Prologue
Musique accompagnante : The Night We Met (Piano Version) - Lord Huron - 13 Reasons Why - by Sam Yung (début à 0.30 secondes)
***
Comme le ferait une danseuse au cœur d'une boite à musique, une jeune femme tourne sur elle-même. Le parfum âcre de la terre humide emplit ses narines, tandis que la forêt, baignée d'une lueur bleutée l'enveloppe d'un épais brouillard.
Le temps paraît suspendu. Pas un chant d'oiseau ni la moindre brise capable d'agiter les feuilles dans les arbres.
Pieds nus, les orteils de la jeune femme s'enfoncent dans l'humus et suivent le chemin tracé qu'ils semblent déjà connaître.
Et pour cause, chaque nuit, c'est le même processus.
Sur sa route, la brume se dissipe, dévoilant progressivement une silhouette féminine et familière.
— Maman ?
La voix tremblante de Laurena brise le silence olympien du lieu.
Amusée, la mère se retourne sur sa fille. Elle se met à rire puis prend la fuite dans sa longue robe souillée par la terre.
Des larmes coulent le long de ses pommettes.
Elle lui manque.
Des bruissements de feuilles attirent l'attention de Laurena. Un loup au pelage d'un gris clair parsemé de blanc apparaît puis se fige à sa vue. Par réflexe, la jeune femme fait quelques pas en arrière et s'empresse de serrer l'amulette autour de son cou en guise de protection. Elle n'oublie pas qu'ils ne sont rien d'autre que des tueurs sanguinaires dissimulés parmi les humains. Sa famille en a fait les frais. Chaque jour, elle prie que justice leur soit rendue.
Les oreilles du canidé passent d'avant en arrière dans un rythme décalé. Ses yeux dorés, semblables à deux pierres précieuses, pénètre son âme. Son regard la paralyse, provoque en elle quelque chose d'étrange et à la fois de paisible.
Le rire lointain de sa mère résonne. Avant qu'elle n'ait le temps de réagir, le loup s'élance dans cette direction. Prise de panique, Laurena hurle jusqu'à vider l'air contenu dans ses poumons. Elle ne perd pas une seconde même si elle sait d'avance qu'il lui sera impossible de le rattraper. Comparé à la jeune femme, il avance avec une aisance déconcertante.
Sous ses pieds, le sol s'incline et ralentit sa progression. La terre n'est plus que boue sur laquelle elle ne cesse de glisser.
Au sommet du tertre, le loup bascule son regard ambré sur la sorcière avant de retourner à sa contemplation. Sur une branche à quelques mètres, un faucon imposant n'est pas en reste. Lui aussi observe la même scène avec un grand intérêt.
En déglutissant, Laurena avance pas à pas pour s'arrêter à une cinquantaine de centimètres du canidé. Elle ne le quitte pas des yeux comme si elle cherchait à anticiper la moindre réaction qui pourrait trahir une agressivité soudaine.
Lorsque son regard rejoint ceux des deux animaux, ses lèvres s'entrouvrent de stupeur. Elle en oublie la présence de l'ennemi à ses côtés. Il peut lui sauter à la gorge, mutiler sa chair de ses crocs acérés, elle ne s'en rendrait pas compte. Tout ce qui a de l'importance à ses yeux, c'est la vision de sa mère en contrebas qui n'a pas conscience d'être observée. Dans les bras d'un homme inconnu, elle semble plus heureuse qu'elle ne l'était dans ses souvenirs.
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