25. Sous le cerisier - Axel

12 minutes de lecture

It could be simple as, it could be simple as

We got more in common than you think

You're sexy, I'm sexy

You want me, I want you too

Cela pourrait être simple comme, cela pourrait être simple comme

Nous avons plus en commun que tu ne le penses

Tu es sexy, je suis sexy

Tu me veux, je te veux aussi

Eric Nam - You’re Sexy I’m Sexy

Samedi 26 juin 2021

Liang est toujours en train de parler avec l’autre enfoiré de décoloré. Je me demande bien ce qu’ils peuvent se raconter. Liang me tourne le dos. Je suis frustré de ne pas voir son visage ni ses réactions.

Je soupire d’agacement, pour la dixième fois au moins. Ce n’est pas comme ça que j’avais imaginé notre soirée. J’étais décidé à enfin lui parler !

J’essaye de me contenir. En cas de problème, il sait que je suis là. Un signe de sa part et j’accours. J’ai l’impression que ça fait une éternité qu’il est là-bas. Quand est-ce qu’il revient ? Je meurs d’envie d’aller le chercher, mais il m’a demandé de lui faire confiance. Bien sûr que je lui fais confiance, mais pas à l’autre ! Ce connard a beau faire des sourires, il transpire le vice !

À côté de moi, deux membres de l’asso discutent. En entendant le nom de Damasio, je tends l’oreille.

— Quel est le problème ? demande la fille brune dont j’ai oublié le nom.

— Regarde. À chaque fois qu’on vient ici, c’est la même chose, répond Mevenn. Il est encore scotché au bar !

— Il a un souci avec l’alcool ?

— Non, le problème se situe plutôt au niveau de sa queue qu’il a confondue avec son cerveau !

Malgré la situation, je ne peux pas m’empêcher de me marrer. Leurs regards se tournent vers moi. Je lève mes mains en signe d’excuse.

— Hey, c'est biologique ! Ce truc pompe beaucoup de sang ! après y’en a plus pour alimenter le cerveau !

— Je suis vraiment contente d’être lesbienne ! s’exclame la brune.

Mevenn ricane doucement.

— Je vous ai entendu parler de Damasio, dis-je d’un ton concerné. Y’a un souci ?

— Disons qu’il est en crush obsessionnel sur le serveur, m’explique Mevenn, celui avec la chemise blanche. Et parfois, ça le met vraiment mal.

— À ce point-là ? demandè-je.

Iel hoche la tête avant de reprendre.

— Yep, et il est bien dans le déni ! Quand j’aborde le sujet avec lui, il fait mine de ne pas comprendre de qui je lui parle.

Pauvre Damasio ! L’autre lui a vraiment retourné le cerveau. Il est peut-être en train de le zombifier, ou je ne sais pas quoi, pour en faire son esclave sexuel. Il tente peut-être de faire la même chose avec Liang !

— Il s’est fait ensorceler ou quoi ? plaisante son amie.

Tu ne crois pas si bien dire !

— Totalement ! Va falloir que j’aille le décrocher… C’est mon pote, mais il me fatigue !

Je continue de surveiller le bar. Damasio a l’air paumé. Liang n’a pas bougé. Anastase est face à lui, ils discutent. Tout mon corps se tend quand je vois la main de l’autre naze qui se pose sur celle de Liang. Il n’aime pas qu’on le touche et pourtant, il le laisse faire ! Je ne vois pas son visage, mais l’autre sourit. Je le déteste. Il s’éloigne, puis me regarde.

Merde ! Ce con est télépathe ou quoi ?

Poussé par un mauvais pressentiment, je rejoins Liang. Il est appuyé contre le comptoir, le regard dans le vide. Je touche son épaule, il est tout mou, sa canne tombe sur le sol. Je le prends dans mes bras et essaye de ne pas céder à la panique.

— Lapinou ? T’es avec moi ?

Ses paupières se ferment et derrière, ses yeux s’agitent.

Putain. Pourquoi est-ce que je l’ai laissé y aller seul ? Pourquoi est-ce que je l’ai laissé y aller tout court ? Après je ne contrôle pas sa vie… mais j’aurais dû le dissuader.

Je le tiens contre moi et le secoue légèrement.

— Liang !

Sa bouche s’ouvre, puis ses yeux. Il me fixe quelques instants avant de me reconnaitre.

— Axel ?

— Ça va ? demandè-je.

Il hoche la tête, mais s’accroche à moi. Il caresse ma joue du bout des doigts puis m’offre un large sourire. Ses pupilles sont totalement dilatées.

— Tu planes ?

