Chapitre 2 (partie 2)

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   Tout ce dont je suis certain, c’est qu’à peine trois minutes plus tard, je fonce sur ses lèvres maquillées comme un affamé, son corps coincé contre le mien dans un recoin sombre du couloir de l’étage supérieur. Nous nous embrassons avec tellement de fougue que l’oxygène que je respire me grille les synapses et les poumons. A moins que ça ne soit la faute de son odeur aux notes fruitées.

   Une main sur sa hanche et l’autre avant-bras appuyé sur le mur derrière elle, j’emprisonne Teresa comme pour m’assurer qu’elle ne va pas s’évaporer dans les prochaines secondes. Avec ses mains baladeuses et ses baisers experts, je ne m’en remettrais pas si elle décidait de tout arrêter maintenant. Comme si elle pouvait lire dans mes pensées, elle glisse ses doigts derrière ma nuque et colle sa poitrine contre mon torse.

   L’envie de descendre la fermeture éclair frontale de sa robe pour découvrir ce qu’elle cache dessous devient de plus en plus obsédante. Mon cœur cogne tellement fort contre ma cage thoracique que j’ai peur qu’elle finisse par rompre alors que mon sang menace de s’enflammer à la moindre étincelle.

   Teresa rompt notre baiser, nos deux respirations saccadées se mélangeant l’une à l’autre.

   — Viens par là !

   A tâtons, elle ouvre la porte juste à côté de nous, se glisse à l’intérieur de la pièce et me tire avec elle.

   La chambre est plongée dans le noir mais la lueur de la Lune et des réverbères sur la chaussée offre le minimum de luminosité nécessaire pour nous orienter. Je n’ai pas le temps —ni l’envie, pour être honnête— de m’attarder sur la décoration, Teresa déboutonne ma chemise, bouton par bouton, et chaque fois que ses doigts effleurent ma peau brûlante, un frisson dévale le long de ma colonne et finit sa course tout droit dans ma queue. Le dernier bouton tombe, comme ma chemise et elle s’attarde désormais à dessiner la moindre courbe de mon torse.

   Emprisonnés dans une bulle aussi érotique qu’obscène, nous prêtons à peine attention à ce qu’il se passe en dehors de cette chambre et le seul bruit auquel je prête attention est celui des gémissements que laisse échapper Teresa lorsque je l’embrasse dans le cou, sous l’oreille, sur le haut de sa poitrine.

   La moindre de ses caresses me galvanise, au point que je me demande comment je fais pour ne pas cracher directement dans mon boxer.

   Je descends enfin la fermeture qui me fait de l’œil depuis un moment et sa robe rejoint ma chemise noire dans un coin de la pièce. Tout juste vêtu d’un ensemble en dentelle blanche et d’un collant en résille noir, le corps de Teresa ne m’a jamais paru aussi excitant qu’à cet instant. Avec ses longues jambes que je veux, enroulées, autour de mes reins, ses fesses rebondies que je désire dans mes mains et sa paire de seins ronds et fermes. Un putain de fantasme à elle seule.

   — Putain de merde, Teresa … je souffle, à court de mots, avant de mordre furieusement dans ma lèvre.

   Je profite d’un instant de latence, durant lequel nos prunelles fiévreuses s’accrochent pour caler une de ses mèches de cheveux décolorés derrière son oreille. La voir ainsi, presque nue devant moi, dans l’attente de plus, les lèvres entrouvertes et gonflées par nos baisers, les joues rougies par l’excitation.

   — Depuis le temps que je m’imagine ce moment, marmonne Teresa en me fixant.

   — Quoi ?

   Mais elle ne me répond pas. A la place, elle plaque ses lèvres contre les miennes avec avidité. Je me laisse porter par nos caresses, nos baisers, nos gémissements. Je perds totalement le contrôle de mes actions, guidé par un désir aussi primaire que bestial. Il en est de même pour Teresa qui cherche désespérément à prendre les commandes. Elle finit par me pousser contre le lit, sur lequel je m’allonge de tout mon long.

   A califourchon sur moi, l’ange de la mort m’embrasse, me goûte, me lèche, me mord. D’abord mon cou, puis mes pectoraux, mes abdos auxquels elle accorde une attention toute particulière. Enfin elle suit la fine ligne de poils sous mon nombril.

   Mon corps tout entier chauffe, se contracte. Je serre les fesses lorsqu’elle ouvre mon pantalon qu’elle fait glisser le long de mes jambes.

   Et lorsque ses lèvres pulpeuses s’enroulent autour de moi, je perds définitivement le fil de la réalité dans un grognement rauque.

***

   Allongés sur le dos et nus côte à côte, Teresa et moi fixons le plafond en tentant de nous remettre de nos émotions, sans prononcer le moindre mot.

   Je ne sais pas combien de temps nous restons comme ça, j’ai perdu toute notion du temps depuis que je me suis levé de ce canapé. Le monde aurait pu arrêter de tourner, la foudre aurait pu frapper, rien ne m’importait plus que ce que j’étais en train de faire avec Teresa. Et maintenant que c’est terminé…

   — Qu’est-ce qu’on a fait, Aaron ?

   Je n’aime pas le ton qu’elle utilise. Un mélange d’interrogation, de prise de conscience et de … remords ?

   — J’étais si mauvais que ça pour que tu viennes à poser cette question ?

   — Arrête de déconner, je suis sérieuse, soupire-t-elle en tournant son visage vers moi.

   Bon, visiblement, elle a décidé de ruiner mon bien-être post-orgasmique. Résigné, je souffle un coup et me frotte le visage. Et dire que je viens de baiser avec ces cornes de diable collées sur le front.

