Chapitre 12 : Avant les vacances d’été

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Depuis quelques jours, l’attente des vacances d’été au lycée devenait insoutenable pour certains. Ignorant la chaleur écrasante et l’approche des examens de fin de trimestre, j’entendais un peu partout les élèves faire le point sur leurs projets estivaux.

De mon côté, avec le club de musique, on avait prévu de bosser à fond dans le but d’être prêtes pour notre représentation sur scène durant le festival culturel d’automne. On pouvait dire ce qu’on voulait sur la Présidente, au moins, elle prévoyait sur le long terme. Peut-aussi parce que ce serait son dernier festival et qu’après, elle devrait se concentrer à fond sur ses examens d’entrée à l’université…

Néanmoins, je l’ai prévenu que, pendant une semaine, je ne pourrais peut-être ne pas être présente. Apparemment, Shûhei négociait avec sa hiérarchie pour avoir une semaine de vacances pour les passer en famille. Une idée de Yuna, selon lui. Et pour je ne savais quelle raison, cette nouvelle a fait bondir mon cœur de joie, si bien que j’ai eu du mal à le cacher quand il en a parlé. Miku, pour sa part, a bondi de joie en pensant que l’affaire été déjà réglé et a proposé plein d’idées à faire ensemble mais elle a été un peu refroidie quand son grand frère qu’elle adore lui a gentiment expliqué qu’on ne pourrait pas tout faire en une semaine. Elle a été un peu déçue mais son visage se réillumina quand Shûhei promit au moins une journée à la plage.

(Si ça se fait, il faudra que je prenne le temps d’aller m’acheter un nouveau maillot de bain… Et que je me trouve aussi un petit boulot. J’ai complètement oublié de m’en occuper…)

Shûhei et Yuna avaient beau me dire que ce n’était pas urgent me concernant, je ne voulais pas être un fardeau pour leur foyer. Et puis, les aider financièrement serait une façon de les remercier concrètement de nous avoir accueillit sous leur toit. Surtout quand j’ai entendu (par mégarde) Shûhei confier à Yuna qu’avec deux enfants et tout ce qu’il fallait pour les élever, les finances allaient peut-être dans le rouge pendant plusieurs mois. Non, il fallait que je les aide au plus vite. Qu’ils le veuillent ou non !

À la pause-déjeuner, au moment où j’allais m’acheter un truc à manger à la cafétéria, Kamiya m’interpella, avant de me rattraper.

-Hé, Nishiyama !

-Non, Kamiya. Je ne sortirai pas avec toi…

-Mais j’ai encore rien dit !

-Tu me demandes ça tous les jours. Ça en est devenu tellement lassant que je n’ai plus l’énergie nécessaire pour m’énerver. En plus, il fait trop chaud aujourd’hui…

-Allez, écoute au moins ce que j’ai à dire. Promis, ce n’est pas une histoire de sortir avec moi. Pas complètement…

-Ben voyons… Bon, je t’accorde jusqu’à ce que je retourne en classe avec mon déjeuner.

-Oh, c’est plus que suffisant ! Héhé !

-Pourquoi ai-je le sentiment que je vais le regretter ?

-Hé ! T’es dure avec moi !

-Si tu n’étais pas si lourd aussi…

Je devais admettre qu’il était persistant. J’aurais pensé qu’il aurait lâché l’affaire après mes (très) nombreux refus mais chaque jour, il me demandait inlassablement de sortir avec lui. Juste une demande, sans insister davantage. Par moment, je me demandai s’il ne faisait pas exprès. En tout cas, j’ai vite compris que ses demandes étaient surtout un prétexte pour attirer mon attention et venir me parler, moi qui n’étais pas de nature à aller toujours vers les autres. J’aurais pu l’ignorer mais bon, je me disais que ce n’était pas bien méchant et l’ai laissé faire. Une erreur, aurait sans doute dit certains.

-Avec mes amis, on fait nos petits plans pour l’été et je me disais que tu voudrais peut-être te joindre à nous.

