Chapitre 8 : Retrouvailles
-Bon, je vais faire comme si je n’avais jamais vu ces planches…
-Encore !? S’il vous plaît ! Dîtes-moi ce qui ne va pas ! Le dessin ? L’histoire ?
-Les deux. Pour le dessin, vos personnages principaux sont dessinés avec application mais vous bâclez les secondaires et ceux en arrière arrière-plan, en plus des arrière-plans eux-mêmes.
-Mais le plus important, ce sont les héros et héroïnes ! Le reste…
-Pour l’histoire, continuais-je sans le laisser poursuivre, vous vous contentez d’archétypes de personnages sans y mettre votre patte. Et je ne vais pas parler des trop nombreuses cases où vous montrez gratuitement les dessous de votre héroïne, qui gâche très souvent les situations de tensions… Honnêtement, j’ai l’impression que vous avez dessiné votre manga en automatique, par moment.
-Mais le manga ne doit pas forcément être beau pour être bien ! Regardez Isayama-sensei au début de Shingeki no Kyôjin !
-Sur le plan artistique pur, je suis d’accord. Mais là, vous voulez vous faire publier en professionnel dans un magazine. Il y a de prérequis pour. Et pour l’instant, vous ne les remplissez pas.
C’était la troisième fois que ce type venait. Un étudiant enrobé d’une bonne fac. Il avait de bons concepts pour des histoires mais pour les raconter et les dessiner, j’hésitai encore entre le cruel manque de talent ou son manque de discipline quand il tenait un crayon, une plume ou un stylet.
J’ai essayé de lui dire qu’il devait plus travailler ses planches, autant celles que je tenais que les autres, mais lui tenait absolument à se faire publier dans l’Akamaru en l’état, préférant avoir l’avis des lecteurs. J’avais beau lui expliquer qu’avant de se faire publier, son manga devrait quand même passer entre les mains de mes supérieurs mais il n’a rien voulu entendre, persuadé qu’eux, au moins, sauraient voir en quoi son travail était bon. Il m’a même menacé d’aller voir ailleurs et qu’au moins, d’autres magazines le publieraient. Calmement, je lui ai dit que c’était son droit de rentrer en contact avec la concurrence, puisqu'il n'avait pas signé de contrat d'exclusivité chez le Jump, mais qu’on lui répétera ce que je lui ai dit. Il a alors récupéré ses planches et est parti sans demander son reste.
J’étais fatigué…
Ce matin, avant de partir, Miku avait pris froid et sa température était élevée. Je l’ai emmené voir un médecin et heureusement, il m’a expliqué qu’elle n’avait qu’un petit rhume. Un médicament ou deux, un peu de repos et elle serait complètement remise en trois jours. Heureusement qu’on était en Golden Week… Elle pouvait se reposer tranquillement.
(Saya me sauve aussi la mise en s’occupant d’elle, alors qu’elle prépare son déménagement à côté.)
Du coup, je suis arrivé tout juste à l’heure pour ce rendez-vous.
Je suis monté à la rédaction, avec déjà une envie de rentrer chez moi. En me dirigeant vers mon bureau, j’ai eu un commentaire déplacé de Terada sur le fait que je me montrai que maintenant, mais je l’ai ignoré. Toutefois, j’étais à deux doigts d’aller lui flanquer mon poing dans sa sale gueule de con. Je venais à peine de m’assoir sur ma chaise que mon chef d’équipe m’interpella :
-Nishiyama !
J’ai soupiré. Intérieurement.
-Oui, Makimura-san ?
-Tu arrives tard, dis donc. Ça ne te ressemble pas.
-Ma petite sœur est tombée malade et j’ai dû l’emmener voir un médecin. Après l’avoir ramené à la maison, le temps d’arriver ici, c’était déjà l’heure de mon rendez-vous de ce matin…
-Ah oui ! L’étudiant ! Alors ?
-Je pense pas qu’il reviendra présenter ses planches ici. Ou alors, en demandant un autre éditeur.
-Toujours le même problème ?
-Ouais…
-Bon, je m’en remets à ton jugement pour ce cas. Puisque tu étais absent, tu as manqué l’introduction du nouveau membre de notre équipe. Le rédac’ chef a voulu injecter un peu de sang neuf et faire un pas vers plus de parité dans la rédaction.
