XVI

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La nuit était totalement tombée et les deux infiltrés les informèrent que le camp était endormi. Pour plus de sécurité, toutes les sentinelles ennemies furent assommées, éliminées ou attachées un peu à l’écart. Tout cela se fit sans le moindre incident, au grand bonheur d’Élentir. Elle n’en avait pas espéré autant. Et elle voulait croire que tout cela continuerait. Elle demanda donc à Aramis de lancer la mission d’exfiltration et aux autres de se placer.

Dans le noir, cinq silhouettes s’approchèrent de la barricade par la plage. Une à une, elles passèrent la fosse avant d’escalader la palissade. Aucun garde ne les remarqua. Les cinq silhouettes se murent dans le camp comme si elles le connaissaient. Elles évitèrent tous les occupants du camp sans problème et arrivèrent à destination.

Les gardes devant la tente ne remarquèrent rien jusqu’à ce que Iago et Ode les assomment en un coup. Les deux déposèrent les corps inanimés dans la tente. Aucun son n’avait été émis. Ode s’approcha silencieusement de la cage. Le couple royal, bien que soulagé, ne fut pas surpris de l’arrivée du petit groupe. Le regard plein de reconnaissance, ils ne dirent rien. Rian avait pris soin de les prévenir dans la soirée. Sans aucun mot, Ode sortit les deux souverains de leur cage, puis leur défit les menottes. Par précaution, les gardes prirent leur place dans la cage, bien bâillonnés. Et quand tout le monde fut prêt, Aramis donna le signe du départ. Jusqu’à présent, tout se déroulait comme prévu et sans aucun accroc.

Alors, sept ombres se découpèrent dans la nuit, se dirigeant discrètement vers la palissade. Ils réussirent à ne se faire remarquer de personne. Et pourtant, alors qu’ils approchaient du but, un son de corne retentit à travers la nuit, si puissant qu’on l’entendit jusqu’à Kélinial. Et le couple royal s’effondra d’un bloc, comme assommé, le visage tordu de douleur.

Tous réagirent immédiatement, hormis Éloi qui se tenait les oreilles. Assourdi par le bruit, il en était presque assommé. Ode et Iago, se mirent en garde pour protéger les deux chevaliers qui se servirent de leur don pour ausculter leurs souverains. Tandis que les cris des pirates réveillés résonnaient dans la nuit, des feux s’allumèrent tout autour du camp, laissant refléter une centaine de silhouettes en mouvement.

— Les portes sont attaquées ! cria un pirate.

— Les prisonniers ont disparu ! cria un autre.

De leur côté Aramis et Calywen faisaient de leur mieux pour réanimer les deux corps. N’étant pas spécialisés en médecine, ils ne ressentirent que la grande souffrance qui immobilisait les souverains.

« Ils sont victimes d’un ensorcellement, informa alors Gwindor tristement dans leur esprit. Je ne peux vous aider. »

« Écoutez-moi, chuchota Ciryon, fatigué par l’effort qu’il venait de faire. Un sort de liaison a été jeté sur eux… S’ils s’éloignent de leur prison, une alarme est lancée et ils sont assommés… Ce n’est pas mortel, il faut que vous trouviez là où la marque a été apposée. Une fois le sort annulé, vous pourrez réveiller Leurs Majestés. »

Les deux chevaliers cherchèrent alors la marque, bien qu’il soit de plus en plus urgent de partir. Ils n’étaient pas encore repérés, mais le camp grouillait de pirates. Ce n’était qu’une question de temps, malgré la diversion des autres équipes. Éloi, remis du choc, avait étendu ses sens et transmettait en direct tous les mouvements autour d’eux.

Enfin, Calywen et Aramis trouvèrent les marques. Ils posèrent leurs mains dessus, répétant la formule que leur apprit Ciryon. La marque disparut et les souverains reprirent conscience, bien que toujours sonnés. Les chevaliers les aidèrent à se lever avec force malgré leur manque de réactivité.

« Bien, continuez votre route, je vais faire en sorte qu’on vous ouvre le chemin, ordonna Élentir »

Élentir, de son côté, avait gardé sa position. À l’aide de toutes les informations transmises par télépathie ainsi que celles qu’elle recevait de ses propres sens, elle jouait les chefs d’orchestre. Pour l’instant, elle misait sur la panique momentanée des pirates pour continuer à leur faire croire qu’ils étaient plus nombreux qu’en réalité. Ciryon avait vraiment fait du bon travail, activant en un instant tous les sortilèges qu’il avait préparés, allumant des feux tout autour du camp, donnant l’illusion d’une grande armée. Le chevalier était cependant vidé de toutes ses forces, ce qui le mettait hors-jeu momentanément. Elle demanda aux archers de chaque groupe de tirer un maximum de flèches pour maintenir les doutes. Avec seulement sept archers, les flèches pleuvaient comme s’ils étaient le double. Ciryandil, Moyra, Lidoire, Dael, Narmacile, Idril et Égilon vidèrent presque entièrement leur carquois. Même si le but était plus d’effrayer que de faire des victimes, cela n’empêcha pas Moyra de viser toute tête dépassant de la barricade. Il n’était cependant pas encore temps de passer à l’attaque.