Sa proposition était pour le moins… surprenante.

-Kamiya, ce sont tes amis. Pas les miens.

-Mais toi et moi, on est amis, non ?

J’ai failli éclater de rire.

-Non, Kamiya. On n’est pas amis. Des connaissances, au moins.

-Bah moi, à défaut qu’on sorte ensemble, j’aimerais bien qu’on devienne amis.

-Pourquoi ?

-Pourquoi pas ?

(Un enfant…)

-Allez ! poursuivit-il. Dis oui !

-Pas avant de savoir ce que tu comptes me faire faire…

-Bah, on pensait déjà boucler nos devoirs d’été la première semaine. Et on se demandait où faire ça…

-Vous pensez déjà aux devoirs de vacances ?

-En fait, c’est moi qui y ai pensé. Je veux me débarrasser de ça vite, surtout avec le camp d’été du club de basket qui arrive.

-Quel élève consciencieux…

-Non, c’est juste que ça me soûle de devoir penser à faire ça pendant mes vacances…

-Ah, je me disais aussi…

J’ai acheté un sandwich et prit une boisson au distributeur, alors qu’il tentait toujours de me convaincre :

-Nishiyama. Tu es douée en Japonais et en Maths, non ?

-Japonais, oui. Maths, je dirais que je suis dans la moyenne.

-C’est suffisant ! Tu m’aiderais, moi et mes amis, pour nos devoirs d’été ?

-Et pour tes examens ?

-J’ai déjà renoncé…

-Déjà ?

-Tu crois vraiment que je pourrais remonter mon niveau maintenant ?

-Peut-être de quelques points ?

-Nishiyama, je ne me fais plus d’illusions pour ce trimestre…

Il m’a presque fait rire, alors que ce n’était clairement pas son but.

-Et j’aurais quoi, en échange ? ai-je demandé.

-Tu acceptes ?!

-J’accepte d’y réfléchir.

-Ah ! Heu… Une sortie au cinéma, ça t’irait ? J’invite.

-C’est pas un rendez-vous, j’espère.

-Mais non ! Juste une sortie entre amis !

-…

-Je te jure !

-Bon, je vais y réfléchir. Mais je ne promets rien.

-Yeah ! Ah, et pile au moment où on revient en classe.

En effet, j’ai été tellement absorbé par la conversation que je n’avais pas remarqué que nous étions revenus. Il m’a remercié, comme si j’avais déjà accepté, et est alors que je pensais qu’il allait rejoindre ses amis pour déjeuner tout de suite après, il m’invita à manger avec eux. Au début, j’ai poliment refusé mais cette fois-ci, j’ai eu l’impression qu’il ne me laissait pas le choix et me força à manger avec eux, histoire, selon ses dires, de sympathiser un peu, vu que j’allais sans doute les aider pour leurs devoirs d’été. De manière globale, il disait être ravie mais je sentais quand même une tension, dont je devais être l’origine. Ma main à couper que les filles de ce groupe ne voulaient pas que je m’y immisce, même temporairement…

Peut-être valait-il mieux que je refuse de les aider, en fait…

Enfin, j’ai mis ça de côté pour l’instant et me suis concentré pour l’examen à venir. Le niveau demandé dans ce lycée était exigeant, je le savais, mais ce n’était pas la même chose que le subir… Heureusement que Saya m’a un peu aidé au début. Sans elle et ses conseils, j’aurais sans doute fini dans les pires élèves de la classe. Ou de l’établissement…

Au club de musique aussi, on faisait nos plans. Déjà, il était prévu qu’on fasse un maximum de répétitions pour être prêtes le jour J. Qui n’arriverait pas avant un moment, quand même. Mais comme on ne savait pas combien de temps cela prendrait de bien savoir jouer en groupe, je supposais qu’il fallait prendre autant d’avance possible.