-Comment ça ?
-En fait…
Une voix aigüe est venue nous interrompre. Une voix familière. Et irritante.
-Senpai !?
Je me retourné pour tomber sur une jeune femme qui me rappela une personne bruyante, exubérante, exaspérante et provocante.
(Non… Non, non, non, non, non, NON !!)
Dans un tailleur impeccable, elle s’était laissé pousser les cheveux qui lui arrivaient à présent jusqu’à la taille. Devant moi se dressait Kaminari Karin…
-Ouah ! Quel hasard ! Ça faisait un moment qu’on ne s’était pas vu ! Tu bosses au Jump aussi ! Tu parles d’une coïncidence !
…
(Je sais pas qui écrit l’histoire de ma vie mais il faut l’enfermer et jeter la clé dans une fosse océanique !)
-Vous vous connaissez ? demanda le chef Makimura, surpris.
-Oui ! lui répondit Karin pendant que la déprime s’emparait de moi. On a fréquenté le même lycée. Il avait un an de plus que moi. On a aussi fréquenté la même fac. Mais on s’est un peu perdu de vue peu après qu’il ait eu son diplôme.
-Ooh, c’est une sacrée coïncidence que vous vous retrouviez à travailler au même endroit, alors !
-Oui !
-Je peux savoir ce que tu fais là ? ai-je demandé à Karin. La dernière fois que je t’ai vu, tu avais un travail de bureau dans une entreprise.
-Ouah, ça fait vraiment longtemps qu’on s’est pas vu, Senpai… J’ai quitté mon ancien boulot et j’ai postulé chez la Shûeisha. Au début, je voulais juste un poste de réceptionniste mais quand on a vu mon C.V, on m’a demandé si un travail d’éditrice m’intéresserait. Sans doute parce que j’ai fait partie du club de manga au lycée et d’un cercle à l’université. Mais en tout cas, je suis trop contente de voir un visage familier ! Ça va être comme au bon vieux temps !
Elle a alors saisi mes mains pour les secouer avec énergie pour exprimer sa joie. Je ne lui parlai que depuis quelques minutes et j’en pouvais déjà plus…
-Parfait, ça ! fit le chef Makimura en souriant. Je me demandais qui choisir pour être son responsable dans l’équipe alors…
J’avais peur de comprendre…
-Makimura-san ?
-Bien, je compte sur toi, Nishiyama !
-Makimura-san ! Attendez ! Je… !
-Ouais ! Senpai s’occupe à nouveau de moi ! Youpi !
Devant tout le monde, cette idiote m’a sauté au cou pour m’enlacer. Ce qui a réveillé de vieux sentiments à son égard.
-KARIN ! Lâche-moi !
Je me suis défais de son étreinte et du tranchant de la main, je lui ai flanqué un bon coup sur l’occiput.
-Awawa ! a-t-elle aussitôt dit en se massant la tête.
-Je t’ai déjà dit mille fois de pas faire ça !
-Méchant ! Je te montre que je suis contente de travailler avec toi et toi, tu me tapes !
-Y a que comme ça que ça rentre dans ta tête !
-Nishiyama ! Kaminari ! Cessez de déranger les autres et mettez-vous au boulot ! nous cria le chef Makimura.
On n’était même pas à la mi-journée que je classais ce jour comme l’un des pires de ma vie…
Pour le déjeuner, en tant que responsable, j’ai emmené Karin manger dans un restaurant pas trop cher.
-Radin, m’a-t-elle lancé.
-La ferme.
Pendant que nous mangions, je lui ai fait un topo de ce qu’elle allait faire à la rédaction. Comme pour l’instant, elle n’était en charge d’aucun auteur, elle répondrait au téléphone. Je lui ai conseillé, durant son temps libre, d’étudier le plus de manga possible. Je lui ai expliqué que cette fois, elle allait devoir mettre en pratique ce qu’elle avait appris au club et dans le cercle.
-T’inquiète, Senpai ! Je vais me donner à fond !
-T’as intérêt.
-Héhéhé.
-Pourquoi tu ris ?
-Non, c’est juste que je suis contente de te revoir. Même si ce n’est pas ton cas.
