11. Ne fais rien que je ne ferais pas - Axel

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Ouh stop un instant

J’aimerais que ce moment

Fixe pour des tas d’années

Ta sensualité

Axelle Red - Sensualité

Vendredi 14 mai 2021

La première fois que j’ai vu Liang, il était allongé dans l’herbe.

Cette nuit-là, comme souvent, j’étais avec Tristan. Nous avons été réveillés par son téléphone. Son amie Mei avait besoin d’aide. Sans demander plus de détails, on s’est à moitié habillé, on a pris la voiture, récupéré Ambre, et on est allés à côté de leur lycée, là où le garçon avait été tué.

Liang était là, étendu, Mei à ses côtés. Ambre et Tristan se sont précipités pour l’aider. Ils savaient quoi faire. Ambre s’est occupée de Liang qui avait repris conscience, Tristan s’est occupé de Mei. Et moi je suis resté en arrière. Je me suis senti con et surtout très inutile.

Le lendemain, j’ai demandé à mon père infirmier, qu’il m’apprenne les premiers gestes de secours et quelques mois après, j’ai passé la formation PSC1.

Aujourd’hui a comme un air de déjà vu et c’est ma faute.

Liang est de nouveau étendu, presque immobile, au milieu de la forêt. Quelle idée j’ai eu de lui proposer de faire ça ici ? On aurait dû attendre cette nuit, chez lui. En cas de problème, j’aurais pu réveiller Mei, elle aurait su quoi faire… pas comme moi.

Ses yeux sont clos et sa respiration est lente, on dirait qu’il dort, pourtant, je vois ses yeux s’agiter derrière ses paupières et ses mains se crispent sur le foulard. Je me tiens juste à côté de lui, je ne sais pas s’il peut m’entendre, je n’ose plus bouger.

J’ai insisté pour qu’on fasse ça ensemble, mais c’est lui qui prend tous les risques. Je me sens vraiment couillon. Son visage est calme, toujours aussi beau. Je ne sais pas combien de temps ça fait, parce que bien sûr, je n’ai pas pensé à regarder l’heure. Mais ça me semble durer une éternité.

Il laisse soudain échapper un gémissement qui me donne des sueurs froides.

— Liang ? Ça va ? Tu m’entends ?

Je me penche un peu plus sur lui, il s’agite légèrement comme s’il faisait un vilain cauchemar. Je me retiens de le toucher, mais je guette la moindre de ses réactions. Il gémit de nouveau, puis ouvre les yeux. Mon visage est à quelques centimètres du sien, pourtant il n’a pas l’air de me voir.

— Liang ? Ça va ? T’es avec moi ?

— Oui, murmure-t-il.

Cette fois, je l’agrippe par les épaules, sa respiration s’accélère lorsque je me colle à lui. Je m’écarte ensuite pour ne pas l’étouffer.

— Pardon ! dis-je. J’ai vraiment flippé !

— Je vais bien, dit-il en se redressant.

Il se passe la langue sur les lèvres et ses joues sont devenues toutes roses.

— J’avais raison, dit-il, il n’était pas seul ! Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il était consentant.

J’étais tellement préoccupé par Liang que j’en avais presque oublié le but de tout ça : comprendre ce qui était arrivé à Damasio.

— Comment tu le sais ?

— Il a dit « oui »… plusieurs fois, il l’a même crié !

Il me faut quelques secondes pour comprendre.

— Attends… demandè-je, tu les as vu baiser ?

Il acquiesce.

— Ah voilà pourquoi t’as l’air d’avoir si chaud, dis-je en ricanant.

— Oui, c’était très… sensuel.

À cet instant-là, je bugge sur son regard intense et m’y perds. Ma propre température commence à monter. Moi aussi, je veux de la sensualité. Merde… qu’est-ce qui m’arrive. C’est Liang, et il n’est pas dans son état normal. Faut que j’arrête d’imaginer des trucs… Parfois, je suis vraiment une queue sur pattes.

Heureusement, Liang ne remarque pas mon trouble, trop dans le spleen. Il s’est rallongé et regarde le ciel.

— Je n’ai pas vu le partenaire de Damasio, raconte-t-il. Dans le souvenir, c’était comme si j’étais lui.

J’essaye de ne pas trop penser à ce que ça implique. Surtout se calmer et ne pas imaginer la scène.

— Est-ce que tu as senti la présence des ombres ? demandè-je du bout des lèvres.

