Frère et sœur
Valentine poussa la chaise de Grégory jusqu’à l’entrée de l’hôpital et s’assit sur un rebord, à côté de lui. Ils se laissèrent aller et discutèrent un moment de ce qu’ils venaient de vivre.
— Purée, Greg, on a vraiment une famille de tordus, tu ne trouves pas ?
— Ça, il n’y a pas à dire… Tordu de chez tordu !
— Je crois que c’est ça mes cauchemars, je dois revivre les tentatives de noyade… C’est ça que tout est brouillé dans mes rêves.
— Eh, Val ! Viens.
Il l’a pris dans ses bras, l’asseyant sur ses genoux, en la serrant très fort. Valentine continua à réfléchir tout haut.
— Donc, elle a bien essayé de me supprimer, et plusieurs fois…
— Mais toi, tu étais « super bébé », tu as survécu à ça, ma frangine, et j’en suis plus qu’heureux.
Sa voix se cassa, il pleura en serrant sa sœur dans ses bras, Valentine se laissa aller elle aussi.
Après avoir pleuré tous les deux, ils se bercèrent mutuellement, Grégory finit par dire,
— J’ai envie d’être dans la vie Val, j’espère que Fran et moi, nous réussirons à avoir un bébé. Je veux aimer un petit être et l’aider à grandir et s’épanouir.
Valentine soupira puis avoua,
— Moi aussi, ça me tente, mais j’ai affreusement peur d’être comme maman.
— Mais pourquoi tu serais comme elle, Val ?
— Parce que je ne saurais pas quoi faire Greg, oui, on a été aimés par papa, mais c’est elle qui a été mon exemple. Et puis, quand tu vois que mes cauchemars font remonter des trucs vécus quand j’avais trois semaines… J’ai peur ; tu sais, là, c’est remonté, mais il y a peut-être d’autres choses qui vont remonter, j’en sais rien !
Valentine était désemparée, des larmes coulèrent à nouveau sur ses joues. Grégory tenta de la rassurer et lui proposa,
— Je crois qu’on va inviter cette tante Annie à venir prendre un verre un de ces quatre, tu ne penses pas ?
Valentine s’essuya les yeux et confirma,
— Oui, je suis d’accord, il va falloir qu’on s’organise, avec tes cours et mon travail.
— Ok, je m’en occupe. Regarde, nos moitiés respectives se rappliquent !
De loin, « les deux moitiés » les observaient, quelque peu interdits. Sébastien glissa à Françoise,
— Houlà, je ne sais pas ce qu’il s’est dit durant la réunion, mais cela n’a pas dû être joyeux, ils pleurent tous les deux.
— Oh, oui, je vois… Mince ! Dis, ta mère compte toujours faire une petite fête pour son anniversaire demain ? Je crois qu’il faudra d’abord voir ce qu’il en est pour eux deux, non ?
— Nous verrons, j’évaluerai ça ce soir avec elle, mais allons-y, Greg nous a repérés.
Ils rejoignirent Valentine et Grégory qui avaient entre-temps séché leurs larmes.
Sébastien aida Valentine à se relever des genoux de son frère puis lui demanda,
— Alors, ça a donné quoi ?
Valentine ne sut quoi répondre, Grégory le fit à sa place,
— Eh bien, nous avons eu la confirmation du fait que notre mère a bien tenté de tuer ma sœur peu après la naissance… À plusieurs reprises.
Il soupira et écrasa une larme, il garda le regard baissé. Valentine aussi regarda le sol.
Sébastien posa la tête de Valentine contre son torse et tendit la main vers celle de Grégory et la lui serra. Il passa ensuite ses doigts dans les cheveux de Valentine en lui massant doucement le dos avec son autre main.
Sur un ton doux, il tenta,
— C’est ce que vous aviez toujours craint, non ?
Valentine inspira profondément lorsque Françoise lui passa une main sur l’épaule, comme pour la rassurer, avant de rejoindre Grégory et de l’enlacer en passant ses bras autour de ses épaules.
— Je crois que mes cauchemars viennent de là… Que l’attaque de la crémaillère a réveillé ça…
Sébastien demanda spontanément,
— De ne plus savoir respirer… Elle a tenté de t’étouffer ?
Il retint sa respiration, se disant qu’il avait peut-être été trop direct dans sa question. Il se mordit la lèvre. Cependant, Valentine lui expliqua,
— Oui, elle a tenté de m’étouffer avec un coussin sur la tête et en me maintenant sous l’eau dans le bain.
Grégory ajouta, tout en caressant les mains de Françoise qui, elle, resta muette, mais présente.
— Et elle ne te donnait pas à manger.
Valentine sourit en répondant à son frère,
— Mais tu m’as sauvée de l’une de ses tentatives frérot, heureusement que tu as réagi et que tu as prévenu notre tante…
Vivement, Grégory expliqua,
— Oui, parce que nous avons aussi appris que nous avons une tante maternelle. C’est une fin d’après-midi bien mouvementée que nous avons vécu ce jour.
Valentine soupira,
— Je suis lessivée… Et en même temps, je me sens légère… C’est difficile à expliquer.
— Moi aussi, je suis lessivé Val, toi, je crois que tu as enfin quelques réponses, et l’explication de tes cauchemars, moi, je me dis que je dois avoir des souvenirs quelque part, mais comme le dit tante Annie, j’ai dû les refouler.
Valentine lui lança avec un timide sourire,
— J’espère que tu ne vas pas commencer à faire des cauchemars comme moi, Greg !
— Je l’espère aussi sœurette, je l’espère. Bon, on ne bougerait pas là ? J’ai envie de changer d’air, pas vous ?
Sa sœur renchérit,
— Oui, bougeons !
Les quatre s’en allèrent prendre un verre dans un bar du coin, puis chaque couple rentra de son côté.
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