-En même temps, je ne le cache pas particulièrement…
-Je sais, je sais… Ma présence seule t’irrite. Mais à la fac, on s’amusait bien ensemble, non ?
-On va dire que oui…
-Hihi. Au fait, Senpai ! Tu as une petite amie en ce moment ? Parce si ce n’est pas le cas, je…
-De quoi tu parles ? Je suis toujours avec la même personne !
-Hein !? Yuna-san ne t’as pas largué, depuis le temps !?
Je lui ai donné un coup de pied sous la table comme punition.
-Non, elle ne m’a pas quitté, ai-je répondu. D’ailleurs, on va bientôt se marier.
-Awawa…, gémit-elle de douleur. Félicitations… Depuis quand vous êtes fiancés ?
-Depuis décembre.
-Et la cérémonie est prévue pour quand ?
-On avait prévu pour cet automne mais avec les imprévus, on a décalé à cet hiver.
-Quels imprévus ?
J’ai réfléchi un moment avant de lui répondre. Karin m’insupportait la plupart du temps mais dans le fond, ce n’était pas une mauvaise personne. Et surtout, on s’était rapprochés à la fac. Je me disais qu’elle pouvait bien être au courant…
Je lui ai donc raconté pour le décès de mon père et de sa femme, que j’avais recueilli ma demi-sœur et sa grande sœur adolescente et que nous nous occupions d’elles, Yuna et moi.
…
Il a fallu quelques secondes à son petit cerveau pour tout assimiler.
-HEIN !?
-Pas si fort. Tu déranges les autres clients.
-Pardon mais c’est surprenant, quand même ! J’aurai jamais pensé que tu recueillerais des enfants ! Toi, Senpai, qui s’énerve vite avec les gens !
-Sympa…
-Mais d’un autre côté, même si tu le caches, tu as le cœur sur la main donc quand j’y repense, ce n’est pas si étonnant que ça…
Elle m’a alors jeté un regard suspicieux que je n’aimais pas du tout !
-Senpai… Rassure-moi, tu vas rien faire à cette ado ?
-Non mais ça va pas !?
-Senpai, moins fort. Tu déranges les autres clients.
J’ai effacé son rictus moqueur d’une manchette sur sa tête à claques !
-Awawa ! Non mais ce que je veux dire, c’est que les hommes qui fantasment sur les lycéennes, y’en a plein ! Et comme tu es un homme…
Nouvelle manchette sur le crâne de cette idiote !
-Awawa !! Mais quoi ?
-Arrête de dire des conneries et mange ! On retourne à la rédaction, après.
-Franchement, elle est courte, cette pause-déjeuner. Ah, Senpai ! Tu es libre, après le boulot ? On pourrait aller boire un verre ensemble. Et ensuite, on pourrait…
-Fini cette phrase et je te jure que ce n’est pas une manchette que tu vas recevoir mais le poing de la colère de Shûra.
-Tu n’oserais pas !?
-Tu veux tenter ta chance ?
À la vue de son visage, elle préféra sans doute s’en abstenir.
L’après-midi, elle et moi faisions un nouveau tri parmi les mangas que la rédaction avait reçu pour une publication dans l’Akamaru. On avait déjà mis de côté quelques mangas prometteurs mais il fallait encore faire un tri dedans, car pas assez de places dans le magazine pour tous.
-Dis, Senpai. Les vainqueurs de l’Akamaru sont toujours publiés dans le Jump après ?
-Pas toujours. L’Akamaru peut lancer de nouveaux auteurs pour une série mais il peut aussi servir de terrain d’essai pour les débutants avant de trouver le bon manga à publier. Ça concerne autant les mangakas que les éditeurs. Mais en définitif, le manga passera forcément entre les mains des chefs d’équipe, du directeur-adjoint et du directeur à la fin.
-D’accord. Et c’est après qu’ils décident si le manga est publié ou non dans le magazine.
-Voilà. Soit le manga est publié, soit on demande à l’auteur des corrections pour la prochaine réunion éditoriale, soit on lui demande de changer complètement d’histoire. Après, il y a aussi la possibilité qu’on le publie dans un magazine différent ou qu’on le publie en ligne.
-Ah ! Comme Ao no Flag !
-Voilà.