Quand elle sentit que les pirates commençaient à s’organiser et que la panique laissait place à la rage de combattre, elle lança ses troupes à l’assaut tout en demandant à Auriane et Rian de continuer à lancer des fausses indications et en éliminant discrètement quelques pirates. Élentir fut rassurée de sentir que seulement une trentaine d’entre eux avaient réussi à sortir de la couche. Il faudrait remercier Niniel et Auriane pour le somnifère. Elle parvenait malgré tout à guider la troupe d’exfiltration à travers la bataille avec un minimum d’affrontements, n’hésitant pas à demander aux combattants de se déplacer à travers des groupes de pirates.

L’équipe de la porte principale avait réussi à forcer le passage, Ciryandil et Irwaen en tête, se servant de leur pouvoir pour enfoncer la porte. Hoel, toujours fidèle à lui-même, avançait sans mouvement inutile, laissant les pirates venir à lui. Les malheureux le prenaient pour une proie facile devant son manque d’investissement et malgré son physique. Pourtant, en quelques mouvements presque simples, le garde se débarrassa d’eux. Moyra était la seule qui restait, avec son arc, elle visait juste, ne laissant personne l’approcher. Voyant à quelle vitesse ils progressaient, Élentir les envoya rejoindre l’équipe d’exfiltration. Lidoire interceptait ceux qui échappaient aux flèches de Moyra, avec un style finalement très académique.

Du côté de la porte sud, ils avaient moins avancé. Les pirates avaient compris qu’il n’y avait que peu d’opposants et ils se concentraient à maintenir la porte fermée. Gleen prit alors les devants. Laissant ses deux camarades le protéger, il commença à frapper violemment la porte à l’aide de sa hache. En deux coups du titan, la porte du campement se fendit. Au troisième, elle éclata. Aussitôt, Égilon pénétra son épée, fauchant un premier pirate étonné de ne plus voir la porte. Idril continua à tirer quelques carreaux avant de partir à l’assaut avec sa masse. Une dizaine de pirates leur faisaient encore face, tous bien décidés à leur faire la peau.

Au nord, la porte restait close. Narmacile avait, comme Gleen, essayé d’attaquer la porte à la hache. Malheureusement, un sorcier la protégeait de l’intérieur. Lôrindel avait envoyé Valia en reconnaissance pour le trouver, tandis que Dael tirait des flèches dès qu’il apercevait le bout d’une tête dépassant de la barricade. Ce statu quo dura un long moment, les uns et les autres réussissant à éviter les faibles tentatives. L’agacement des pirates montait et la chevalière, le sentant, espérait qu’ils commettent une erreur. Les autres équipes avaient déjà forcé leur porte, mais la plus proche de l’équipe d’exfiltration était la leur. Lôrindel poussa un cri. Les traits tirés par la douleur, il fit signe d’enfoncer la porte. La chevalière fracassa sa hache contre la porte en prononçant quelques mots draconiques. Elle explosa dans un fracas, laissant passer Dael et Narmacile. Lôrindel, lui, se concentra sur le faible lien qu’il lui restait avec Valia. Il la retrouva dans le chaos, l’aile tordue. Il courut vers elle, se retrouvant tout d’un coup figé. En face de lui, le visage ensanglanté, se trouvait un pirate muni d’un bâton. Il maintenait le jeune noble sous l’emprise d’un sortilège d’entrave et, d’un sourire vengeur, il leva son bâton prêt à l’abattre sur le volatile blessé. Une hache vola, brisant le bâton et revenant dans les mains de sa propriétaire. Narmacile, alertée par le cri mental de Lôrindel, était intervenue en un instant. Le noble libéré attaqua le sorcier de toute sa rage, lui plantant son épée dans l’abdomen. Il prit dans ses bras Valia.

« Lôrindel, retire-toi, ordonna Élentir. »

Le jeune homme, sonné de voir sa plus fidèle amie ainsi blessée, ne protesta pas. Dael l’accompagna un instant, voyant que son compagnon n’était plus attentif.

L’attention d’Élentir fut attirée par le groupe d’exfiltration. Avant qu’une autre équipe ne puisse les rejoindre, une petite troupe de pirates menée par un mage vint à la rencontre du groupe d’Aramis, ce dernier arrivant de justesse à stopper le sort d’emprisonnement lancé par le mage. En cercle autour du roi et de la reine, les cinq compagnons engagèrent le combat. Élentir leur envoya aussitôt Auriane. Elle pressa aussi Ciryon de rejoindre le combat malgré la fatigue. La différence de force ne fut pas aussi élevée qu’elle l’avait imaginé, pourtant l’équipe d’Aramis, proche de la sortie, était en grand danger. Elle observa, impuissante, Éloi, peu habitué à de tels affrontements, plier petit à petit sous les coups de son assaillant, finissant par rompre la formation. Il fut blessé aux bras avant qu’Auriane vienne à la rescousse. Cependant, le couple royal était maintenant totalement exposé. La reine Daïna, paniquée, ne remarqua pas le pirate arrivant par-derrière. Élentir fut le seul témoin, tous les autres, essayant tant bien que mal de résister. Élentir avertit de toutes ses forces ses compagnons, mais elle comprit que personne ne pouvait réagir. Personne ne put s’interposer entre la reine et le pirate. Ce dernier abattit sa lame.