-Je ne pourrais pas tous les jours, intervint Igawa. J’ai mes cours de piano à prendre en vue d’un concours qui…

-D’accord, d’accord, coupa la Présidente qui ne semblait pas s’en soucier plus que ça. On va arranger le planning en fonction. Mais interdit de sécher ! Sinon, des têtes vont tomber…

Le pire, c’était qu’elle était sans doute sérieuse…

Parallèlement à ça, la Président voulut aussi qu’on organise au moins une sortie avec le club entier. « Pour améliorer la cohésion dans le groupe ». Je soupçonnais que c’était surtout une excuse pour aller s’amuser. Junko et Enoshima firent plusieurs propositions et, je ne mentirais pas, elles avaient toutes l’air intéressantes mais il fallait faire un choix. Mais comme ce n’était pas la priorité, nous nous mirent d’accord pour laisser ça de côté et de commencer à répéter, en commençant pour nous échauffer avec une reprise d’une chanson d’Utada Hikaru.

Les jours qui suivirent, je me suis plongé corps et âmes aux études pour les examens. Pas le choix. Si dans mon collège de Sendai, j’avais des notes largement au-dessus de la moyenne, au lycée Hoshi, j’avais tout juste au-dessus. Saya et Shûhei devaient être de sacrées têtes pour avoir tenu trois ans ici ! Enfin, deux, dans le cas de Shûhei…

Il n’a jamais voulu me parler de cette époque de sa vie et pour assouvir ma curiosité (sans doute mal placé), j’ai dû passer par les femmes les plus proches de lui : Yuna et Saya. Elles me racontaient volontiers à quel point il était bon élève qui travaillait beaucoup, elles restaient évasives sur les périodes hors du domaine scolaire. Ce qui était très louche ! Je pariais que ça avait un lien avec le fait que j’ai surpris une fois ou deux Saya et Shûhei s’embrasser, même quand Yuna était là. Pourquoi elle ne s’énervait pas quand ça arrivait ? Pourquoi elle ne se mettait jamais en colère pour ça ? Aimait-elle cet homme au point de fermer les yeux sur ses écarts ? D’ailleurs, était-ce vraiment des écarts ? Après tout, j’ai aussi vu Yuna embrasser Saya…
Et je me venais de me rendre compte que, mine de rien, j’avais peut-être vu énormément de choses dans cette maison que je n’étais peut-être pas censé voir…

Décidément, les gens chez qui je vivais était très loin de la norme à laquelle j’étais habitué et ma curiosité d’en savoir plus sur eux était en train de me ronger ! Il fallait l’assouvir !

Mais cela attendrait au moins la fin des examens ! Pas question de me planter et de suivre des cours supplémentaires en été ! Ça ne m’était jamais arrivé et je refusais que cela m’arrive ! J’avais quand même ma fierté, même si elle était peut-être mal placée !

Je n’avais jamais autant plongé mon nez dans mes bouquins et cahiers depuis l’examen d’entrée au lycée… Toutes ces dates, ces formules, ces noms à retenir… Si mon cerveau avait sa propre volonté, il se serait sans doute enfui pour refaire sa vie au bord d’une plage française ! Et pour ne rien arranger, le stress me rendrait un peu irritable. La moindre forme de déconcentration dans mes révisions me faisait grogner comme un animal en colère. Même quand c’était ma petite Miku qui voulait juste passer un peu de temps avec moi.

Note pour moi-même : à l’avenir, éviter de grogner contre Shûhei quand je suis stressé. Il le prend assez mal et il fait peur quand il s’énerve…

(En plus, quand je suis comme ça, il doit pas me trouver très belle à voir…)

(Pourquoi je pense à ça, moi !)

Quand juillet a débarqué avec ses grands sabots en compagnie d’une chaleur écrasante, le stress grandissant dans l’école était devenu de plus en plus palpable.

Dans ma classe, certains en devenaient malade à cause de ça. D’autres, comme Kamiya, essayaient de garder le sourire en ces circonstances. Bien qu’il m’ait avoué, et il avait ajouté qu’il ne penserait pas dire ça un jour, regretter les examens aux États-Unis.