-Je vois, je vois… Senpai, tu m’as dit que tu bossais au Jump Square avant, c’est ça ?
-Oui.
-Et que ça fait qu’un an que tu bosses au Shônen Jump.
-Oui. Et ?
-Rien. C’est juste que tu m’as aussi dit que tu as lancé ton premier auteur même pas six mois après ton arrivée. Je suis impressionnée.
-J’ai aussi eu un peu de chance.
-Peut-être. Surtout qu’on parle d’Ueda-senpai…
Karin se mit à faire la grimace en évoquant son nom. J’avais oublié qu’ils ne s’aimaient pas du tout, ces deux-là…
Nous avons continué notre tri mais le travail était loin d’être fini. Surtout que d’ici la date butoir, on pouvait encore recevoir des candidats…
En fin d’après-midi, j’ai laissé Karin avec le reste et suis allé à ma réunion de travail avec Kamado. Comme d’habitude, on se retrouvait dans un restaurant familial et nous discutions de ses scénarios. Ses progrès étaient si impressionnants que cela tenait presque du génie. En l’état, ses derniers scénarios, bien qu’encore perfectible, pouvait tenir la route en histoire courte avec le bon dessinateur. Quand je lui ai dit cela, elle s’est enflammée :
-C’est vrai, Senseï ?! Vous pensez qu’on peut l’adapter ?
-Du calme, Kamado ! Je pense qu’on peut faire un essai, oui. Que dirais-tu…
-Senseï ! Pourquoi pas dans l’Akamaru ! C’est bientôt, en plus ! On…
-Kamado, réfléchis ! Il faut qu’on te trouve un dessinateur et ça peut prendre du temps ! Qui plus est, même si tu arrives à pondre une histoire, il faudra que le dessinateur la dessine, pour ensuite passer par moi avant que je ne transmette à mes supérieurs. Sans parler de la date butoir qui est trop juste pour rendre un travail de qualité. Le mieux serait de viser une publication après les vacances d’été.
Mon franc-parler ne lui faisait pas plaisir mais je disais ça dans son intérêt et celui de son travail. Elle devait le comprendre.
-Je comprends votre point de vue, Senseï ! Mais je me dis aussi que si l’occasion se présente, je me dois de la saisir !
Elle avait beau débuter dans le manga, on ne pouvait pas lui enlever le fait qu’elle en voulait. Chez les débutants, je constatais que leur passion se refroidissait vite quand on les confrontait à la difficulté de la publication mais elle, ça ne la décourageait pas. Au contraire, elle était prête à monter au front pour son histoire. Enfin, elle avait déjà un roman à son actif donc j’avais envie de dire que c’était normal.
-Bien. On va se donner… un peu après mi-mai pour te trouver un dessinateur. Normalement, ça devrait lui laisser assez de temps pour tout faire avant la date de rendu. Mais je te préviens : il n’y aura sans doute pas le temps d’apporter des modifications. En clair, si on trouve un dessinateur qui accepte et qu’il rend à temps les planches, ça passe ou ça casse.
-Compris ! Merci d’accepter mon caprice !
Finalement, nous avons prolongé notre réunion en discutant d’une histoire qu’elle voudrait faire publier dans l’Akamaru. Dans ma tête, je faisais la revue des dessinateurs que je connaissais puis j’éliminai ceux dont j’étais sûr qu’ils n’accepteraient pas pour X raisons ou dont le style ne collerait pas avec l’histoire de Kamado.
Quand nous nous sommes mis d’accord sur quel genre d’histoire elle écrirait, nous nous sommes séparés et elle est rentré chez elle pour commencer à travailler sur son scénario. De mon côté, je suis retourné à la rédaction m’occuper un peu de la paperasse. Quand j’ai terminé ce que j’avais à faire, il n’y avait presque plus personne. J’ai regardé ma montre. Ce soir encore, je rentrerais tard...
-Senpai ! Je suis crevée ! Allons boire un coup !
-Je ne peux pas. Je dois rentrer.
-Allez, quoi ! On s’est pas vu depuis longtemps ! Un verre ne va pas te tuer !
-On sait très bien tous les deux qu’avec toi, ça ne s’arrête jamais à un verre…
-Alleeeeeeez !
