CHAPITRE XVIII : LARS - UN PAS EN AVANT, UN PAS EN ARRIÈRE (1/2)
D'accord.
Lars ne trouva rien à redire quant aux dernières paroles de Leïv. Cette histoire de Néant et de fin du monde ne lui disait rien qui vaille. Déjà que dans son monde à lui, ce n'était pas la joie, voilà qu'il tombait sur encore pire dans celui-ci.
Il fallait vraiment qu'il rentre chez lui... Son regard se posa cependant sur le visage grave du Lion. Et c'est comme si son cerveau venait de donner un grand coup de balai à cette pensée pour l'envoyer quelque part sous le tapis.
Dieu comme c'était compliqué tout ça ! Il y a encore une heure, il était tellement déterminé à quitter cet univers de fous, et la minute d'après, il pleurnichait dans les bras de son hôte, puis se jetait sur ses lèvres. Mais qu'est-ce qui clochait chez lui ? Pour un peu, le magicien se taperait le front contre le bloc de glace le plus proche histoire de se remettre les idées en place.
— Tu verrais ta tête... T'en fais pas, tout ira bien. On a encore 42 ans devant nous, tu seras sûrement parti bien avant.
Leïv avait retrouvé son éternel sourire de Monsieur-je-vois-toujours-le-bon-côté-des-choses. Et pour une fois, Lars ne le trouva pas horripilant, c'était au contraire... plutôt rassurant ? Il ne put cependant retenir un petit soupir. Avec sa chance actuelle, il pourrait bien rester coincé ici pendant encore des années. S'il ne mourrait pas de chaleur avant.
Enfin... il n'était pas vraiment à plaindre non plus. Il aurait pu se retrouver avec un hôte qui n'aurait jamais accepté de supporter son sale caractère ne serait que pour une minute. À la place, il était tombé sur Leïv dont l'infinie patience à son égard l'effrayait presque par moment. Comment pouvait-on être aussi gentil... et attentionné envers les autres ? Surtout envers lui, à qui beaucoup décerneraient sûrement la palme du plus insupportable au monde ! Lars en venait parfois à se demander s'il n'avait pas malencontreusement détraqué le cerveau du dieu lorsqu'il avait essayé de l'hypnotiser la nuit de leur rencontre...
Raaah, mais ce que c'était énervant tout ça ! Il secoua la tête pour se ressaisir, tout en se grattant furieusement le coude. Comme il fallait s'y attendre, ses pitoyables tentatives de soigner les éraflures n'avaient absolument servi à rien. Il avait horreur de se sentir aussi faible...
— Es-tu blessé ? lui demanda aussitôt Leïv qui fut à ses côtés dans la seconde pour examiner son bras sous toutes les coutures, la mine inquiète. Bon sang, ce type était vraiment adorable et Lars n'avait qu'une seule envie : l'embrasser encore. Et encore.
Pour cette fois, il réussit cependant à résister à cette pulsion incontrôlable. Il n'avait vraiment aucune idée de ce qui était en train de se passer entre lui et l'Incarnation. C'était tellement soudain et en même temps si naturel... Impossible à expliquer, surtout en tenant compte de ses sentiments pour Leo ainsi que du mouron qu'il se faisait à chaque instant pour lui. Mettez tous ces problèmes dans le même panier et Lars s'effondrait comme une pauvre chiffe-molle après un banal entraînement. Depuis quand était-il devenu si... sensible ?!
— Ça va ? s'enquit de nouveau Leïv et Lars croisa ses grands yeux chocolat qui le fixaient avec une certaine appréhension.
À voir sa tête, lui non plus ne savait pas du tout comment prendre et encore moins gérer... cette étrange relation qui était en train de se tisser entre eux. Il leva d'ailleurs une main hésitante vers la joue de Lars, mais la laissa finalement retomber sur ses genoux.
— Oui, je suis... juste un peu fatigué, avoua le dandy en soupirant. On rentre ?
— Bien sûr ! Euh... tu penses être capable de marcher, ou... ?