-C’était pas dur à en crever et y avait moins de trucs à réviser !

Il disait ça à chaque fois qu’il mettait le sujet sur le tapis. En ces périodes de révisions, je restais un peu plus longtemps au bahut pour bosser en classe. La Présidente Majima, même si, je la cite : « Ça me fait chier mais il faut que tout le monde soit bien disponible cette été », a suspendu temporairement les activités du club pour que tout le monde puisse se concentrer au mieux pour les examens et les réussir. Elle a ajouté, je cite encore : « Si l’une d’entre vous se plante, je la plante… ».

Le pire, c’était qu’elle était peut-être sérieuse…

-Hé ! Nishiyama ! Tu peux vérifier si ma réponse est correcte ?

En me voyant rester en classe après les cours, Kamiya venait me rejoindre chaque jour, après son entraînement au club de basket et avant que je ne parte.

Chaque jour, pendant environ une demi-heure, nous révisions ensemble.

Au début, je pensais que c’était juste une excuse pour être dans la même pièce que moi. Ce qui n’était pas complètement faux. Mais il révisait vraiment. Du moins, il faisait l’effort de le faire devant moi.

-Tu t’es trompé, dans le raisonnement. Le résultat final est faux. Recommence.

-Sérieux !? Et merde !

Au moins, ça me permettait aussi de vérifier si j’avais bien assimilé ce que j’avais révisé. Seulement…

-Kamiya.

-Oui ?

-Arrête de me reluquer et concentre-toi sur ta feuille.

-J’y peux rien ! T’es tellement jolie…

-La flatterie ne te mènera nulle part. Tais-toi et bosse.

-Jusqu’à quand ?

-Jusqu’à ce que tu en crèves…

-Nooooon !

Cet idiot arrivait à me décrocher un sourire, de temps en temps. Je devais admettre qu’il était un peu fort, ce con…

Malheureusement, nos courtes sessions de révisions communes n’étaient pas vu d’un bon œil par ses amies. Ou groupies. Chaque fois qu’elles nous voyaient ensemble, je sentais leur regard plein de ressentiment à mon égard. Je faisais mine de m’en fiche mais intérieurement, je commençais à en avoir marre qu’on me regarde comme ça, surtout que je n’avais rien fait de mal.

Cela s’est passé à deux ou trois jours du début des examens.

Comme d’habitude, je suis resté en classe pour réviser mais ce jour-là, la fatigue m’a assailli plus vite que les autres fois et j’ai décidé de rentre plus tôt à la maison. Vu l’heure, Kamiya devait avoir fini sa session d’entraînement dans peu de temps.

(Je devrai aller le trouver pour lui dire que s’il veut réviser avec moi, ce sera pour une autre fois…)

J’ai ensuite rassemblé mes affaires, en me disant que les membres des clubs de basket devaient y être encore pour la plupart et suis parti de la salle de classe.

Alors que j’allais emprunter le couloir qui menait au gymnase, j’ai entendu des voix féminines y provenant… ainsi que l’évocation de mon nom.

-Sérieux ! Pourquoi il traîne avec elle, Kamiya ?

J’ai vite reconnu la voix des amies de Kamiya. Elles devaient l’attendre pour traîner avec lui avant de rentrer chez eux ou quelque chose comme ça. N’ayant pas avant de croiser leur chemin, je me caché au coin et me suis mise à attendre qu’elles s’en aillent.

-Paraît qu’il a flashé sur elle depuis plus ou moins la rentrée…

-Il est bête ou quoi ? Elle est pas si jolie, en plus ! Qu’est-ce qu’il lui trouve ?

-Elle doit les rappeler les filles en Amérique. T’as bien vue ses oreilles couvertes de trous, à cette fille ! En-dehors du lycée, ça doit être une espèce de punk…

-En plus, elle doit se la jouer parce qu’elle vit avec Yuna-chan !