— Peut-être un peu, répond-il amusé.

— Qu’est-ce qu’il t’a fait ? grondè-je.

— Rien, tout va bien. On ne faisait que discuter.

— T’es pas toi-même ! insistè-je. Il a dû mettre un truc dans ton verre !

— Non, je n’y ai même pas gouté, j’attendais qu’on le boive ensemble. Un French Kiss.

Ses yeux font l’aller-retour entre ma bouche et le verre. Puis il passe sa langue sur ses lèvres, ce qui me déstabilise totalement. Sa main caresse de nouveau ma joue. Je lutte intérieurement pour ne pas fondre sur ses lèvres, mais son comportement me fait douter.

— Je suis content que tu sois là, me dit-il.

— Moi ? t’es sûr que c’est moi…. ou lui ?

Je lui ai répondu d’un ton sec que je regrette aussitôt.

— Il avait raison, tu es jaloux ! me taquine-t-il.

— Et toi tu es totalement inconscient ! Ce mec est dangereux !

— Non, je ne crois pas.

Il a l’air de s’amuser et ça me rend dingue. Il passe son bras autour de mon cou, puis se penche à mon oreille pour murmurer.

— Je l’ai vu !

J’essaye de comprendre ce qu’il veut dire. Je relève la tête et surprends le regard d’Anastase posé sur nous. Son sourire me glace le sang.

— Liang, s’il te plait, on s’en va.

— D’accord, mais d’abord on partage un baiser !

— Hein ?

Il se marre légèrement. Il s’éloigne de moi et prend de nouveau appui sur sa canne. De sa main libre, il attrape un verre au contenu coloré.

— J’ai choisi le French Kiss, m’explique-t-il. J’espère que tu vas aimer.

Il lève le verre entre nous deux, puis il attrape une des pailles entre ses lèvres et joue avec. J’y crois pas, il est en train de m’allumer ! J’essaye de rester concentré et goute à mon tour. C’est à la fois acide et sucré.

— Tu aimes ? demande-t-il d’une voix terriblement sensuelle.

J’aimerais dire que non, mais tout mon corps m’indique le contraire, jusqu’à mon sexe qui commence à s’agiter. Bordel de connerie de flux sanguin !

— Oui, j’aime beaucoup…

On termine le verre, les yeux dans les yeux. Mais je ne suis pas assez serein pour totalement apprécier le moment.

— On rentre ? insistè-je.

Liang acquiesce, puis pose le verre sur le comptoir.

— Bonne soirée, lance Anastase avec un grand sourire.

On marche côte à côte dans les longues allées vides du centre commercial. L’ambiance est glauque et pesante. Je ne sais plus quoi dire ni quoi faire. C’est Liang qui finit par prend la parole.

— Je sais ce qu’il est ! annonce-t-il.

— Un pervers ?

— Non un vampire.

— Tu déconnes ?

— Non non.

Je m’arrête pour l’observer. Est-ce qu’il est encore sous son emprise ? Son regard est redevenu vif, mais la situation semble beaucoup trop l’amuser pour que ça soit réel.

— Je sais pas ce qui est le plus flippant, lui dis-je, l’info ou ton sourire. On dirait que t’as trouvé un Pokémon shiny. D’après ce que j’en sais, un vampire, c’est un truc mort qui suce le sang !

— C’est tout aussi rare !

Je secoue la tête et reprends le chemin vers le parking.

— Ce mec est dangereux ! insistè-je. T’as vu dans quel état était Damasio ? Et toi ? T’es défoncé.

— Non, je suis juste joyeux. Je vais bien. Et pour Anastase, je ne crois pas que ça soit volontaire ! me répond-il tranquillement.

— Oh, le pauvre ! C’est pas de sa faute, il est tellement beau ! Sérieux ? Tu t’entends ?

— Certaines créatures dégagent une sorte d’aura attirante. Il n’est pas le seul, c’est également le cas de Tristan.

— Ne compare pas ce sale type à Tristan ! m’énervè-je. Ils n’ont rien à voir !

Liang me jette un regard en coin. Mes poings sont serrés et je suis tendu comme un string. Le pire dans cette histoire, c’est que je suis en train de m’engueuler avec Liang à cause de l’autre cadavre.

— Pardon d’avoir crié, dis-je.

Il répond d’un simple signe de tête. Je l’attrape par le bras, et je viens me placer face à lui.

— Liang, s’il te plait, ne t’approche plus de lui.

— Je ne peux pas te faire ce genre de promesses. Ma famille s’intéresse aux créatures depuis toujours. Alors bien sûr, j’étais curieux et excité à l’idée de le rencontrer. Il m’intrigue. C’est comme un mystère à résoudre.