-D’accord, d’accord ! Mais pas longtemps !
-Super ! Ce sera comme à la fac ! On va se déchaîner, Senpai !
-Tais-toi, je téléphone ! Et arrête d’agiter tes obus sous mon nez !
-Hein ? Mais d’habitude, tu…
Je l’ai fait taire avant qu’elle n’en dise trop d’un coup de manchette. Pendant qu’elle marmonnait son « Awawa » dans son coin, j’appelais Yuna pour la prévenir que je rentrerais un peu plus tard car j’allais boire un verre avec ma kôhai.
-« Ta » ? C’est une femme ? Ils recrutent des éditrices, au Jump ? me demanda-t-elle.
-Tu te souviens de Kaminari ? Ils l’ont embauché et m’ont désigné pour être son responsable.
-Ah, la fille qui te collait tout le temps au lycée…
-Fais pas ta jalouse.
-T’as prévu de faire plus que boire avec elle ?
-Je suis sensé rire quand ?
-Pardon. Mais tu sais, nous deux, on avait nos routines avant que je revienne. J’ai encore un peu de mal à me refaire à l’idée de n’avoir que toi.
-Non, je comprends. Moi aussi, je ressens la même chose.
-Tu sais, ma proposition tient toujours. Tu sais, jusqu’à ce que la cérémonie ait lieu…
-On en a déjà parlé, Yuna. Et je ne vais pas changer d’avis.
-D’accord, désolée. Je devrais me réjouir de ça, au contraire. Bien ! Si tu dis que tu ne feras rien de plus que boire avec elle, alors ça ira. Mais à une condition !
-T’as pas honte, de vouloir me parler de ça au téléphone ?
-Comment tu sais ce que j’allais te demander ?
-Yuna…
-Grr !! Tu me connais trop bien !
-Bon, c’est d’accord. J’essaierai de ne pas rentrer trop tard. Mais toi, tu dois être épuisée après ta journée, non ?
-Ne sous-estime pas l'endurance de ta fiancée, Nishiyama Shûhei ! Hihihi ! Allez, profite de tes retrouvailles avec ta protégée ! Et à ton retour, tu auras peut-être une surprise…
-Quel genre ?
-Tu verras… Hihi !
Elle a raccroché de suite. J’ai alors annoncé à Karin qu’on allait s’en jeter un et elle a sauté de joie, en annonçant que les consommations étaient pour elle.
(Encore heureux, tiens !)
On a donc choisi un izakaya pour boire et manger. Enfin, moi, j’ai surtout mangé et Karin, elle, elle a surtout bu. Beaucoup. J’avais oublié aussi qu’en plus d’avoir un fort penchant pour la boisson, elle avait aussi une sacrée descente.
-POUAH !! Que c’est bon ! lança-t-elle après avoir descendu une nouvelle chope de bière.
-Évite d’être trop saoule sinon tu auras du mal à rentrer chez toi.
-Maaais ! Senpaaaaaai ! Tu pourrais me laisser crécher chez toi pour cette nuit, alors !
-Même pas en rêve.
-Méchant !
Quand bien même, nous avons bien rigolé et parlé du bon vieux temps de la fac. Les souvenirs me sont revenus : le temps passé avec Saya et Karin, qui voulaient me traîner à toutes les fêtes étudiantes où elle était invitée…
-Waaah… J’en ai marre… Je veux un copain…
-Depuis le temps, tu t’es trouvé personne ?
-Si, j’en avais un, il y a peu… Mais il m’a plaqué.
-Qu’est-ce qui s’est passé ?
-Il a dit des choses qui ne m’ont pas plu… Quand j’ai quitté mon précédent travail pour travailler à la Shûeisha, il n’a rien dit, comme il pensait que je serais réceptionniste ou un truc du genre. Puis quand je lui ai dit que j’allais être éditrice de manga, il a déclaré que ce n’était pas sérieux et que je devrais refuser le poste.
-Pourquoi ?
-Parce qu’il méprise le manga. Il dit que c’est futile et mercantile, que ça tire la culture nationale vers le bas et donne une image fausse du pays à l’étranger, ce genre de trucs…
-Mais tu sortais avec quel genre de type, toi ?