   Je n’ai jamais pensé tromper Cassandra. Enfin, la question ne s’est jamais réellement posée jusqu’à présent. On se voyait souvent, on ne se prenait jamais la tête et nos parties de jambes en l’air étaient plus que satisfaisantes. On était heureux, épanouis. Mais les mois ont passé et je n’ai rien vu venir.

   Pour la première fois de ma vie, j’ai couché avec une fille autre que ma copine officielle. Si j’ai été ce qu’on pourrait qualifier de queutard pendant un moment, je ne me suis jamais montré infidèle avant ce soir.

   Est-ce que je regrette ? La réponse est non. Est-ce que ça se reproduira ? La réponse est encore non. Parce que ce qu’il vient de se passer n’est que le résultat du mélange d’alcool et d’une frustration partagée.

   Je ne réalise même pas vraiment que j’ai baisé Teresa.

   — Ecoute, si tu ne dis rien, je ne dis rien, j’assure après un silence. Ce qu’il s’est passé restera entre nous et on se fera enterrer avec ce secret.

   Nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre, je sens son souffle chaud et alcoolisé contre ma peau encore humide des efforts fournis. Sa poitrine se meut lentement, au rythme de ses respirations. Si c’était Cassandra, j’aurais posé ma tête dessus avant qu’on ne décide de quitter le lit. Mais ce n’est pas elle, c’est sa meilleure amie.

   Teresa se mordille l’intérieur de la lèvre alors qu’elle pèse les pours et les contres de ma proposition.

   — Ok, ça me va, finit-elle par accepter. Cassandra ne peut pas nous en vouloir, si elle ne le sait pas, pas vrai ?

   Un petit sourire en coin creuse la commissure de mes lèvres et j’acquiesce.

   — Et on évite les leçons de morale des gars par la même occasion. C’est le plan parfait, j’affirme. Allez, on y va avant qu’ils remarquent notre disparition.

   Je me redresse et m’assois au bord du lit mais la main de Teresa autour de mon bras me retient.

   — Ça ne change rien entre nous, hein ? m’interroge-t-elle, une lueur inquiète dans les prunelles.

   — Bien sûr que non, tu es toujours mon amie, Terrie.

   J’entrelace nos doigts et apporte le dos de sa main à mes lèvres pour y déposer un baiser affectif qui la fait sourire. Puis je me lève du lit, le corps bandé et reluisant, pour allumer la lumière, retirer la capote trouvée dans un des tiroirs de la table de chevet et partir à la recherche de mes fringues éparpillées aux quatre coins de la chambre.

   — Eteins la lumière ! s’exclame Teresa en me tournant le dos.

   — Quoi ? Pourquoi ?

   — Eteins-la. C’est tout !

   — Tu sais que je t’ai déjà vu à poil, du coup ?

   — Eteins.

   Je capitule, les mains levées en signe de reddition, puis vaque à mes occupations, non sans trouver sa réaction exagérée.

   — Aaron, tu sais où est ma culotte ? Je la retrouve plus, demande la blonde après quelques minutes, à quatre pattes de côté du lit pour regarder en dessous.

   — Te mets pas comme ça ou ça va repartir en couilles.

   Le regard glacial qu’elle me lance m’indique qu’elle n’a pas trouvé ma réflexion très drôle. Je remarque aussi qu’elle porte déjà sa robe et même ses chaussures. Mais qui s’habille dans cet ordre-là ?

   Je jette un coup d’œil circulaire et aperçois un morceau de tissu blanc au pied de ma table de chevet. Je la récupère et au moment où je tends mon bras pour lui lancer, j’entends la porte de la chambre s’ouvrir brusquement. Par réflexe, Teresa se relève en vitesse et je cache son string derrière mon dos en me tournant.

   — Enfin, soupire Esther de soulagement. Max, Cameron et Naïm vous cherchent depuis dix minutes au moins.

   Et c’est comme ça que je me retrouve, à peine dix minutes après avoir baisé, entouré de mes meilleurs amis sur la scène de crime et le string de Teresa dans la poche arrière de mon jean, à prétendre qu’il ne s’est rien passé.

   Pour faire taire leurs interrogations sur le pourquoi de notre disparition, Teresa a dit que je m’occupais d’elle alors qu’elle était malade mais que ça allait mieux désormais. Je me suis retenu de sourire au double-sens de ses paroles. Pour l’absence de Cass’, j’ai raconté qu’elle était rentrée en UBER car trop fatiguée. Ils ont eu l’air sceptique mais n’ont pas posé davantage de questions.

   Teresa, Cameron et moi sommes avachis, les uns à moitié sur les autres, sur le lit de la chambre qui s’avère être sûrement celle de Lucas. Naïm est appuyé contre la commode face au lit, les bras croisés contre le torse et le sac de Teresa toujours calé entre ses doigts. Maxime est posé juste à côté de lui et Esther s’est assise sur la chaise de bureau, un peu à l’écart.

   — Bon, pourquoi vous vouliez qu'on fasse une réunion de groupe ? s’impatiente Teresa.

   Les regards convergent vers le blondinet de la bande et je comprends que quoi qu’il arrive, ce sera son idée. Il laisse flotter un moment de silence, les yeux rougis par les substances qu’il a fumé et un sourire idiot sur les lèvres.

   — Vous êtes chauds si je vous dit ces trois mots : Noël, chalet, nous tous.

   Ça fait quatre mais personne ne le reprend, trop emballé par l’idée.

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