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Chapitre 10
Enfermée aux profondeurs d’un sommeil charmant, Fleurette se laissait bercer de rêves étranges et pénétrants qui donnaient à son onirique prison les allures exotiques d’un jardin luxuriant de verdures où la sauvagerie de bourgeons hirsutes de fraîcheurs s’étalait en de larges et suaves fleurs éclatées de couleurs délicieusement ravissantes et criantes et variées des millions de millions d’infinité de plaisirs possibles qui étendaient leurs virtualité à l’infini des horizons que ses regards éperdus ne pouvaient embrasser de leurs bras fébriles. Étourdie par ces folles amoureuses vagues d’ondoyants désirs, elle se laissait dériver en ces inconnus territoires qui défilaient à la lucarne de son âme ainsi transportées. En ce voyage elle ressentait, pénétrant comme les rayons d’un astre de virils ardeurs, les regards envieux des millions de millions de créatures connues ou inconnues qui, cupides de ces langueurs délicates, pleuvaient une pluie de larmes brûlantes qui venaient, tel des millions de millions d’aiguilles, raviver de leurs câlines piqûres ailées les élans de doux et douloureux transports qui tiraillaient affreux le petit corps flottant de Fleurette. Pénétrée de ces millions de millions de traits qu’aucun Cupidon généreux exalté de tant de beautés ne décocha jamais en nul corps alangui, elle sentait s’accélérer les effluves sanguines de fleuves et de rivières complexes, emmêlées en confluents et affluents bizarrement connectés dans un remarquable entrelacs de nerveuses et énervantes toiles, qui retenaient ça et là entre leurs filets délicats des battements de papillons énervés de caresses envoûtantes. Ce voyage accosta bientôt en la céleste architecture de ruines antiques qui de leur blancheur éblouissaient alentours les yeux même des dieux avides des spectacles copieusement enivrés de tendres ardeurs des suaves chairs de la naine ébahie et perdue de tant de mouvantes et changeantes beautés. C’est alors, venant des néants lointains, qu’un Apollon solidement membré vint perforer le sexe ouvert et offert aux délires des millions de millions de délices emmurés en les imaginations enfin libres de Fleurette. Toutes remplie de cette bite mythique et délicieusement inconnue, elle s’enflait de légende et se gonflait des histoires éternelles de l’univers fleurissant et éternellement changeant. Que nous sont, pensa-t-elle, utiles les ultimes certitudes et les vérités immuables dans ce monde de sublimes et infinis et inconnues contingences, où chaque lendemain se distingue si entièrement des précédents, que nos mains et nos âmes ne peuvent retenir de ce mouvant sable qui file, que les perle perpétuelles de souvenirs tout aussi changeants et variés que le sont ces graines de poussière indistincts qui retombent inéluctablement sur le sol que nos pieds s’épuisent, inlassables, à fouler d’impatiences ? Il n’y est nulle sagesses qui ne soit capable de ses arcanes immuables et savantes à gouverner nos corps ou nos esprits pourtant tous épris de sciences et de certitudes. Nul savoir au ciel de nos vie ne saurait obliger, ni même éclairer, nos désirs ou nos choix qui n’auront pour toujours de cesse de s’insatisfèrent de toutes les vérités, seraient-elles les plus sages. Cela doit en être ainsi : que les eaux des plaisirs intranquiles coulant en des fleuves perpétuellement mouvants se contentent de traverser nos corps et nos pensés pourtant si solidement arrimés en ces berges qui, pétries elles aussi d’érosions subtiles mais tout aussi inéluctables, se meuvent sous nos pas alertes et gourmands de l’infini variété des chemins des infinies longueurs et destins. Attentive aux pénétrants mouvements du dieu en son vagin planté, elle se senti tout d’un coup envahie par ces vas-et-vients violents qui la terrassaient et la maintenaient immobile en leurs divins pouvoirs. Et ces sensations d’impuissance que lui donnait cette impérieuse et pourtant délicieuse posture d’esclave abandonnée en la prison dorée de ses plaisirs généreux, la révoltèrent si soudainement qu’elle rassembla sur le champ l’entièreté de ses forces qui, subitement saisies de cet instinct de liberté qui les appelait, se débattirent déterminées à éjecter cet animal divinement grisant. La puissance de ces si plaisantes émotions la privait entièrement et irrémédiablement de ses ailes et la clouait littéralement au sol de cette croix de souffrance qu’est l’impossible satiété de nos désirs perpétuels balançant. À quoi bon ces enlacements continuels et subtils s’il doivent nous réduire aux servitudes de la satisfaction, à quoi bon ces plaisirs s’ils doivent nous en interdire de nouveaux qui, renouvelant sans cesse nos désirs, nous emmèneront éternels vers d’éternels ailleurs. Ni plus haut ni plus loin. Juste cet ailleurs persistant qui tint en ses bras inquiétants d’inconnus, palpitant de tous les possibles connus et inconnus,les immortels possibles qui appellent et qui lancent de leurs cris de pressantes détresses cet impérieux désirs de, le plus simplement du monde, exister. Éjectant l’hideux dieux de son sexe, elle s’ouvrit ainsi, immense comme une étoile brûlante et lourde de tant de promesses enfouies, aux exaltants appétits qui tiraillaient de toutes parts son petit corps meurtri d’impatiences impuissantes. Et c’est tout habitée de ces nouvelles puissances qu’elle s’éveilla au soleil de ce jour nouveau qui dispensait ses bienfaits sur les êtres connus ou inconnus de cette nature vierge et endormie dans la solidité des statues de ces étranges inflexions de permanence éternelle. Mais peut-être est-ce l’immobilité de nos regards face à elle qui la faisait paraître comme telle… ?
Et Gourdin l’Enchanteur de puissamment hurler tel le coq à l’aurore:
« Jour nouveau qui de tes mains d’airain
Nous éveil nos désirs ne restreint. »
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