Dans mon rêve, je revois se dérouler toutes ces interventions de lutte contre l'homophobie, comme un observateur extérieur, comme un long chemin sur le sable. J'entends à nouveau les questions, les remarques, j'observe les réactions... Et je vois que, sur ce chemin, il n'est pas question que d'homophobie... Là où il y a de l'homophobie, il y a souvent aussi du sexisme, du machisme, du racisme, etc. Comme si finalement, au delà de l'homosexuel, c'était surtout l'autre qui faisait peur... celui qu'on ne comprend pas, celui qui est différent, qui n'appartient pas au groupe...

Dans mon rêve je suis maintenant un garçon "normal", comme les autres, viril, hétéro... J'aime jouer au foot, je suis musclé, et je change de copine toutes les semaines, comme mes copains... Je fais tout pour leur ressembler, car je me construis, je me définis, par mon groupe, mes semblables, avec qui j'ai tant de points en commun. La similitude me rassure. Si je suis comme les autres, alors je suis sûrement dans la bonne direction. Si je fais comme les autres, alors je serai accepté dans le groupe, j'aurai une place, je serai à ma place.

Mais l'Autre est là, il me nargue. L'Autre est toujours pénible. Il fait tout de travers, il n'est pas prévisible. Il met à mal mes certitudes, m'oblige à me remettre en question. Il ne parle pas comme moi, je n'arrive pas à le comprendre. Qu'est ce qu'il mijote dans mon dos ? Est-ce qu'il ne veut pas prendre ma place, cette place que j'ai eu tant de mal à garder, dans mon groupe ? Me voler mes amis ?

J'ai maintenant peur de l'Autre... parce qu'il est différent, parce qu'on ne le comprends pas, parce qu'il est imprévisible... Qu'il soit homosexuel, étranger, ou simplement différent : l'Autre me fait peur... Et de la peur à la haine, à la violence, il n'y a qu'un pas. Je me méfie de lui, je l'observe, je me prépare à me défendre... Ma haine monte progressivement, je l'alimente de mes doutes et de mon malaise... Et pour défendre ma position, et montrer au groupe que je ne suis pas comme lui, je l'insulte, je l'agresse. En le rejetant, je conforte ma place dans mon groupe.