Il prend un instant avant de répondre.

— C’est étrange, parce que le moment était plutôt… hum… lumineux. Les deux prenaient beaucoup de plaisir.

J’adore la manière dont ses lèvres prononcent ce mot.

— … Damasio était totalement fasciné par son partenaire, je dirais même envouté.

— Carrément ? Et à son réveil, il l’avait oublié ?

— Oui, soit il n’est pas du matin…

— Soit y’a un truc louche, complétè-je.

Liang acquiesce.

— Oui, c’est difficile à dire.

— C’était peut-être juste la magie du sexe gay ! dis-je en ricanant. Le coup des baguettes, c’est très puissant !

Nous profitons encore un peu de notre escapade, puis nous retournons à la voiture.

— Merci de m’avoir proposé de venir ici, dis-je en démarrant. C’était une super idée.

— Avec plaisir, je suis content de découvrir un peu de ton monde.

— Ce soir, je sors avec Sam et d’autres étudiants pour fêter la fin des cours. Tu m’accompagnes ?

Il semble hésiter quelques instants.

— C’est gentil, mais ça ne serait pas raisonnable, je vais me reposer. Je ferai la fête après les examens.

— Ah revoilà Liang le sérieux ! J’ai eu peur de t’avoir transformé !

— Non, tu n’as pas encore ce pouvoir-là ! répond-il amusé.

— Je repense au tien de pouvoir, combiné au sexe, ça donne quoi ?

Il se contente de rire. Mais lorsqu’au feu, je tourne ma tête vers lui, je vois qu’il affiche un petit sourire et finit par hocher la tête.

— Ah, mais, mon petit lapin, je vais pas me contenter de ça ! dis-je. Tu le sais !

Il rit.

— T’es tellement curieux ! Oui, ça peut donner des trucs cools !

— Comme quoi ? demandè-je impatient. Je veux tout savoir !

— Dans ces moments, ça m’est déjà arrivé de perdre le contrôle sur mon pouvoir…

— Ça m’arrive aussi que ça parte tout seul ! dis-je en ricanant.

— Je ne parlais pas de… ce pouvoir-là ! Tant pis pour toi, tu ne sauras rien !

— Merde… oh non. Liang ? S’il te plait, raconte-moi une belle histoire de sexe ! Je serais très sage !

Il se met à rire.

— T’es bête ! me dit-il. En plus, c’est dangereux t’es en train de conduire !

Mais, au son de sa voix, je sais que j’ai gagné et j’attends patiemment la suite.

— Je disais donc, reprend-il, avant que tu m’interrompes, que parfois, je perdais le contrôle. Et ça m’est arrivé plusieurs fois de ressentir le plaisir de l’autre.

— Ah bon ? Tu peux ressentir les émotions des autres ? C’est génial ! Je croyais que ton pouvoir était lié uniquement aux souvenirs.

— Il l’est ! C’est dur de comprendre et d’expliquer comment ça fonctionne, car je n’ai jamais eu de mode d’emploi. Mais disons qu’au lieu de découvrir le souvenir, je vivais l’évènement au moment où il se produisait, mais via le corps de l’autre.

— Wouah, dis-je tout en essayant de me représenter l’effet. Ça doit être super intense !

— Oui, dit-il avec un joli petit sourire. À chaque fois, ça n’a duré que quelques secondes, mais c’était assez incroyable. Ça n’est pas arrivé souvent, je n’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine.

— C’est pas un concours.

— Heureusement pour moi, répond-il amusé. Contre toi, je n’ai aucune chance.

Ce qui nous fait tous les deux rire.

— Ton pouvoir c’est quand même génial, c’est comme si tu avais un sens supplémentaire.

— C’est aussi un peu effrayant, car je ne contrôle rien. Je revis un moment, un souvenir, avec les images, les bruits, les odeurs… mais également les émotions de ceux qui étaient là. Et c’est souvent intense. Je peux facilement être débordé par tout ça !

— C’est pour ça que tu préfères rester chez toi.

Ce n’est pas une question, je commence à comprendre son mode de fonctionnement.

— Oui. Il y aussi un côté frustrant, car parfois, je ne comprends tout simplement pas ce qui se passe.

— J’imagine ! Et tu dois aussi voir des trucs bizarres…

— Tu m’étonnes ! Je suis encore traumatisé par l’image de mon prof d’anglais du collège…

— Qu’est-ce qu’il avait fait ? demandè-je amusé.