Je ne saurais pas dire qui fut le plus surpris : le pirate dont la lame trouva une résistance inattendue, la reine qui fut envoyée à terre sans ménagement, ou alors Élentir qui se retrouvait soudainement là où elle souhaitait être, sous la lame d’un pirate stupéfait, devant une reine toujours plus désorientée. Elle profita de la tétanie momentanée de son nouvel adversaire pour le mettre hors combat. Elle attrapa son arme et la mit dans la main de son roi. Elle regarda ce dernier dans les yeux et déclara :

— On dit que vous êtes un bon bretteur, il est temps pour vous de le prouver.

Elle se tourna sans plus de ménagement vers la reine, qu’elle releva d’un coup sec de la hanche. Cette dernière, surprise, se retrouva à plonger dans le regard gris profond d’Élentir :

— Vous avez beaucoup de magie et quelques connaissances, il est grand temps de faire autre chose que commérer.

Elle balança au couple une bouffée d’énergie qui devait leur apporter du courage. Elle ne prêta plus attention à eux, se lançant à l’assaut d’un autre adversaire. Elle se permit de lancer un message télépathique : « On est presque à la porte principale, que tout le monde se dirige vers nous, une fois sortis, tout le monde se replie, la sécurité de Leurs Majestés passe avant tout, mais ne prenez pas de risque inutile. »

Comme elle l’avait prévu, ils atteignirent rapidement la porte principale, rejoints par l’équipe de Ciryandil leur venant en aide. Quand le couple royal fut sorti du camp, Élentir donna le signal du repli, ne gardant avec elle qu’Égilon, Narmacile, Gleen et Hoel. Ils entreprirent à eux quatre de bloquer la porte principale quelques instants. Ils avaient en face d’eux une quinzaine de pirates survoltés et en colère. Les quatre maintenaient difficilement leur formation. Gleen s’effondra soudainement, le titan avait rencontré plus grand que lui. Le crâne en sang, il se releva, à peine sonné. Heureusement, ils furent informés que tout le monde était monté en selle et avait pris un peu d’avance. Élentir et ses compagnons libérèrent la porte et se replièrent à leur tour, Égilon aidant Gleen comme il pouvait. S’assurant que tout le monde était monté à cheval avant de s’approcher du sien, Élentir fut arrêtée violemment par une jeune pirate qui lui barra la route.

À la première attaque, Élentir comprit qu’en face d’elle se trouvait une véritable bretteuse malgré son jeune âge. Elle fut aussi surprise par la vague de haine qu’elle reçut de sa part. Élentir para les coups avec agilité. Trouvant une faille, elle asséna un violent coup de pied, projetant son ennemie plus loin. La jeune pirate, gardant tant bien que mal son équilibre, s’exclama en rattaquant de plus belle :

— Barbare !

Élentir recula de deux pas en évitant les coups de son adversaire :

— Pourquoi je suis un barbare ? demanda-t-elle, essoufflée. C’est vous qui nous attaquez ! Qui tuez !

— Vous attaquez notre camp alors que nous sommes en pleine négociation, répliqua son adversaire en continuant à faire pleuvoir les coups. Seuls les barbares dans votre genre le feraient.

Reculant sous les coups de son adversaire, Élentir ressentait tellement la haine de son adversaire qu’elle eut du mal à ne pas se l’approprier.

— Parce que vous croyez réellement qu’on pourrait accepter de telles conditions ? Laisser notre pays à des pirates qui massacrent notre peuple ? Je veux bien qu’on n’ait pas les meilleurs souverains, mais je préfère être libre sous leur règne que mis en esclavage sous le vôtre.

La colère de la pirate augmenta encore. Ses attaques, comme boostées par cette haine, devinrent plus puissantes.

— Vous n’êtes que des traîtres, des salauds qui par leur faute ont fait fuir les dragons de notre ciel ! Sans vous, ils veilleraient sur nous ! Vous êtes des chevaucheurs, quel mépris, vous appelez vos protecteurs comme de simples montures. Nous, nous sommes leurs véritables amis.

La pirate dit sa tirade comme on récite un psaume. Élentir profita de sa haine aveugle pour l’immobiliser par magie. Elle monta en selle, l’esprit occupé par les propos violents de la jeune fille. Elle fut néanmoins rappelée à l’ordre par Ciryon. Elle finit par rattraper le reste de ses compagnons. Ils chevauchèrent en formation jusqu’au lever du jour, faisant de nombreux détours, Iago et Ciryon restant en arrière pour couvrir leurs traces. Ils ne pouvaient avancer rapidement, à cause des blessés, pourtant ils finirent par ne plus sentir de poursuivants. Précisons que durant la bataille, une partie des montures pirates avaient retrouvé leur liberté grâce à l’habileté de Rian, faisant quelques détours encore par sécurité avant de prendre la route du campement.

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