se défit de sa veste froissée, il était tellement angoissé qu'il n'avait pas pensé à l'enlever avant de dormir. Elle était fichue maintenant ! Il doutait fortement qu'il y ait un fer à repasser dans cette maudite case divine.



Ne tenant pas sur place, il fit le tour des lieux, examinant de plus près toutes ces babioles à l'effigie du Chat. C'était de l'excellent travail, mais franchement, même lui, qui avait la réputation d'être imbu de sa personne, s'imaginait mal vivre dans un endroit avec autant de représentations de soi-même ! Lars saisit une statuette de Leïv étroitement entrelacé avec un homme au physique délicat. Les deux étaient dans une position qui ne laissait absolument aucun doute sur ce qu'ils faisaient. Lars reposa aussitôt "l'œuvre d'art" avec une moue dégoûtée, avant de s'éventer exagérément d'une main.



Il avait besoin de se laver, prendre un bain, qu'importe ! La chambre de Leïv n'avait pourtant pas de salle d'eau attenante... Lars tourna brièvement en rond dans la pièce avant de taper des pieds comme un enfant. Pas question d'attendre le petit matin pour se décrasser ! Tant pis, il allait chercher les douches tout seul comme un grand. Il fallait juste rester discret, et puis, ce n'était pas comme s'il était la seule personne perchée tout en haut de cet immeuble écolo.



Il quitta donc sa prison, traversa le salon et ouvrit les double portes pour revoir ce même paysage qui aurait pu être le dernier un peu plus tôt. La couleur rougeâtre du ciel avait laissé place à un manteau sombre et scintillant, mais ça n'enlevait rien à la chaleur qui n'avait pas évolué d'un iota. Soupirant d'exaspération, il prit cette fois-ci le temps d'observer les alentours et nota une "branche-escalier" reliant cet étage à celui du dessous, où se trouvaient trois autres cases. Ce devait être un raccourci par rapport au tronc, et tant mieux, Lars n'avait pas du tout envie d'y retourner après sa petite mésaventure. Au moins, s'il tombait, il y aurait un toit pour le rattraper.



Il s'aventura avec une extrême prudence sur les marches dorées, s'interrogeant à chaque instant sur la façon dont l'autre faisait pour ne jamais glisser en fonçant dessus comme un dératé. Après quelques minutes, il arriva sans encombre à destination et s'empressa de visiter chacune des petites maisons. La première était un autre salon, pièce unique cette fois, bien plus meublée également. À se demander combien de personnes ce type pouvait recevoir à la journée. La seconde était une sorte de... réserve de peluches de lion. De toutes les tailles, du sol au plafond. Qu'est ce que ça pouvait bien ficher là, Lars se le demandait. Qu'est-ce que le Chat pouvait bien en faire, ça il ne voulait pas le savoir.



La troisième... Miracle, il y avait de l'eau ! Ça ressemblait à des thermes comme on en trouvait à Rome. La différence avec celles-ci, c'est qu'elles étaient faites d'or (pour changer) et sur chaque face de chaque pilier était taillée une tête de lion à la gueule ouverte d'où s'écoulait un inarrêtable jet. Une épaisse vapeur émanait de la plupart des bassins, Lars ne croyait pas que ce serait possible mais il faisait encore plus chaud ici qu'à l'extérieur. Il analysa rapidement la pièce du regard et repéra ceux aux eaux les plus fraîches, enfin, si on pouvait les qualifier comme telles.



Lars hésita une micro-fraction de seconde, les doigts suspendus à quelques millimètres des boutons de sa chemise. Il ne semblait pas y avoir de caméra cachée dans cet endroit, mais qui pouvait dire ce que l'autre irait inventer pour espionner ses beaux invités. Ah, et puis au diable cet idiot, s'il voulait le mater, tant pis ! Le magicien se déshabilla et pénétra dans l'eau en soupirant d'aise. Ce n'était pas aussi chaud qu'il le craignait, ça faisait du bien, même. Il se laissa lentement couler au fond du bassin, s'immergeant complètement. Il aimait bien faire ça pour réfléchir. Une manie que Leo se plaisait à moquer...



