Prologue
Dernier quart-temps. Le public était en délire. L’équipe adverse menait d’un panier. Nous étions toutes sur les rotules. Enfin, il fallait s’y attendre. Attaque éclaire, défense solide, ballon qui circule efficacement… On avait beau avoir vu tout ça durant les entraînements encore et encore, c’était autre chose de subir. Mais pas question de se laisser faire ! Surtout pas pour mon dernier match !
Delamaine a intercepté le ballon et tenté une passe longue à destination d’Arrows, mais il s’est fait dévier en cours de route. Le ballon a fait quelques rebonds avant de rouler doucement pour sortir du terrain. Enfin, ça, c’était ce qui se serait passé si Alcott ne s’était pas précipité pour se jeter dessus et pousser le ballon dans ma direction, quitte à finir sa course au sol et manquant de peu de se cogner la tête contre le banc de touche. Son sacrifice ne fut pas vain : j’avais le ballon en main, mais aussi une défenseuse adverse sur le dos. Les secondes sur le chrono filaient à toute allure. On n’avait plus le temps de courir mettre un panier de manière classique. Comme je l’ai dit, pas question de perdre pour mon dernier match. Autant tenter le tout pour le tout. J’ai feinté une passe, elle est tombée dans le panneau. En position, bonne détente, bon mouvement du bras avec précision… et le ballon décolle. Une belle courbe. Il allait rentrer ! Il le fallait ! La question la plus importante était : allait-il rentrer avant la fin du temps imparti ? Mes coéquipières et moi-même observions la retombée avec angoisse. Tout le monde retenait son souffle. Rentrera, rentrera pas ?
Pendant un instant, mes pensées n’étaient plus tournées vers le match. Je pensais à lui. Est-ce qu’il regardait ? Oui, sûrement. Il trouvait toujours un moyen de le faire. Au moins, se tenir informé. Depuis combien de temps nous nous ne sommes pas parlé de vive voix ? Ah oui, décembre dernier… J’étais si heureuse… que j’aurais pu en mourir. Puis, je me suis ravisé en pensant à tout le bonheur que je pourrais avoir après. Bientôt. Après ce match, après…
Je suis alors revenu au temps présent. La dernière action du match. MA dernière action pour ce match. Je pousse un cri comme une incantation pour marquer. Une habitude prise depuis que je suis passée pro. Le ballon se rapproche du panier. Encore un peu, encore un peu, encore…
Le ballon rentre directement dans le filet. C’était fait. Panier à trois points depuis l’autre côté du terrain. Vraiment, je ne l’avais pas volé, mon surnom. « La Magicienne des Trois Points ». Mon équipe menait d’un point à la dernière seconde. L’arbitre siffla la fin de la rencontre. Victoire sur le fil. Je soufflais de soulagement, alors que mes coéquipières accouraient pour me féliciter. La foule m’acclamait. J’ai jeté un œil en direction de l’énorme banderole faîte par des fans venus exprès du Japon pour voir mon dernier match aux États-Unis. J’étais folle de joie. Une belle victoire pour une finale de tournoi.
J’étais épuisée et cette interview traînait vraiment en longueur. Heureusement qu’on a fini par demander aux journalistes de poser leurs dernières questions, qu’on puisse rentrer à l’hôtel se reposer. Et prendre une bonne douche. Je puais, c’était une véritable infection.
Un journaliste pour la télévision japonaise, qui avait fait le déplacement, prit la parole :
-Mademoiselle Nanahara, vous avez annoncé, il y a peu, vouloir rentrer au Japon. Après avoir passé un an aux États-Unis, à jouer pour la WNBA. Pourquoi cette décision ? Surtout après une victoire si étincelante et avec l’approche des Jeux Olympiques.
-C’est justement avec l’approche des J.O que j’ai décidé de revenir au Japon, ai-je répondu avec un sourire. Pour avoir une chance de jouer dans l’équipe nationale du pays qui m’a vu naître.
-Pourtant, vous avez une bonne situation, ici, en Amérique. Certains, aussi bien ici qu’au Japon, vous surnomment « La nouvelle Tokashiki Ramu ». Est-ce vraiment la seule raison qui vous pousse à prendre une telle décision ?
Mon sourire s’est élargi, surtout parce que je pensais à lui, et j’ai répondu :
-C’est vrai, ce n’est pas la seule raison. J’avais prévu mon retour au pays depuis un moment déjà mais l’autre raison qui a accéléré les choses est que, depuis décembre dernier, je suis fiancé et que je veux vivre dorénavant avec mon futur époux.
La surprise générale était totale, aussi bien chez les journalistes que chez mes coéquipières ou mon coach. Je n’en avais parlé à personne. Je m’étais promis de ne pas le faire avant la fin du match. J’imaginais sa tête quand il verrait cette interview et les jurons qu’il pousserait, alors qu’il m’avait demandé d’être discrète sur le sujet.
Désolé, mon chéri. Mais tu connais ta future femme : incapable de cacher son bonheur et de ne pas l’exposer à la face du monde.
Annotations
Versions