Chapitre 2 : Prologue d’une nouvelle vie…
Puisque que Shûhei et Yuna allaient nous prendre chez eux, ma sœur et moi, nous devions organiser notre déménagement pour Tokyo. Dire que c’était un grand chamboulement pour tout le monde serait le plus des euphémismes…
Tout d’abord, Yuna et Shûhei ont séjourné un temps à Sendaï, chez le grand-père de Miku, avec Natsu et Sayaka, le temps qu’on finisse notre année scolaire. Nous avions encore un mois à faire et il a été décidé que nous terminerions cette année dans nos écoles actuelles. Shûhei nous a dit que c’était la bonne chose à faire pour nous de ne pas quitter si abruptement notre environnement familier, faire tranquillement cette transition vers cette nouvelle étape de notre vie. Ce qui était assez attentionné de sa part, il fallait l’avouer. En réalité, s’il n’y avait eu que Miku, je pense qu’ils auraient pu déménager de suite et qu’elle aurait pu finir sa maternelle ailleurs. Le problème venait très certainement de moi.
Début mars, je devais passer mon dernier concours, celui d’un des lycées que je souhaitais intégrer. Le lycée Hoshi, à Tokyo. Sendaï était ma ville natale et je l’aimais, mais j’avais envie de m’envoler loin à l’époque, à cause de mon beau-père. Encore plus aujourd’hui, maintenant que Maman n’était plus là…
-C’est amusant, Yuko-chan. Shûhei a été élève à Hoshi, à partir de sa deuxième année, m’a dit Yuna, un soir, pendant le dîner.
-Vraiment ? ai-je demandé à l’intéressé, un peu surprise.
-Oui, me répondit simplement ce dernier.
-Mais c’était pas un lycée pour filles, avant ?
-Avant, oui. Ils se sont mis à accueillir les garçons un an avant j’y sois inscrit.
-Je vois…
-Quoi ?
-Non, rien…
-Non, non, non ! Je vois très bien que tu penses à quelque chose et ce quelque chose n’est forcément pas flatteur du tout !
-Non, je me dis simplement que tu devais être heureux d’être dans un lycée entouré de pleins de filles…
-Hé ! J’ai pas choisi ! C’est ma mère qui a trouvé l’établissement sans me consulter, quand on est venu s’installer à Tokyo !
-Bien sûr…
-Heu… Yuko-chan ? C’est la vérité…, intervint Yuna.
-… Ah.
J’espérais honnêtement décrocher une place à Hoshi, parce que ça arrangerait les choses pour tout le monde.
Un problème s’est toutefois profilé à l’horizon : Shûhei n’avait eu droit qu’à une semaine de congé pour assister à l’enterrement. Il ne pouvait donc pas loger tout le mois avec nous, ce qui était compréhensible mais Miku en est devenue toute triste. Shûhei (pour sa santé…) la rassura en lui disant qu’il essaierait de venir au moins le dimanche, en prenant le train. Yuna, pour sa part, hormis deux ou trois jours dans le mois, pouvait se permettre de rester avec nous. Et puis, elle bénéficierait de l’aide de Natsu, plus rôdée qu’elle sur le fait de s’occuper d’enfants.
Pendant cette semaine où Shûhei était présent, il s’organisa pour qu’on fasse livrer chez lui nos affaires. Honnêtement, je ne voulais pas revenir dans notre ancienne maison. Trop de souvenirs, bons comme mauvais… Mais en tant qu’aînée, c’était mon devoir de faire le tri dans ce que ma sœur et moi emporterions et ce que nous laisserions derrière nous… J’ai exprimé le souhait de pouvoir emporter mes instruments de musique : ma guitare acoustique, ma guitare électrique, mon clavier et ma basse électrique… La musique était tout pour moi. Elle m’avait toujours réconforté dans mes heures sombres et quelque chose me disait que j’en aurais bien besoin, à l’avenir. Shûhei accepta (à ma grande surprise), disant qu’il y avait de la place chez lui, mais qu’il faudrait sans doute faire quelques travaux d’insonorisations si je comptais pratiquer. Surtout avec mes instruments électriques. Si je ne m’étais pas retenue, je lui aurais sauté dessus pour l’embrasser en guise de remerciement.
(Heureusement que je me suis retenue !)
Pour ce qui était des affaires de ma mère, je n’ai pris que deux ou trois choses comme des photos d’elle, moi et Miku. Le reste, y compris les affaires de mon beau-père, Shûhei pouvait en faire ce qu’il voulait… À mon avis, ça finirait à la poubelle.
Son dernier jour, il le passa avec Miku, qui était triste de le voir partir, même si ce n’était que temporaire. Elle l’aimait vraiment, son grand frère… Au point en j’en étais jalouse. Mais ça, ils ne le sauront jamais ! En fin d’après-midi, il repartit en voiture pour Tokyo.