Repenser au jeune homme le plongea à nouveau dans une angoisse sourde. Lars avait été éjecté dans le portail en plein combat. Un affrontement que ni lui ni Leo ne pouvaient remporter seuls. Ils avaient tout prévu, ensembles, ils seraient venus à bout du serpent vicieux qu'était leur ennemi... Oui, mais rien ne s'est déroulé comme il le fallait et le voilà désormais coincé dans les étoiles, et dans un autre monde en plus !



Seul face à l'adversaire, Leo n'avait aucune chance... Il était sûrement...



L'air lui manqua brusquement et Lars émergea la tête de l'eau en suffoquant comme un idiot. L'angoisse s'était muée en un profond désespoir qui glaça tout son être. La seule idée que Leo puisse être... qu'il ne soit plus...



Soudain, c'était comme si quelque chose se brisa puis explosa en lui. Littéralement. Une intense vague de magie jaillit brutalement de son corps. Telle une tornade, elle souffla avec violence la pièce entière, gelant tout sur son passage. Des stalactites se formèrent dans la gueule des lions, tandis que les eaux des autres bassins se transformèrent en étendue glacée.



La vapeur environnante disparut pour laisser place à de minces flocons qui tourbillonnèrent doucement dans l'air. Elles se déposèrent sur les cheveux et les épaules de Lars qui ne s'en formalisa pas. Il s'était adossé contre les parois du bassin, la tête rejetée en arrière. L'eau était devenue glaciale, mais ce brusque changement de température ne le dérangeait pas du tout. Au contraire, le froid l'apaisait, l'aidait à mieux réfléchir.



Il ne devait surtout pas se laisser aller au désespoir. Leo était aussi tenace qu'un cafard, il s'en sortait toujours. Lars voulait y croire. Et puis, il allait bientôt rentrer ! Sa magie était toujours là en lui, l'état dans lequel se trouvaient les thermes en était la preuve. Il avait juste besoin de s'entraîner un peu ce soir, et quand Leïv reviendra, il aura retrouvé toute ses facultés pour ouvrir un portail et retrouver Leo... sain et sauf.



Lars resta encore un petit moment dans les thermes à tester ses pouvoirs sur la glace. Mais bientôt, la chaleur des lieux reprit peu à peu ses droits et tout se mit à fondre comme neige au soleil.



Sur le mur le plus proche, des serviettes pendaient à des crochets en forme de pattes griffues. Lars en fit léviter une vers lui, en grimaçant légèrement. Ses pouvoirs étaient peut-être revenus, mais il devait déployer plus d'énergie que nécessaire pour les contrôler. La fichue serviette se rapprochait avec une lenteur d'escargot. Il agita les mains dans un geste impatient et l'objet de sa convoitise tomba lamentablement sur le sol avant même d'arriver jusqu'à lui. Lars lâcha un soupir exaspéré et dut se résoudre à sortir de l'eau tout nu. Il ramassa la serviette, se drapa dedans, puis récupéra ses vêtements.



Le chemin du retour fut beaucoup plus ardu, il dut faire doublement attention à ne pas glisser sur les marches. Mais pourquoi n'avait-il pas pensé à se sécher les pieds déjà ?! Le magicien réussit quand même à retourner dans la chambre en un seul morceau. Une fois sec et à moitié rhabillé (il faisait à nouveau tellement chaud qu'il préférait éviter s'encrasser davantage sa belle chemise), il s'assit sur le lit et décida de s'exercer un peu à la télékinésie. Bientôt, plusieurs des horribles statuettes et bibelots du Chat se mirent à voleter dans les airs pour sa plus grande satisfaction. Ces immondes choses pouvaient avoir une utilité, finalement.

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