Je ricane d’un rire mauvais.

— Juste il t’intrigue ? Rien de plus ? C’est bizarre parce qu’il me semble qu’il y avait aussi une histoire de créature avec Amaury et sa sœur, et ça t’as beaucoup moins intrigué !

Ma voix tremble. Il fronce légèrement les sourcils. J’ai peur qu’il m’envoie balader et me tourne le dos. Mais il finit par me répondre, toujours très calmement.

— C’est vrai.

— Il te plait ? demandè-je du bout des lèvres.

— Je le trouve séduisant, mais c’est tout. Ok, je reconnais qu’avec le foulard, je suis allé un peu trop loin. Au départ, c’était de la simple curiosité, puis je les ai regardés par plaisir. Car ils étaient beaux.

Je bouillonne.

— Je ne comprends pas pourquoi tu prends autant de risques pour un fantasme !

— Justement, c’est un fantasme et ça le restera !

— Comment tu peux en être aussi sûr ?

Il se mordille la lèvre, semble hésiter. Il attrape ensuite ma main et plonge son regard dans le mien. Je suis captivé.

Bien sûr qu’il y a un truc entre nous, comment j’ai fait pour ne pas m’en rendre compte. Maintenant reste à savoir ce dont il a envie et si j’en suis capable.

— Tu n’as pas à t’inquiéter, dit-il. C’est de la curiosité, ok, surement un peu déplacée, mais c’est tout !

Ses doigts caressent les miens, je les lâche à regret en entendant des rires devant nous. Un groupe de mecs occupe l’espace. Bières à la main, ils parlent fort.

— Un souci ? me demande-t-il.

— On va passer de l’autre côté, expliquè-je.

Il recule.

— Tu crois qu’ils sont dangereux ?

— J’en sais rien, mais je tiens pas à le vérifier. Heureusement, la majorité des gens ne sont pas des connards, mais… disons que je préfère mettre en place une stratégie d’évitement. Surtout que là, on est tous les deux maquillés et j’ai un T-shirt arc-en-ciel.

Il approuve d’un hochement de tête et nous rebroussons chemin pour prendre un autre couloir.

— C’est merdique, dit-il, contrarié.

— De quoi ?

— D’être obligé de penser comme ça pour ne pas se mettre en danger.

Je hausse les épaules.

— Oui, mais malheureusement c’est comme ça. Tu sais c’est pareil pour les femmes. Pour ne pas se faire emmerder dans la rue, faut être attentif au moindre détail. Toujours en alerte.

— Je le savais, mais sans en avoir totalement conscience.

J’ai follement envie de le prendre dans mes bras, pour le consoler. Nous arrivons au parking souterrain, et le lieu n’est pas plus engageant. Il va falloir attendre pour les câlins.

— Ça te dit toujours de venir chez moi ? me demande-t-il en ouvrant la voiture. On peut regarder la série !

— Oui, avec grand plaisir. Tout ce que tu veux !

— Tout ? Vraiment ?

— Oui, tout.

J’adore le sourire qu’il me renvoie et ses yeux qui pétillent de malice.

Pendant le trajet, Liang me questionne sur la Pride, je lui raconte ma journée. Je ne suis pas totalement serein, le sujet Anastase me préoccupe. Mais pour le moment, je garde mes inquiétudes, soulagé qu’on arrive à parler d’autre chose que de ce sale type. Ce soir, j’avais prévu de dévoiler mes sentiments à Liang. Et je vais le faire !

Lorsqu’il se gare devant chez lui, je me jette à l’eau.

— Pour répondre à ta question de toute à l’heure… savoir si j’étais jaloux. La réponse est oui. Te voir avec l’autre naze m’a vraiment agacé.

Il me jette un regard curieux, attendant la suite.

— Merde… j’ai besoin de te dire certaines choses, mais c’est pas facile.

— Prends ton temps, me répond-il calmement.

— Toi aussi, tu as parlé de jalousie, à propos de Tristan.

Il acquiesce.

— Je crois que je n’ai pas compris tout de suite ce que tu voulais dire… Bref, faut qu’on arrête de jouer aux devinettes. Pour être clair, Tristan et moi, on n’est pas ensemble. On a essayé l’année dernière, ça n’a pas marché et c’est très bien comme ça. On est très proches, on dort parfois ensemble, on se câline, mais c’est tout ! Je l’aime, mais pas de manière romantique…

Je cherche mes mots pour lui annoncer la suite.

— Comme avec moi ? demande-t-il.

— Non ! Ce que j’éprouve pour toi est différent ! affirmè-je.

