Chapitre 1
Il doit être seize heure.
Le soleil a déjà commencé sa lente descente. Il semble plonger dans une mer orange et jaune. Moi je le regarde depuis la fenêtre de la cuisine. Assis à même le sol. Dans un coin. La lame d'un couteau de cuisine sur le poignet.
Et plus je la rapproche de ma peau, et plus mes souvenirs douloureux s'effacent. Mon esprit se concentre sur ma peau qui pour l'instant ne fait que plier sous la pression du métal.
C'est moins froid que toute à l'heure. C'est que je dois être là depuis un bon moment déjà.
Mais une question toute bête me traverse l'esprit : est ce que je le fais glisser pour ouvrir la peau ou je le plante directement dans mon bras ?
Mes sourcils se froncent et sans vraiment les contrôler, mes yeux tombent sur mon téléphone portable. Je l'avais laissé par terre un peu plus loin. C'est bizarre mais j'ai envie de demander son avis à quelqu'un. Vous, vous feriez quoi à ma place ? Et lui ?
Lui... ? Comment ça « lui » ?
Lianh...
Lianh ! C'est vrai que je devais le voir aujourd'hui... Ce matin je crois.
Le visage de mon ami envahit lentement mon esprit. Le vide a laissé place à son sourire chaleureux. Ses yeux rieurs. Son unique fossette. Oh ! Et ses beaux cheveux châtains. Ils ont toujours été doux.
Je me souviens des soirs où on dormait dehors. Dans le champs à quelques mètres de chez lui. On collait nos têtes et on regardaient le ciel en discutant jusqu'à l'épuisement.
Et tous les soirs j'avais une nouvelle histoire à te raconter sur les étoiles. Je t’étalai ma science et toi tu riais ! Tu te moquais en me disant qu'à mon âge c'était bizarre de savoir tant de chose. Puis je me vexai. Alors tu te collais un peu plus à moi en souriant tendrement. En un regard j'oubliais tes blagues et toi tu continuais à me questionner sur le ciel qui s'offrait à nous.
Une larme m'échappe et je chuchote ton prénom Liahn... Est ce que pour toi je pourrais renoncer à ce geste fatal ?
Le cœur serré je sanglote plus fort en appuyant mon front contre le mur à ma gauche.
Liahn ! Je t'aime tellement ! Je ne pourrais jamais oser te dire combien je souffre. Je ne veux surtout pas que cette merde t’atteigne ! Je...je préfère mourir.
C'est ça ! Mon bras se soulève légèrement pour prendre un peu d'élan. Je soupire à travers mes pleurs et tente de me calmer.
Ça y est Liahn. Je me souviens pourquoi j'en suis arrivé là : je n'ai ni famille, ni ami, ni aucun ancrage. Je suis l'oublié. L'anomalie qui n'a pas de racine. Toi tu es le seul que j'aimais plus que tout. Et pour toi mon ami, mon unique amour, je vais te libérer d'un poids. Tu n'auras plus besoin de me maintenir en vie. Tu n'auras plus besoin de te retourner pour vérifier que je ne suis pas tomber. Je te libère...
Allez !
Je serre ma mâchoire. Tous mes muscles se contractent et la lame perce ma peau quand un cri de déchirement se fait entendre dans la pièce maintenant ouverte :
« ELIO ! »
Je me stop net quand je reconnais mon ami dans l'encadrement de la porte.
Liahn...
Je suis désolé. J'aurais dû réfléchir moins et enfoncer plus vite cette lame à travers mes veines. Apparaître ainsi à tes yeux : par terre comme un chien avec cette lame prête à m’ôter la vie...j'ai honte maintenant.
Mon ami se jette sur moi et regarde mon poignet. Il n'y a qu'un perle de sang. Alors il prend et jette le couteau que j'avais lâché, surpris par son cri. Son visage rougis par la peur et les pleurs me dévisage. Je n'ose rien dire. Il vaut mieux pas je pense. Alors c'est lui qui brise le silence de sa voix pleine de reproches :
« Tu avais promis. »
Honteux, je baisse la tête et renifle.
« Elio regarde moi ! Tu m'avais promis, non? »
Je lève alors les yeux vers les siens. Je me mord le lèvre inférieur en laissant couler un flot de larmes. Puis je hoche lentement la tête et détourne de nouveau mon regard. Mais sa main prend la mienne et il me tire. En une seconde je me retrouve debout face à lui. Il me dit en allant vers la sortie :
« Viens. »
Je n'ai pas la force de lutter, alors je le laisse m'emporter.
Il m'installe dans sa voiture et nous partons. Où ? Je ne sais pas trop.
Il n'a toujours pas décroché un mot depuis une demi-heure.
Moi je reste sagement assis. Les mains sur les cuisses. Les joues un peu rouge. Mais ce n'est pas de la gène. Je crois que mon corps se réchauffe juste lentement.
Comme si mon après-midi seul dans ma cuisine, à ne penser qu'à la mort, m'y avait préparé.
Oui, mon corps avait compris mon désir d'en finir. Alors il a tout fait pour que tout mon être soit parfaitement près à accueillir le froid glacial qui m'attendais plus bas.
Mais...l'arrivée de Liahn à tout changé. Mon cœur s'est remis à battre et ses yeux noisettes m'ont enveloppés de douceur. Malgré sa voix colérique, il a gardé ce regard qu'il a toujours sur moi. Pas de la pitié ou de la tristesse comme tous les autres, mais une source infinie d'amour.
Je pense que nous nous aimons depuis toujours. Mais moi je ne l'aime plus comme un frère ou un ami... C'est peut être aussi pour ça que j'ai préféré fuir.
« On y est. »
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