Leïv laissa sa phrase en suspens en l'aidant à se relever et Lars ne put retenir une grimace mécontente. Non seulement il ne se sentait pas d'attaque pour une petite excursion sous ce soleil de plomb, mais il n'était également pas sûr d'avoir encore assez de forces pour prendre l'apparence de l'autre crétin. Ne restait donc plus qu'une seule option... Au secours !
À ses côtés, le Lion ne disait rien. Il se contentait de lui offrir un petit sourire hésitant (aaargh mais qu'est-ce qu'il était mignon comme ça !), attendant clairement son aval pour l'inévitable. Oh et puis zut ! Une minute de supplice, ce n'était pas la mer à boire !
— C'est bon, ronchonna Lars en levant les yeux au ciel. Va pour ta supervi...
Il n'eut même pas le temps de finir sa phrase que le décor se brouilla pendant quelques secondes autour de lui, avant de revenir à la normale. Sauf qu'ils n'étaient plus dans le cratère, mais de retour dans la chambre de Leïv.
— ... tesse ! Aaaah je déteste tellement quand tu fais ça ! s'exclama Lars en le fusillant du regard, tandis que le dieu lui adressait un grand sourire taquin.
Ses bras étaient toujours sur sa taille et le magicien n'avait qu'un geste à faire pour rapprocher à nouveau leurs visages... mais ses yeux se posèrent alors sur le lit pour y rencontrer ceux de ce très cher Aldiem, dont la face de Sainte Nitouche mécontente lui paraissait d'une niaiserie sans nom. Et cette tête condescendante, sérieusement ? Encore heureux que Lars ne se sentait pas d'humeur à se battre, sinon elle ne ferait même plus partie du paysage, elle ainsi que le corps qui la soutenait, corps entièrement NU sous les draps, il ne rêvait pas ! Mais qu'est-ce que Leïv pouvait bien lui trouver, à cet... cet... Pour un peu, il lui donnerait une grande claque sur la tête pour le punir d'autant de mauvais goût !
— Oh... tiens, Aldiem, se contenta-t-il de dire en le toisant lentement de bas en haut, sans s'écarter de Leïv.
— Bien le bonjour... monsieur Lars, lui rétorqua ce dernier avec le même mépris évident dans la voix.
Monsieur Lars... mais qu'est-ce que ça sonnait ridicule ! Envolée la presque bonne humeur du matin, elle était devenue massacrante. Le sorcier se tourna cependant vers Leïv pour lui adresser un petit sourire glacial. Puis sans lui donner le temps de réagir, il déposa un long baiser sensuel sur ses lèvres avant de se dégager de ses bras et se diriger vers la porte.
— Je vais me doucher, lança-t-il nonchalamment par-dessus son épaule. Je t'aurais bien proposé de venir me rejoindre, mais tu es un dieu visiblement très occupé...
— Je n'ai jamais dit que j'étais exclusif, très cher, répliqua l'intéressé avec une pointe de malice et Lars leva les yeux au ciel en se retournant vers lui.
— Bien sûr, je l'avais parfaitement compris, répliqua-t-il en esquissant une petite moue ennuyée. Mais si vous pouviez bien changer les draps une fois que vous aurez fini... je suis vidé, j'ai vraiment besoin de dormir.
Puis sans attendre sa réponse (il ne manquerait plus que Leïv lui dise de prendre le divan !), il laissa les deux tourtereaux à leurs mièvreries pour rejoindre les thermes qu'il commençait sérieusement à affectionner.
L'eau chaude lui fit un bien fou, délassant ses muscles endoloris. Avec un petit soupir de contentement, Lars se frictionna soigneusement le corps tout en laissant ses pensées divaguer.
Ces trois jours d'entraînement intensifs n'avaient servi à rien, il était toujours incapable d'invoquer Fenris, et encore moins d'ouvrir un fichu portail. Le sentiment d'impuissance était insupportable. Chaque seconde passée dans ce monde faisait grandir son inquiétude quant au sort de Leo et penser à lui... faisait si mal ! À tel point qu'entendre Leïv prononcer son nom à voix haute... il n'avait pas pu le supporter. Ses nerfs avaient tout bonnement lâché.
Annotations