1966. Commissariat de Police de Cognac. Un jeudi matin. L’inspecteur Satranches observe la vieille dame assise en face de lui. Presque quatre-vingt ans et une vitalité hors-norme émanant de ses yeux bleus perçants même si son visage ridé prouverait le contraire.

-Je vais reprendre calmement depuis le début. Votre gendre est mort le mardi de la semaine dernière, à seize heure trente alors qu’il partait de chez vous. Et hier matin, c’est votre cousine germaine qui meurt à son tour alors qu’elle sort de chez vous. Les deux se sont subitement écroulés par terre sur le trottoir, au dire de certains passants…et encore…heureusement qu’il y a des témoins!

La vieille a toujours les yeux rivés sur Satranches. Après un long silence, elle prend enfin la parole.

-Si je suis votre raisonnement, ils sont morts alors qu’ils partaient de chez moi donc vous m’accusez forcément de les avoir tués… eh bien, soit.

-Madame Marquez, je n’ai jamais dit le mot « accusée ». J’essaye juste de comprendre et d’analyser les faits en vous interrogeant. Vous êtes suspectée, pas accusée.

-Mais bien-sûr. Toujours le même genre de phrase…mais allez-y, cherchez. De toute manière je n’ai plus rien à perdre. Mettez-moi derrière les barreaux si vous voulez, ça ne changera rien.

L’inspecteur n’ajoute rien de plus. Certes elle est la principale suspecte mais ensuite ? S’il s’avère qu’elle est coupable, faut-il la mettre en prison à son âge ? Pris d’un soudain coup de barre, le flic commence à s’étirer et à bailler.

-Je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Vous pouvez y aller.

Madame Marquez se lève et lui adresse un clin d’œil. Satranches la regarde partir attentivement et fermer la porte. Quelque chose lui manque dans cette affaire. L’arme du crime. Il croise les bras et cogite pendant cinq minutes avant que ses yeux ne se posent sur le petit paquet de chocolatines posé sur la table. La septuagénaire l’a amené avec elle au moment où Satranches est venu la chercher chez elle pour l’interrogatoire.

-Putain de merde !