— Je l’ai vu en train de se frotter contre les chaises des élèves quand la classe était vide ! Et bien entendu, j’ai eu droit aux gémissements qui allaient avec…

Liang grimace de dégout.

— Quel gros porc ! dis-je.

— Oui, je ne l’ai jamais plus regardé de la même manière !

Nous sommes arrivés, je me gare devant chez lui et comme il n’a pas l’air pressé de bouger, je coupe le moteur. C’est le dernier jour de cours et notre dernier trajet ensemble. Ces moments vont me manquer.

— Et en amour ? demandè-je curieux. Tu as eu des trucs marrants ?

— Marrant, je sais pas, mais marquant, oui. En terminal, y’avait une fille qui s’intéressait à moi. Une autre fille de ma classe me l’avait présentée en disant qu’elle voulait absolument me rencontrer. Elle était sympa et très jolie, moi j’étais flatté. Très rapidement, on a flirté. Je voulais en savoir plus sur elle, pour lui plaire. Je lui ai piqué un de ses stylos.

— T’as un truc avec les stylos !

Il hausse les épaules alors que je ricane en repensant au mien que j’ai retrouvé dans sa chambre.

— C’est simple à emprunter, surtout en cours. Et la plupart des gens en ont plusieurs, donc ça ne leur manque pas trop.

— C’est vrai. Et alors ce stylo ?

— J’ai vu les photos sur les murs de sa chambre et j’ai flippé.

— Ah oui ? Pourquoi ? Elle avait des photos de toi ? En mode stalkeur de série télé ?

— Non, pas de moi, mais les murs couverts de posters de mecs asiatiques…

— Sans déconner ?

Il acquiesce.

— Oui, ça m’a mis super mal à l’aise ! J’ai eu l’impression qu’elle ne s’intéressait à moi que pour mes gènes.

— Tu lui en as parlé ?

— Non, j’ai fui lâchement. Je n’avais pas envie de faire partie de sa collection. Je l’ai vue quelques semaines après, elle sortait avec un des seuls autres asiatiques du lycée.

— Sérieux ? Une fétichiste des Asiatiques ? Les gens sont bizarres !

J’ai souvent des coups de cœur, trop souvent de l’avis de mes amis, mais je n’ai pas de style de mec. Ce qui va m’attirer, c’est une allure, un sourire, un regard ou un rire. Chaque personne est unique. Voilà pourquoi j’aime rencontrer plein de garçons différents.

— J’aimerais pouvoir découvrir les gens, petit à petit, explique Liang. Apprendre à les connaitre. Mais parfois, je reçois trop d’infos sur eux.

— Je comprends, c’est fun la découverte ! En plus, ton pouvoir déséquilibre la relation.

— C’est exactement ça. Du coup, c’est plus simple d’être seul.

— Pour la fille du lycée, dis-je, le problème c’est elle pas toi ! T’as pas eu de bol, c’est tout. Après t’es pas obligé de relationner si tu n’en as pas envie ! C’est pas parce que la société nous impose un modèle de couple qu’il faut s’y plier !

— Comment ça ? demande-t-il.

— Il y a des gens qui sont aromantiques et asexuels. Pour moi, qui suis hyper sexuel, c’est pas un truc facile à comprendre. Mais si tu veux, je peux te présenter des gens de l’asso qui t’expliqueront ça beaucoup mieux que moi.

— Je suis pas asexuel ! se défend-il. C’est juste compliqué ! Faut que je termine ma licence.

Dès qu’on aborde le sujet des relations, c’est toujours la même réponse. Je ne comprends pas comment un mec comme lui peut être seul. Enfin si, j’ai compris qu’il fuyait les relations. Par facilité, ou par peur, peut-être.

— Liang, je te parle d’amour et tu me réponds études !

Il soupire, légèrement agacé.

— Je ne suis pas comme toi ! Je n’y arrive pas ! Je ne peux pas tout gérer en même temps, donc je dois définir des priorités. Faut que j’obtienne ma licence, puis j’enchaine sur un master, et ensuite je pourrai décrocher un poste d’analyste statisticien.

Je lève les yeux au ciel, pensant le faire rire, mais non. Au contraire, il a l’air contrarié.

— Oui, je sais ! reprend-il. Les maths, c’est pas sexy ! Je suis désolé ! Je ne suis pas du tout sexy.

— Euh… qu’est-ce que tu racontes ? Bien sûr que tu l’es. Et t’es pas seulement ça. T’es beau, intelligent, gentil et drôle.