Yuna, contrairement à ce que j’avais imaginé, s’accommoda plutôt bien de son rôle de « maman de substitution ». Enfin, il fallait dire aussi que Natsu l’aidait à mettre le pied à l’étrier. Même si elle était un peu maladroite par moment, je trouvais qu’elle s’en sortait plutôt bien, surtout en cuisine, où je ne m’attendais pas à manger des choses si savoureuses. Ce n’était pas joueuse de basket professionnelle qu’elle aurait dû faire mais chef cuisinier. Il disait en riant qu’elle avait appris deux ou trois choses de son père…
Miku était contente de me raconter que quand Yuna venait la chercher à la maternelle, tout le monde la regardait avec admiration et qu’on lui posait pleins de questions, surtout sur le fait d’avoir une telle célébrité comme membre de sa famille.
(Tu m’étonnes !)
Dans ma classe, je recevais autant de sympathie que possible de la part de mes camarades après les funérailles. Certains paraissaient triste d’apprendre que je déménageais fin mars et moi aussi, je l’étais un peu...
Comme convenu, Shûhei revenait à Sendaï tôt le dimanche matin pour nous voir et repartait en début de soirée. Et pourtant, même là, il lui arrivait de travailler : il passait ou recevait des coups de fils, se plantait une heure ou deux sur son ordinateur portable, et caetera… Je ne savais pas comment il arrivait à jongler avec sa vie professionnelle et sa vie sociale, mais pour avoir trouvé un certain équilibre dans la situation actuelle, il avait mon respect. Bien que cela n’était pas du goût de Yuna, qui le disputait en disant qu’il aurait pu laisser son travail à Tokyo et profiter un peu plus d’elle et de nous.
-C’est pas plutôt toi qui veut que je profite BEAUCOUP plus de toi ? lui a-t-il demandé, sans que je sache avec certitude s’il était irrité ou amusé.
En guise de réponse, elle a gonflé ses joues pendant qu’il la câlinait. Devant tout monde ! Même Natsu était un peu gênée de les voir montrer si ouvertement leur affection mutuelle. Peut-être qu’ils se le permettaient parce qu’ils étaient encore « jeunes ». Allez savoir…
Le jour du concours, je me suis rendue seule à Tokyo.
Ce n’était pas la première fois que je montais à la capitale, mais c’était la première fois que j’y allais seule. Yuna m’avait préparé un petit truc à manger pendant la pause et Shûhei m’avait fait un petit plan pour que je ne me perde pas dans le métro tokyoïte. J’avais une boule au ventre à cause du stress avant d’y arriver et ça ne s’est pas arrangé en voyant le nombre de candidats présents. C’est devenu pire à la vue du sujet de la première matière !
Non, non, non ! Je devais me calmer… Avec toutes ces heures de cours supplémentaires en prépa et les conseils de Shûhei, mes chances d’échouer sont quasi-nulles ! Quasiment…
(Reste concentrée, je te dis !)
Toute la journée à enchaîner les sujets de test, avec des courtes pauses pour nos permettre de souffler, de faire besoins naturels, de transitionner d’un sujet à un autre et une plus longue pour déjeuner. Les boulettes de viande de Yuna étaient délicieuses…
Seize heures. Le professeur chargé de surveiller nous demanda de poser nos crayons. Fin des examens. Les résultats seraient annoncés la semaine avant les vacances. Le stress n’était pas complètement parti mais je pouvais souffler un peu d’ici là…
Presque toutes nos affaires avaient été envoyé à Tokyo. Shûhei nous assura que nos chambres seraient prêtes à notre arrivée. Pour la décoration, il nous laisserait faire, dans la limite du raisonnable.
Il avait trouvé une école primaire pour Miku pas trop loin de la maison, de sorte qu’elle puisse faire le trajet à pied. L’idée enchantait Miku, de pouvoir commencer sa vie de grande fille. Bien qu’elle semblât attristée à l’idée que Yuna ne vienne plus la chercher comme maintenant.
-Je comprends, Miku-chan, mais pour être une fille responsable comme ta grande sœur, il faut apprendre à se débrouiller toute seule.
Natsu savait décidément s’y faire avec les enfants et Yuna ne perdait pas une miette, pour son apprentissage.
J’ai eu mes résultats et, en plus de toutes les écoles dans lesquelles j’ai passé le concours, j’ai réussi celui de Hoshi haut la main. Yuna s’est proposé de s’occuper de récupérer mon uniforme et tout ce qui me servirait, m’encourageant à profiter de mes derniers jours à Sendaï comme je l’entendais. Chose dont je lui étais reconnaissante.
