24. Anastase - Liang
내 목마름은 오로지 너로만 채워
더 이상 can't take it no more
For the first and last 해가 뜨기 전에 어서
들이켜, 나를 위해 취해 tonight
Ma soif n’est comblée que par toi
Je n’en peux plus
Pour le premier et le dernier, viens avant que le soleil ne se lève
Bois-le, soule-toi pour moi ce soir
THE BOYZ — Drink it
Samedi 26 juin 2021
Je m’avance d’un pas lent, mais confiant vers le bar. Je sens encore le contact des lèvres d’Axel sur ma peau ainsi que la chaleur de sa main sur la mienne. Accéder au comptoir s’avère un peu compliqué, il y a du monde qui se presse pour commander des boissons. Je repère Damasio assis sur une chaise haute. Il fait tournoyer son verre entre ses mains. Tout comme moi, il tend le cou à la recherche du bel inconnu qui semble avoir disparu en cuisine.
Je me tourne vers la salle. Axel a disparu, sa place est vide ! J’ai un petit moment de panique. Je me repasse notre conversion. Est-ce que je l’ai vexé ? Non pas Axel, et puis il ne serait pas parti sans me le dire. Mon téléphone vibre.
Axel : si c’est moi que tu cherches, je suis de l’autre côté
Axel : j’ai bougé pour me rapprocher
Axel : je te voyais plus
Je relève la tête et croise son regard inquiet. Je lui fais un petit signe de la main, il me sourit.
Qu’est-ce que je fais là ? J’aurais dû rester avec lui.
— Qu’est-ce que je te sers ? me demande une voix rauque que je reconnais aussitôt.
C’est lui !
L’homme sur lequel j’ai tant fantasmé est là, juste devant moi. Une peau très pâle, des cheveux blancs savamment ébouriffés et un regard gris-vert. Mis à part l’anneau dans le nez et l’absence de sourire, il ressemble à celui que j’avais imaginé.
Anastase, me répétè-je intérieurement, l’inconnu a enfin un nom et ça lui va bien. Je me demande d’où ça vient, c’est la première fois que je l’entends.
— Euh… bafouillè-je. Qu’est-ce que vous avez comme cocktails ?
Il me tend un menu, puis repart s’occuper des autres clients. Je continue de l’observer tout en essayant d’être discret. Il semble avoir la trentaine. Contrairement aux autres serveurs qui portent tous le même T-shirt noir avec écrit « Spinella » en lettres rouges, lui porte une chemise en lin beige.
Je remarque un étrange jeu de regards entre Damasio et Anatase. Le premier est captivé et tente d’attirer l’attention. Le second garde ses distances et pourtant, il n’a pas l’air totalement indifférent.
Ce jeu est celui d’inconnus qui se draguent, pas celui d’amants. Est-ce que Anastase a également oublié leur nuit ensemble ? Moi non, les images torrides ne cessent de me revenir en tête. Ils étaient tellement beaux, j’ai senti une vraie alchimie entre eux. Est-ce que je suis donc le seul à m’en souvenir ? Comment peut-on oublier un moment si intense et si intime ?
Anastase surprend mon regard sur lui, il me fait un signe de tête et je plonge aussitôt sur la carte pour choisir ma boisson.
— Je vais prendre un French Kiss, lui dis-je lorsqu’il s’approche.
Il prépare le mélange devant moi. J’observe avec attention tout ce qu’il manipule à la recherche de l’objet que je pourrais lui piquer. Un verre, un sous-bock avec le nom du bar, un décapsuleur… Non, tout ça est bien trop impersonnel. Je pourrais tenter de le toucher, lui, directement. C’est tentant, mais très risqué. Je me perds dans la contemplation de ses mains que je connais bien. Je les revois sur le corps de Damasio. Ce pouce et cet index qui pincent délicatement le téton de son amant pour le faire gémir. Pendant un instant, j’ai l’impression de ressentir la pression de ses mains sur mes hanches. Un long frisson de plaisir me parcourt. J’ai envie de sentir sa peau contre la mienne. Envie de m’abandonner. Je veux être à lui.
Il pose un verre devant moi. Le mélange est super joli, il y a différentes couches de couleurs, du rouge à l’orangé. Le tout est décoré d’un petit parasol et d’une paille.
— Et voilà, sept euros s’il te plait.
Je n’ai pas demandé à Axel ce qu’il voulait boire, j’espère que ça lui plaira.
— Est-ce que je peux avoir une deuxième paille ? demandè-je en tendant ma carte bleue.
Il encaisse, puis ajoute une paille.
— Dispute de couple ? me demande-t-il en regardant par-dessus mon épaule.
— Pardon ?
Je me tourne de nouveau pour voir Axel. Il me parait loin, il y a comme un voile entre nous.
— Ton copain a l’air particulièrement jaloux
— Ce n’est pas mon copain.
— Oh ? Pourtant, il me lance des regards mauvais à chaque fois que je m’approche de toi. Ça ressemble bien à de la jalousie.
— Si seulement…
— Si seulement il était jaloux ? demande-t-il amusé.
— Non si seulement c’était mon copain !
Pourquoi est-ce que je lui raconte ça ?
Anastase rit plus franchement. Damasio nous observe, le regard triste. Lui, pour le coup, est vraiment jaloux.
— Tu veux faire un petit jeu ? me demande Anastase d’une voix suave.
La main autour de mon verre, je reste bouche bée à le fixer. Il doit prendre cela pour un « oui », car il pose sa main sur la mienne.
Sa peau est encore plus froide que le verre et pourtant son contact m’embrase. Je suis emporté dans un tourbillon d’images et d’émotions.
Je vois Damasio, la fille aux cheveux verts, puis toute une galerie de visages qui défile. Des amants qui ne se ressemblent pas, mais se succèdent à m’en faire tourner la tête.
Je suis de nouveau Lui, en sueur, au-dessus d’un autre corps en sueur… Dans un canapé, sur un lit, au sol, contre une porte, dans une douche…
Des râles, des gémissements, des respirations coupées, d’autres qui s’accélèrent. Des cris de plaisir.
Sensuel, sexuel, intense.
Des corps, des bouches, des mains, des seins, des sexes.
Une roue de la Fortune géante, hypnotisante, dont l’aiguille s’arrête de nouveau sur Damasio.
Nous revoilà tous les deux, cette nuit-là, dans le local Arc-en-ciel. Ma langue explore sa peau légèrement salée, jusqu’à une veine qui palpite dans son cou. Mes crocs s’enfoncent trop facilement dans sa chair. Il frémit à peine. Le liquide chaud coule dans ma gorge. Il est délicieux. Son plaisir devient le mien et m’enivre.
Rien n’est aussi savoureux que de sentir leur vie qui coule en moi. Mon cœur se remet en marche pour quelques battements. L’extase est malheureusement de courte durée. Je suis déjà trop préoccupé par ce qui va suivre. Pourquoi est-ce que ça doit toujours se terminer ainsi ?
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