— Je dois y aller…

Il quitte la voiture sans me dire au revoir et mon cœur se serre. J’ai conscience d’avoir déconné, mais je ne suis pas sûr de savoir où.


***


Ce centre commercial est encore plus sordide le soir. Je ne sais pas quel plaisir les gens trouvent à venir dans ce genre de lieu. C’est tellement moche et froid. Et pourtant, pendant la journée, c’est plein à craquer.

J’ai proposé à Tristan de m’accompagner, mais lui aussi préfère se reposer et réviser. Mes amis sont trop sérieux. Heureusement qu’il me reste Sam qui doit déjà être sur place.

J’accélère le pas pour rejoindre le Spinella, un pub à l’ambiance british. Sur sa porte, l’autocollant du drapeau des fiertés indique que c’est un endroit safe.

Avant d’entrer, je vérifie mon téléphone. Un peu plus tôt, j’ai envoyé un message à Liang.


Axel : Liang, je suis désolé si je t’ai vexé

Axel : je devrais pas être si curieux

Axel : Si tu as envie, on peut en parler


Il a vu le message, mais n’y a pas répondu.

Je cherche une connerie à raconter, juste pour le faire réagir, mais finalement, j’opte pour la simplicité.


Axel : J’ai vraiment apprécié ce moment en foret avec toi

Axel : merci

Liang : avec plaisir

Liang : moi aussi


Sa réponse me fait sourire. Liang est vraiment gentil, trop sans doute.

Rassuré, je pousse enfin la porte du pub. L’intérieur, heureusement, est beaucoup plus agréable. Autre avantage, le lieu reste ouvert tard, car il n’y a aucun voisin autour. Il y a du monde, dont beaucoup de visages familiers, des étudiants que j’ai déjà croisés à l’asso. Je repère Sam, debout à côté du bar avec Julia, une fille de notre classe plutôt antipathique. Je ne m’attendais pas à la croiser ici. Elle grimace en me voyant m’approcher de Sam.

Mon amie est magnifique, elle a lâché ses longs cheveux noirs et porte une robe violette accompagnée d’une veste d’un vert pétant. Son maquillage est assorti.

— C’est mignon, mais risqué ta tenue !

— Pourquoi ?

— Se déguiser en aubergine dans un lieu rempli de gays…

J’éclate de rire en voyant sa réaction outrée.

— T’es vraiment con !

— Je préfère quand tu me traites de trou du cul ! précisè-je.

Elle secoue la tête, dépitée, puis finit par se marrer aussi. Je me penche pour déposer un baiser sur sa joue.

— T’es vraiment canon, chuchotè-je.

Accoudée au bar, Julia nous observe d’un air dédaigneux. J’offre un verre à Sam et me commande une bière.

— T’étais où cette aprèm, me demande-t-elle. T’as encore disparu !

— Mystère et boule de gomme ! Dis, t’as déjà fait du sexe en pleine nature ? Ça manque à mon palmarès.

Elle fronce les sourcils.

— Non ! Quelle drôle d’idée ! Ça doit être humide et plein de bestioles !

Je repense à l’attaque du scarabée et au sauvetage de Liang. Il est vraiment mignon.

— T’as des sujets de conversations à part le cul ? me demande Julia d’un ton sec.

— La bite et les couilles, répliquè-je aussitôt.

Julia lève les yeux au ciel, ce qui m’amuse, mais semble contrarier Sam.

— Damasio est pas là ? demandè-je.

Sam regarde autour d’elle.

— Hum, je crois pas, je l’ai pas vu. Il devrait pas tarder, il loupe jamais les soirées.

Je lui fais une bise.

— Je vais voir si je le trouve.

Je me déplace de table en table, je papote un peu avec tout le monde. Aucune trace de Damasio. Discrètement, je garde un œil sur Sam, qui semble en plein rapprochement avec Julia. Je me demande ce qu’elle peut bien lui trouver.

Melvin, un grand mec aux cheveux roses et aux bras musclés, me fait signe de le rejoindre à sa table. Ils sont déjà nombreux. Il se décale sur la banquette pour me faire une place à côté de lui. Le petit groupe est en train de discuter des examens à venir.

Je termine ma bière tranquillement, quand Damasio fait enfin son arrivée. Il balaye la salle du regard, mais lorsqu’il croise le mien, il se détourne aussitôt. Puis il se dirige à l’autre bout de la salle, d’un pas rapide. Étrange.

