Départ vers l'inconnu

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Ils traversèrent des quartiers embrumés grouillant de présences inquiétantes. Yin marchait en silence, la main posée sur son arme. Alors qu’ils traversaient un secteur criblé de trous d’obus, un homme les croisa sans leur accorder un regard, portant un cadavre sur son épaule.

— Il y a eu une terrible bataille ici et cet endroit est voué à la mort. On y règle ses comptes mais on n’abandonne jamais un cadavre. C’est la règle.

— Qui l’a écrite ?

— Personne !

Huit hommes attendaient près des chevaux scellés. Ils se tournèrent vers eux, le regard méfiant. Deux étaient chinois.

— Ils partent avec nous pour s’engager chez le Diable Blanc. Il paie mieux.

Un allemand renfrogné claqua des talons et un petit italien noir comme un corbeau s’inclina galamment devant la jeune femme.

— Mes hommages, signorina. Je m’appelle Guiseppe.

Le guide se mit en selle et tout le monde l’imita.

Baptiste se retourna une dernière fois. Derrière eux, les faubourgs misérables de Tianjin s’effaçaient dans une brume grisâtre. La petite troupe longeait le fleuve en suivant des sentiers boueux bordés de ruines et de troncs d’arbres noircis. Une patrouille de cavaliers les croisa à distance, l’arme à la bretelle. Les plumes de leurs chapeaux frémissaient dans le vent léger. Pas un ne tourna la tête. Le petit italien ricana.

— Ce sont des compatriotes. Ils sont comme moi, Ils aiment les petits cadeaux et détestent les problèmes inutiles.

Ils traversaient en silence des paysages mornes. Giuseppe assurait presque seul la conversation. Les deux chinois discutaient à voix basse avec le guide. Tout au long de la matinée, les zones marécageuses infestées de moustiques succédèrent aux rizières où s’affairaient des silhouettes maigres. Quelques villages se confondaient avec le paysage brunâtre. Au fil des heures, la poussière remplaçait la boue. La troupe fit halte dans un bosquet pour prendre un repas frugal. On fit bouillir l’eau dans une petite marmite de cuivre. Un américain au crâne rasé desserra les dents pour la première fois depuis le début du voyage.

— On a de la chance, il n’y a pas de cadavre en train de pourrir dans le puits.

Au moment où ils repartaient, un nuage de poussière attira leur attention. Tous sortirent leurs armes et Yukiko fit jaillir son sabre d’un geste fluide. Les mystérieux cavaliers disparurent à l’horizon, emportant leur secret. Tous remontèrent en selle.

Le paysage changeait, des champs de millet couronnaient les collines molles, quelques lambeaux de forêt offraient leur pénombre rafraichissante. Alors que le soleil rouge baissait sur l’horizon, ils s’arrêtèrent près d’un vieux tombeau surmonté d’un globe de faïence ébréché. Giuseppe, revissa sa gourde et s’essuya la bouche.

— Je crois que notre voyage touche à sa fin.

Sur le bord de la route, cinq cadavres décapités étaient alignés. L’allemand grommela pour la seconde fois.

— C‘est un avertissement. Nous sommes sur le territoire du Diable Blanc.

Le petit italien approuva.

— Il y en a toujours qui se croient plus malins.

Deux cavaliers lourdement armés portant des casques et des uniformes gris, approchèrent au galop. Yin partit à leur rencontre et revint après une courte discussion. Il désigna un arbre isolé dont l’ombre s’allongeait sur une prairie parsemée de buissons maigres.

— Allez attendre là-bas. On vient vous chercher.

Sans ajouter un mot, il fit demi-tour et s’en alla.

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