Airlie Beach - Queensland - Février 2008
Cette journée sera nuageuse, tout comme la veille et le jour d’avant. Résignés, nous reportons notre séance de snorkelling sur la Grande Barrière de Corail aux calendes grecques. En ce début de mousson, le thermomètre stagne à trente degrés nuit et jour depuis une bonne semaine et les averses quotidiennes, entrecoupées de timides percées du soleil, rendent l'atmosphère étouffante.
Assis sur la plage, je rêvasse et prends des notes. Pas une vague, pas un brin de vent ne trouble la surface de l'eau. Tel un lac glaciaire, la baie reflète au détail près l'image de cette côte aseptisée. Au loin, l'archipel des Whitsundays et ses soixante-quatorze îles "pas radisiaques du tout" se découpent en une masse sombre sur une mer d'huile. D'ici, je peine à imaginer les forêts tropicales bordées de plages de sable blanc et baignées d'eaux turquoise que promettent les brochures mensongères. Un juste retour des choses : un pied de nez de Dame Nature à tous ces vendeurs de rêve !
Malgré la grisaille, un couple de touristes sexagénaires s'obstine à prendre des photos "carte postale" du littoral. La femme porte une ample robe à fleurs aux couleurs criardes. L'absence d'émotion dans son regard a quelque chose de troublant. Je l'épie de derrière mes lunettes de soleil. Elle ne paraît pas triste mais dégage une sorte de lassitude, de résignation. La fadeur de cette existence soumise et sans surprise semble pour elle quelque chose d'acquis. Elle prend des clichés à la volée et les soumet ensuite au jugement tranchant de l'homme bedonnant.
— Clic........
— Recule-toi, Martine. On ne voit pas les palmiers. Cette photo pourrait tout autant avoir été prise en Vendée !
— Re-clic..........
— Maintenant, on voit le chantier du complexe hôtelier. Il faut que tu zoomes !
— Re-Re-clic..........
— Ah oui mais là, les bateaux dans le port ne sont pas cadrés. La règle des tiers, bordel, Martine ! Bon, allons-y, le car ne va pas nous attendre…
“Une photographie n’est autre qu’un fragment de temps qui ne reviendra pas.”
Martine Franck
J’ajouterais qu’il suffit d’en avoir conscience pour éviter de limiter ses souvenirs à des images délavées, rangées dans des albums poussiéreux.
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