— Hey, murmure Melvin. Y’a un truc avec ce mec ?

Je me tourne vers lui, intrigué.

— Pardon de me mêler de ce qui me regarde pas, mais il a l’air de te captiver.

— Non, non, c’est juste que je le trouve… bizarre aujourd’hui.

— Clairement, il te fuit. Laisse tomber. Moi, par contre, je suis là…

Il m’offre un beau sourire.

— C’est très gentil, mais je suis pas dans le mood ce soir.

— Comme tu veux…

Il se penche à mon oreille.

—... mais je t’aurais bien ramené chez moi pour te croquer.

— Une autre fois peut-être…, dis-je en me levant.

Melvin fronce les sourcils.

— Je ne voulais pas te faire fuir, s’excuse-t-il.

— Tout va bien, t’inquiète.

Julia vient de s’éclipser. Sam est de nouveau seule, j’en profite pour la rejoindre.

— Damasio est arrivé ! me dit-elle.

— J’ai vu. Tu trouves pas qu’il est différent ?

— Comment ça ?

— Je sais pas, c’est comme s’il avait perdu de sa superbe. Il est comme éteint…

Sam ricane.

— Il est exactement pareil ! Axel, c’est toi qui es différent.

— Comment ça ?

— T’es tellement obnubilé par ton Liang, que tu ne vois plus les autres mecs de la même manière.

Je secoue la tête.

— J’adore Liang, mais c’est juste un ami.

— Tu parles, on dirait qu’il t’a même fait oublier Tristan.

— Jamais ! C’est pas parce que je passe du temps avec Liang, que j’oublie Tristan. Mon cœur est assez grand pour plusieurs personnes ! Et tu y es aussi ma Samsam.

Elle me tombe dans les bras pour un gros câlin. Et bien entendu, Julia revient juste à ce moment-là, pas besoin d’être devin pour voir que ça ne lui plait pas. J’hésite à dire à Sam que je ne la sens vraiment pas, mais je me retiens et leur laisse de nouveau de l’espace.

Je tourne un peu en rond, puis repère Damasio. Il est du côté de l’entrée, seul, l’air hagard.

— Salut, ça va ? demandè-je.

— Ouais, répond-il sans me regarder.

— T’es sur ? Parce qu’on ne dirait pas.

Il recule d’un pas.

— Qu’est-ce que tu me veux ? Laisse-moi tranquille ! dit-il d’une voix plus forte.

Les regards se tournent vers nous. Je lève les deux mains en signe de paix et m’écarte. Sam vient à ma rencontre, inquiète.

— T’as raison, y’a un truc qui cloche avec Damasio. Fais attention à toi, me dit-elle. Nous, on va y aller…

— Nous ? répétè-je.

Ses joues rougissent, son sourire s’agrandit.

— Oui, me confie-t-elle, Julia et moi.

— Oh oh oh !

— Venant de toi… proteste-t-elle aussitôt.

— Justement ! Je sais de quoi je parle ! Ne fais rien que je ne ferais pas !

Elle lève les yeux au ciel

— Y’a peu de chance.

— Attends… bien que toi, t’as une dérogation spéciale !

— Comment ça ?

— Oui, tu sais, moi j’ai jamais été fan des moules, mais chacun ses gouts. En cherchant bien, tu trouveras peut-être une perle !

Pour illustrer mon propos, j’agite ma langue dans l’air.

— Arrête ! hurle-t-elle.

— C’est toi qui as demandé…

Julia nous rejoint et Sam me lance un regard qui en dit long. Le gros problème, c’est que je suis joueur.

— Julia, tu tombes bien !

Après un regard plein de mépris, elle accepte de me répondre.

— Pourquoi ? demande-t-elle.

— Tu sais faire le trèfle avec la langue ?

Elle pousse un long soupir exaspéré et tourne les talons. Sam passe son doigt sur sa gorge pour signifier que je suis un homme mort. Ce qui, bien entendu, me fait de nouveau ricaner. En les regardant s’éloigner, je parie avec moi-même que Sam va m’envoyer un message pour me demander ce que c’est que cette histoire de trèfle. Et ce, dans moins d’une heure. Un jour, sa curiosité la perdra.

J’erre de table en table, mais je n’arrive pas à me mettre dans l’ambiance. Je me sens seul au milieu de la foule. En plus, j’ai la désagréable sensation d’être observé.

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