Chapitre 10- La capture
Musique accompagnatrice David guetta - she wolf
HAYDEN
Grey Woods
Devant cette scène, on pourrait facilement me prendre pour le méchant de l'histoire.
En vérité, ce n'est qu'une simple question de point de vue.
Bien que la chasse fasse partie intégrante de notre ADN, je n'ai jamais été de ceux qui excelle. Je suis trop lourd, pas assez rapide mais je n'ai pas d'autres choix que de m'exécuter à la tâche. Nokomis, notre meilleure traqueuse est alitée. Quant aux autres kappa, nos loups chasseurs, ils sont bien trop affaiblie par le manque de nourriture.
L'épaisse couche de neige n'est pas à mon avantage. Elle ralentit ma course, m'oblige à redoubler d'efforts pour m'en extraire. Devant moi, la petite queue de ma proie me nargue comme si elle me mettait au défi de la rattraper. Excité, mon loup gronde dans ma gorge et émet un léger jappement. Tous mes sens sont décuplés. Malgré la fatigue et mon rythme cardiaque malmené, je ne peux me permettre d'abandonner. A cause du manque de nourriture, les miens se meurent. Cela doit cesser !
Les mètres défilent sous mes coussinets endoloris par le froid. Chasser seul n'est pas dans notre domaine de prédilection, mais aujourd'hui, je me dois d'imiter la technique des grands prédateurs solitaires.
Porté par l'adrénaline, je continue ma course. Mes muscles se détendent en parfaite harmonie, obéissant au rythme que je leur impose. Le cerf s'épuise d'une façon considérable. Je gagne du terrain. Il est temps, les limites du territoire se dessinent à l'horizon. Plus que quelques mètres. Je pousse mes forces à l'extrême. Hors de question de revenir bredouille. Pas après ces efforts et toute cette distance parcourue.
Bondissant, je plante mes canines dans son encolure. L'animal effrayé se débat, me traînant sur de nombreux mètres. Je suis conscient d'avoir quitté les frontières de Grey Woods, mais j'ose espérer qu'il va succomber rapidement. En cherchant à me déloger, le cervidé agite la tête, l'un de ses bois vient me perforer la cuisse. Malgré la douleur, je ne desserre pas la mâchoire.
— Lucas !
Un homme hurle ce prénom à pleins poumons.
Des effluves d'eau de Cologne deviennent insupportables pour mon odorat surdéveloppé. Chacun de nous sait à qui elles appartiennent. Mon instinct me dicte de fuir. Loin de la sécurité de la meute, je suis désavantagé.
Abandonnant ce qui aurait pu être un bon festin, je tente désespérément de regagner la forêt.
Ma blessure est sérieuse. Je boite plus que je cours. Du sang s'écoule de la plaie et souille mon pelage argenté. Peu importe mon épuisement et la souffrance éprouvée, je sais que si je n'atteins pas le territoire des miens à temps, il me tuera.
— Lâchez les chiens ! hurle l'homme derrière moi.
Leurs aboiements surexcités se font immédiatement entendre.
En me retournant, je vois le Husky blanc détalé telle une fusée. Contrairement à moi, lui est élancé et des plus performant.
J'ai beau essayer d'oublier ma blessure pour espérer regagner les frontières avant qu'il me rattrape, c'est une cause perdue. Il est bien trop rapide et me talonne déjà. Je n'ai plus d'autre choix que tenter l'intimidation. Il ne sera pas celui qui cherchera la confrontation. Les malamutes, loin derrière, le seront. De nature plus bagarreurs, ils ne me lâcheront pas et me feront perdre un temps considérable.
Alors une fois à ma hauteur, je me jette au cou du Husky blanc, le pinçant suffisamment fort pour qu'il comprenne à qui il a faire. Loin de moi l'idée de jouer au mâle dominant. Il n'aurait aucune chance.
Comme je m'y attendais, il jappe et abandonne l'idée de me poursuivre me permettant de regagner le rythme de ma course.
Poussé par sa folie et ayant perdu toute lucidité, Ned, le chef de la communauté des hommes et ennemi de notre meute, m'empoigne par la peau du dos.
— Où crois-tu aller comme ça ? peste-t-il en me glissant un cerclage d'acier autour du cou.
Je laisse échapper un grognement en guise d'avertissement. Je suis déjà bien gentil, il ne le mérite pas. Ma patience à ses limites. Je ne suis pas un vulgaire clébard qu'il peut contrôler à sa guise. Retroussant les babines, je dévoile mes crocs.
N'importe quelle personne saine d'esprit aurait un moment de recul. Pas lui. En même temps, est-il seulement possible d'impressionner une enveloppe charnelle lorsqu'elle est dépouillée d'âme ?
Mes grognements se font de plus en plus menaçants. Ce petit jeu a assez duré. Puisant dans mes forces restantes, je me jette sur lui. Le manche de sa perche s'est brisé sous mon assaut.
À le voir étalé au sol, dans cette position de soumission, le prédateur en moi ne peut résister à la tentation. L'effervescence de la chasse, de la mise à mort palpite sous ma peau. Mon instinct me pousse à lui porter le coup de grâce. Ses haillons se déchirent sous mes canines. L'odeur de sa peur m'enivre, excitant mon côté bestial. Il me frappe à de nombreuses reprises. Je m'acharne. Les aboiements des chiens couvrent ses cris mais aucun d'entre eux ne bouge, bien conscient du danger que je représente.
Une explosion résonne.
L'arrière-train touché, mon loup émet un son plaintif. Mes gestes sont de moins en moins précis. La douleur de ma blessure s'atténue jusqu'à disparaître. Une profonde quiétude me gagne.
Seconde détonation. Deuxième jappement.
Groggy, je me détourne de Ned pour observer mon nouvel assaillant. Pourquoi est-il complètement nu au beau milieu de ce paysage hivernal ?
Une mauvaise plaie s'étend à son cou. Réfléchir devient difficile, mes pensées ont du mal à s'emboîter les unes aux autres.
Où est passé le cerf ? Je n'ai pas senti le martèlement de ses sabots.
Le jeune homme pointe son arme une troisième fois sur moi avant de tirer. Je succombe et m'écrase dans la neige.
— Est-ce que ça va ? lui demande Ned
— Pendant un instant, j'ai bien cru que j'allais lui servir de déjeuner.
Cette fois, j'ai compris. Je me suis fait berner par une saloperie de métamorphe. Un homme qui a la capacité spéciale de se transformer en n'importe quel animal qui croise sa route.
— Je suis fier de toi, fiston, c'est du bon boulot. Dans la voiture, il y'a de quoi t'habiller ainsi qu'une trousse de premiers soins.
Père et fils me jettent sans délicatesse à l'arrière du pick-up.
Est-il possible d'omettre une objection ? Une promenade ne me dit rien.
Tout au long du chemin, j'essaye de reprendre le contrôle sur mon corps raide. Je n'abandonnerai pas la lutte aussi facilement. Ce n'est pas dans ma nature. J'ignore où il m'emmène, mais je sais que si je ne m'échappe pas maintenant, je ne m'en sortirais pas vivant.
***
J'espère que vous avez apprécié la lecture de ce nouveau chapitre ainsi que la tournure que l'histoire est en train de prendre.
D'après vous, que va t-il arriver à Hayden ? N'hésitez pas à laisser un commentaire, cela fait toujours plaisir. Bisous à tous.
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