Mon dernier jour dans mon collège s’est fait dans la tristesse. On savait qu’on aurait beau rester en contact via LINE, c’était quand même dur de quitter tous mes amis ainsi. Je crois que je n’ai jamais pleuré autant depuis la mort de Maman…
Le dernier jour d’école de Miku, Yuna et moi étions là. Shûhei aurait aimé être présent mais le travail… Miku n’a pas pleuré. Du moins, pas devant ses amies. Ce n’était qu’une fois rentré qu’elle a tout relâché et que Yuna a dû mettre une bonne demi-heure pour la consoler. Ce soir-là, on a toutes dormi ensemble…
Le premier jour des vacances de mars…
Nous avons remercié le grand-père de Miku de nous avoir hébergé et remercié Natsu de s’être occupé de nous. Miku et Sayaka étaient triste de se dire « bye-bye » mais ce n’était qu’un « au revoir » et on leur assurait qu’elles se reverraient un jour.
Nous avons ensuite pris un train pour Tokyo. Pendant les deux heures de trajet, j’essayais d’imaginer à quoi pouvait ressembler la maison de Shûhei. Puisqu’il nous avait dit qu’il y avait de la place, de base, j’imaginais l’endroit grand ; spacieux. Mais un éditeur gagnait vraiment de quoi se permettre d’acheter ce genre de maison ? J’ai alors imaginé un endroit plus modeste ; petit. Est-ce qu’on allait vivre les uns sur les autres dans un endroit prévu que pour deux ? Rien que d’y penser, le stress m’a gagné très rapidement.
Pour ne pas galérer dans les transports en communs avec nos quelques valises, Yuna a hélé un taxi qui nous a rapidement amené à destination. Moi, j’étais déjà venue mais c’était une première pour Miku. Tokyo ne ressemblait en rien à Sendaï, il fallait le dire. La voir s’extasier sur tout ce qu’elle croisait était amusant à voir.
(Bah, rien d’étonnant quand tu débarques dans un nouvel endroit…)
On a mis environ une trentaine de minutes pour aller de la gare à la maison. Maison qui était, en effet, assez grande et situé dans un beau quartier. Clairement, je ne pouvais pas croire qu’un éditeur puisse avoir les moyens de s’acheter ça !
(Il trempe dans des affaires louches, c’est obligé ! Ou alors, il a touché un héritage pour se payer sa maison !)
-Eh bien…, fit Yuna en le contemplant. Il ne s’est pas moqué de moi, quand il m’a dit qu’il s’occupait de tout pour la maison. J’espère quand même qu’il n’a rien fait d’illégal…
Juste après avoir passé le portillon, la porte s’est ouverte et une femme à la longue chevelure noire vêtue de manière élégante est venue nous accueillir.
-Yuna ! Quelle joie de te voir !
-Saya ! Shûhei m’a prévenu ! C’est terrible, ce qui t’es arrivé… Tu as pu sauver quelques affaires ?
-Heureusement, tous mes papiers importants étaient dans un coffre à la banque. Je n’ai perdu que du matériel rachetable… Merci encore de me laisser loger chez vous. Quand je serais mieux, au niveau financier, je me dépêcherai de déménager.
-Tu peux rester chez nous aussi longtemps que tu le souhaites. Et si Shûhei n’est pas d’accord… !
-Merci à vous !
Cette Saya prit Yuna dans ses bras pour l’étreindre puis elle nous salua :
-Enchanté. Je m’appelle Kinoshita Saya, une amie proche de Shûhei et Yuna. Tu dois être Yuko, j’imagine.
-Oui…
-J’enseigne au lycée Hoshi, comme professeur de littérature. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas.
-Merci…
-Vos affaires sont dans vos chambres. Je vais vous montrer. Entrez !
Nous y étions. Nouvelle ville, nouvelle maison, nouvelle famille… En somme, nouvelle vie.
Miku m’a tenue la main, un peu intimidé par cette grande maison inconnue, mais je lui ai souri et lui ai assuré qu’on resterait ensemble. Nous sommes alors rentrés ensemble dans notre nouveau chez-nous.
Je ne savais pas ce que nous réservait l’avenir dans cet environnement nouveau, mais ce je savais, c’était que ma petite sœur pourrait toujours compter sur moi et que nous tenterions d’aller de l’avant ensemble. Dans notre nouvelle famille.
Nakitsukaretetanda
Toikakeru basho mo naku
Mayoinagara tsumazuitemo
Tachidomarenai
(« Je suis devenue lasse de pleurer.
La vie ne prodigue pas de réponses
Il se peut que j'erre et fasse des faux pas, mais je ne peux pas m'arrêter. »)
Extrait et traduction de feel my soul, de yui, tiré de l’album FROM ME TO YOU.
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