— Ok…

— C’est vrai que ça pourrait avoir l’air pareil, on se câline aussi… et euh… comment expliquer ? C’est différent au niveau de ce que je ressens !

Je m’arrête et secoue la tête. J’ai l’impression de ne pas être clair du tout. Je prends une grande inspiration, ainsi que mon courage.

— Liang, j’ai très envie de t’embrasser.

Son regard s’attarde sur mes lèvres.

— Pourquoi tu ne le fais pas ?

— Parce que j’ai peur ! Peur de te décevoir ! Peur de ne pas être à la hauteur ! Peur de tout faire foirer et de perdre notre belle complicité.

Ma voix tremble tout autant que moi

— Moi aussi j’ai peur, mais j’ai envie d’essayer.

Je laisse échapper un nouveau soupir, celui-là, de soulagement. Il ouvre la portière et sort de la voiture.

— Viens, me dit-il.

Il attrape ma main et m’entraine dans le jardin, sous le cerisier.

— J’avais prévu de t’embrasser sous les arbres, m’explique-t-il.

— Tu avais prévu ? répètè-je, hébété.

Nos doigts s’enlacent, se caressent. Mon cœur tambourine lorsqu’il s’avance vers moi.

— Attends ! Je… Liang, Liang, je sais pas comment faire ça…

— Embrasser ?

— Non ! Être en couple ! Parce que c’est ça que je veux ! Être avec toi ! Je tiens vraiment beaucoup beaucoup beaucoup à toi ! C’est pas juste une attirance sexuelle !

— Pas de sexe ?

— Si ! Enfin si tu veux…

Il se met à rire et je réalise qu’il est en train de me taquiner.

— Pardon… c’est le stress qui me fait dire des conneries, expliquè-je.

— Moi aussi j’ai envie d’être avec toi. Mon expérience des couples est proche du néant, mais on s’en fout ! On fera à notre manière, si ça te va.

— Oui, ça me va !

Sa canne tombe au sol, sa main droite caresse ma joue.

— J’ai tellement envie de toi, lâche-t-il.

Avant que mon corps ne disjoncte complètement, j’ai un sursaut de lucidité.

— Attends ! Liang, t’es bien sûr de toi ? C’est pas l’autre naze qui t’a retourné le cerveau ?

— Absolument sûr.

— Parce qu’après, on pourra plus revenir en arrière…

— Axel… Ferme ta bouche !

— T’es encore plus sexy quand t’es autoritaire, dis-je dans un éclat de rire.

Il me pousse contre le tronc du cerisier, puis colle son corps contre le mien.

— Tu me trouves vraiment sexy ?

Je pointe ma bouche scellée.

— Tss idiot ! Parle à présent ! Je te l’ordonne !

— Oui, terriblement sexy ! dis-je, hilare.

Je ris toujours lorsqu’il m’embrasse. Sa langue effleure mes lèvres avant de s’introduire. Nos langues se mêlent. Il me dévore littéralement la bouche et mon cerveau vrille. Je ne suis plus qu’une explosion de plaisirs. J’attrape son visage à deux mains pour prolonger ce délicieux échange. Ses mains parcourent mon corps, ma peau vibre sous ses doigts.

— Putain ! dis-je, tout chamboulé. Pourquoi on n’a pas fait ça avant !

Il rit joyeusement.

— J’en avais envie depuis très longtemps, avoue-t-il.

— Pourquoi tu n’as rien dit ?

— Je ne pensais pas te plaire…

Mon pouce passe sur ses lèvres entrouvertes. Il y dépose un baiser.

— Tu es beau, intelligent, gentil, et tu ris à mes blagues ! Tu es parfait. On est vraiment deux couillons !

— Ça me plait qu’on prenne notre temps.

— Dixit le mec qui a déjà une main sur mes fesses !

Il retire aussitôt sa main.

— Pardon !

— Mais non, protestè-je. J’ai pas dit que j’aimais pas ! Remets-la à sa place !

Il se mordilla la lèvre, puis revint me caresser de manière plus insistante.

— Merci, soupirè-je de plaisir.

Il approche sa bouche de mon oreille.

— J’ai terriblement envie de toi, murmure-t-il.

Je l’attire à moi, j’attrape ses lèvres avec les miennes, puis nos langues se rejoignent pour un nouveau baiser passionné.

— Moi aussi je rêve de te caresser, partout.

— Si tu en as envie ! Et à ton rythme !

Il me serre avec force et enfouit sa tête dans le creux de mon cou.

Est-ce que c’est trop tôt pour lui dire combien je l’aime ?

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