-Le genre qui a grandi avec une cuillère en argent dans la bouche et qui gagnait bien sa vie. Mais légèrement snob sur les bords… Non, complètement, en fait.
-Je vois…
-C’est bon, tu peux te moquer…
-Je ne compte pas le faire.
-Mais tu n’en penses pas moi, pas vrai ?
J’ai choisi mon droit de garder le silence et bu ma bière.
Nous avons bu longtemps. Il était près de de vingt-trois heures quand nous avons quitté les lieux. Comme je le craignais, cette idiote a finie bourrée et je me voyais mal la laisser rentrer seule chez elle dans son état. J’ai donc hélé un taxi pour qu’il nous ramène. La facture allait être salée mais bon…
Arrivée à son immeuble, j’ai demandé au chauffeur de m’attendre, le temps que je la ramène à son appartement. Pendant que l’idiote rigolait de me voir la porter à moitié jusque dans l’ascenseur, elle se mit à me chuchoter à l’oreille. Des choses qu’on faisait à la fac après avoir bien bu tous les temps... Des choses souvent honteuses, comme cette fois où j’ai fini la soirée en caleçon.
(D’ailleurs, je crois que c’est à partir de ce jour que je surveille ma consommation d’alcool en public…)
Une fois devant sa porte, elle l’a ouverte (bien qu’elle ait eu du mal à faire rentrer la clé dans la serrure du premier coup…) et je l’ai laissé rentrer.
-Bon, moi, je rentre, lui ai-je dit. On se voit demain au boulot.
-Maaaais !! Senpaaaaai !!
Elle s’est jetée dans mes bras pour m’enlacer et… et… balader ses mains.
-Non mais qu’est-ce que tu fous, encore !
-Alleeeez ! Reeeeste ! Comme quand on était la fac…
Elle m’a fixé avec des yeux de cocker suppliant, tout en pressant sa poitrine contre mon torse. J’ai posé mes mains sur ses épaules… et je l’ai fait reculer.
-Yuna m’attend à la maison, lui ai-je dit calmement.
Elle a boudé comme une enfant et m’a traité de « Méchant ! ». Bon, ça aurait pu être pire. Toutefois, elle m’a embrassé sur la joue avant de me souhaiter une bonne nuit et de finalement rentrer chez elle.
Dans le taxi, j’avais la tête qui tournait à cause de l’alcool et des bribes de souvenirs de moi et Karin au temps de la fac me revinrent. Au point de m’en faire rougir.
Comme je le pensais, la note de taxi fut assez salée mais j’estimais que j'avais bien agit.
En rentrant, j’ai essayé de faire le moins de bruit possible. Visiblement, tout le monde dormait déjà. Et je supposais que Yuna aussi. Elle qui voulait me faire une surprise, soi-disant… Dommage pour moi. Peut-être une prochaine fois…
Je suis monté directement dans notre chambre. En ouvrant la porte, je fus surpris par la lumière de la table de chevet de Yuna qui s’alluma.
-Qu’est-ce que… !?
-Tu es en retard ! me dit une Yuna avec une pointe de colère dans la voix.
-Désolé, ai-je dit en refermant la porte. Je…
…
Mon cerveau a cessé de fonctionner quelques secondes quand j’ai vu ma fiancée vêtue de son ancien uniforme du lycée, assise sur le lit.
-Tadaaaa ! T’as vu ? J’ai réussi à rentrer dedans ! Bon, par contre, il me serre un peu au niveau de la poitrine mais sinon… WAAAAAH ! Shûhei !
Sans réfléchir, je lui ai sauté dessus pour l’embrasser partout.
-Hahaha ! Arrête ! Tu me chatouilles ! HAHAHA ! Non, vraiment ! Arrête ! On va réveiller les filles !
Après ce que je venais de voir, j’en avais rien à faire et je crois qu’elle le savait aussi, vu ce tout ce que nous avons fait après…
Le lendemain, au petit-déjeuner, j’ai senti le regard rempli de jugement de Yuko sur nous et Saya avait du mal à se retenir de rire. Yuna et moi étions rouges mais dans le fond, on ne regrettait rien.
Au boulot, Karin est arrivée avec une tête de déterrée.
(Note pour l’avenir : lui éviter de trop boire quand on travaille le lendemain.)
Annotations
Versions