Ysaline.

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Mars 1969

Sous haute surveillance, Anya parvient à son huitième mois, sans encombre. Il faut dire qu’elle a eu l’interdiction formelle de produire le moindre effort. Toute la maisonnée a été au petit soin avec elle, même Florence et Paul furent adorables. Ils leur tardent de voir leur petit cousin ou cousine mais ils ne savent rien de la maladie qui frappe leur tante.

Anya passe donc son dernier mois de grossesse à se reposer. Les douleurs éparses sont toujours présentes mais sans s’amplifier.

Lors de sa visite mensuelle, le docteur Mougin est très satisfait : le bébé se porte comme un charme, il a bien grossi et il est parfaitement formé. Le gynécologue peut donc programmer la césarienne sans souci. Bien qu’anxieuse, Anya accueille la nouvelle avec soulagement. Le bébé pèse de tout son poids sur sa vessie, elle a l’impression de passer ses journées dans les toilettes. Son ventre est si énorme qu’elle en a le dos en marmelade.

Le docteur Mougin consulte son agenda.

— Ce sera pour dans quinze jours, le mercredi 26 mars. Je vais joindre le Professeur Pietru afin qu’il prévoit la date dans son emploi du temps. N’oubliez-pas de prendre rapidement rendez-vous avec son cabinet.

La future mère acquiesce d’un mouvement de tête.

Enfin, elle va bientôt faire connaissance avec son enfant ! Elle ne pense qu’à ça ; bien plus qu’à la maladie. Il sera toujours temps de se battre ; cet enfant va lui insuffler la force nécessaire.

— D’ici là, poursuit le praticien, restez tranquille ! Il ne faudrait pas que ce bébé décide de montrer le bout de son nez avant l’intervention.

— Je serai sage comme une image, docteur… Je vous le promets.

Prenant congé, Anya quitte le cabinet, le cœur léger.

***

C’est le jour J ! Entrée la veille de l’opération, Anya est descendue au bloc opératoire vers huit heures du matin après avoir tout juste eu le temps d’embrasser Dimitri et Natacha qui devront patienter dans la chambre. Ils seront prévenus dès que le bébé sera dans la nursery.

Au bloc, tout est blanc… d’un blanc glacial et lumineux. Anya tremble, tellement elle a froid. Autour d’elle, le corps médical s’agite. Chacun connaît sa tâche à accomplir. Deux infirmiers l’allongent sur une table froide, ses jambes et ses bras sont sanglés. Au dessus de sa tête, un éclairage puissant l’aveugle. Sur sa poitrine, des électrodes reliées à un moniteur surveillent ses constantes. Une infirmière lui pose un cathéter. Elle est prête ! Le docteur Mougin, masque devant la bouche et vêtu de blanc de la tête aux pieds, entre à son tour, suivi du Professeur Pietru, également habillé de blanc.

— C’est l’heure, madame Lupesco, l’avertit l’obstétricien. Vous allez vous endormir dans deux minutes. Lorsque j’aurai retiré l’enfant et le placenta, mon confrère prendra le relais. Vous vous réveillerez dans votre chambre.

Anya fait « oui » de la tête. Un masque à oxygène sur le visage, elle se sent partir… elle tente de résister à l’appel du vide mais rapidement ses paupières deviennent lourdes et elle sombre dans un sommeil profond.

— C’est une fille ! Une fille !

Dimitri est euphorique. Il serre et soulève sa sœur dans ses bras en répétant ces mots.

L’opération est une réussite et Anya est en salle de réveil. Dès qu’elle aura complètement émergé du brouillard, l’équipe médicale la remontera dans sa chambre.

En attendant, Natacha et Dimitri se précipitent vers la nursery. Derrière une vitre, on leur présente le bébé. Dans les bras d’une infirmière, la tête chaussée d’un bonnet rose, la petite dort paisiblement. Elle est minuscule, ses joues sont rondes, son teint frais, ses mains aussi longues et fines que celles d’un pianiste. Elle est magnifique ! Dimitri est ému, ses paupières s’ourlent de larmes. Un sourire aux lèvres, Natacha regarde son frère avec amour, elle est si heureuse de son bonheur.

Deux heures plus tard, Anya est de retour dans sa chambre. Malgré les calmants, elle a horriblement mal au ventre mais serre les dents avec bravoure. Dimitri n’arrête pas de lui parler de leur fille, de leur petite merveille, il est intarissable. Sa fierté de père est attendrissante et Anya a vraiment hâte de serrer ce petit bijou contre son sein.

Un coup bref à la porte… une auxiliaire de puériculture entre en poussant un landau transparent où sa fille dort à poings fermés.

— Vous ne nous avez pas communiqué le prénom que vous souhaitiez donner à votre fille. Je dois impérativement finir de remplir son dossier, madame.

Dimitri attend avec impatience que sa femme réponde à la question. Il sait qu’elle en a choisi un mais il ignore lequel tout comme elle ignore celui qu’il a choisi si l’enfant avait été un garçon. Les derniers mois de grossesse, ils ont convenu que l’un ferait ainsi la surprise à l’autre.

Anya ne peut détacher son regard de ce petit corps endormi. Ses yeux brillent sous l’émotion.

— Elle s’appelle Ysaline, répond-t-elle sans lâcher sa fille du regard.

— Ysaline ? Très joli prénom ! C’est noté. Vous désirez la prendre ?

— Oui s’il vous plaît, murmure Anya, un large sourire sur le visage.

L’auxiliaire de puériculture se saisit de l’enfant, soutenant délicatement la petite tête. Sa minuscule bouche en cœur émet un gémissement de protestation d’être ainsi réveillée mais dès que celle-ci la pose sur la poitrine de sa mère, Ysaline rampe vers le sein maternel. Instinctivement, ses fines lèvres s’emparent du mamelon. Attendrie, Anya laisse échapper une larme.

Une fois seuls, Dimitri embrasse sa fille et sa femme. Ils sont, enfin, une famille !

— Merci ma chérie pour ce bonheur. Ysaline est une magnifique petite fille. Elle te ressemble, je trouve.

— Ton papa est déjà complètement « gaga » de toi, murmure Anya à sa fille d’une voix amusée. Te iubesc mon petit trésor.

Anya reste hospitalisée durant une semaine. Avant son départ pour la maison, le Professeur Pietru lui rend une dernière visite. Après consultation de son planning, ils conviennent ensemble de commencer la première séance de radiothérapie d’ici un mois, le temps que la cicatrisation soit effective.

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