-J’ai cru devenir dingue, quand j’ai su ! « Nishiyama », c’est plutôt courant comme nom de famille ! Tu crois que Yuna-chan se comporte comment avec cette garce, à la maison ?

-À mon avis, elles doivent se disputer souvent en privée. T’imagines ? Tu vas bientôt te marier et d’un coup, tu te retrouves à t’occuper des mômes de quelqu’un d’autre ! La pauvre ! Elle donne le change en public mais avec la punk, elle doit voir rouge tout le temps

-C’est clair !

Je ne savais pas ce qui me retenait de sortir de ma cachette et de leur montrer que « la punk » savait aussi se servir un peu de ses deux poings. Mais faire ça ne ferait que leur donner des armes supplémentaires pour ternir mon image déjà peu reluisante ici.

Ayant marre d’attendre qu’elles partent et n’ayant plus la patience ni l’envie de prévenir Kamiya de vive, j’étais sur le point de partir en me disant que je lui enverrai un message pour le prévenir que je rentrais plutôt…

(… Merde, c’est vrai. J’ai toujours refusé de lui donner mes coordonnées ou de prendre les siennes… Bon, tant pis. Je m’excuserai demain en le voyant.)

Sur le point de faire le premier pas pour mon départ, quelque chose me stoppa net :

-JIN ! cria soudainement l’un des filles. On est là !

-Ah ? Vous m’attendiez, les filles ?

C’était bien la voix de Kamiya. Je voulais partir mais le fait de savoir qu’il était là m’en dissuada et je me mis à écouter ce qu’ils se disaient :

-On va se faire un petit karaoké avant de rentrer et on voulait savoir si tu voulais venir, dit l’une d’elles.

-Ah… Désolé mais je dois retrouver Nishiyama. Elle m’aide à réviser, avec les examens qui approchent…

-Allez ! Viens ! En plus, t’as pas besoin d’elle pour réviser. On peut aider nous. Et avec de la chance, on pourra faire plus qu’étudier…

-C’est clair ! dit fièrement sa copine.

J’hallucinais d’entendre que ces connes étaient prêtes à lâcher si facilement leur culotte juste pour le convaincre de venir faire un karaoké. Je ne savais pas si je devais rire de leur connerie ou pleurer de l’image de fille facile qu’elles venaient de se donner. Mais dans les deux cas, je préférais rester silencieuse. Du moins, jusqu’à la fin.

-Très tentant, admit Kamiya. Mais vraiment, je peux pas ! Je dois réussir mes examens. Sinon, je suis bon pour les cours de rattrapages en été et privé de pratique du club jusqu’à ce que j’obtienne mes notes de rattrapage. Promis ! Je me rattraperai pendant les vacances !

-D’accord, on comprend que tu veuilles réussir tes exam’ mais…

-Mais pourquoi réviser avec Nishiyama ? Y a mieux, non ?

Il y eu… un silence. De quelques instants.

-Qu’est-ce que tu veux dire ?

Le ton de Kamiya était différent. Lui qui était habituellement chaleureux, voilà maintenant qu’il semblait froid et légèrement irrité.

-Je… je veux dire ! Elle n’est pas si bonne élève que ça. D’autres pourraient mieux t’aider dans tes révisions. Et puis, franchement… Tu devrais arrêter de lui parler. Sur LINE, ton image en prend un peu un coup, à cause d’elle. Ta popularité…

-Je m’en tape, de ça. Et puis, si je discute avec elle, c’est parce que je la trouve sympa.

-Oui mais… Tu lui demandes tous les jours de sortir avec toi et elle refuse. Ça fait rire les garçons mais certaines filles trouvent que tu ferais mieux de lâcher l’affaire et de regarder celles qui s’intéressent à toi !

-C’est vrai, ajouta l’autre fille. Comme cette fille de la classe 1-3 qui t’a…

-Je lui ai dit que j’en aimais une autre et ça s’est arrêté là, coupa Kamiya en ne cachant plus son irritation. Sérieux, vous vous prenez trop la tête, avec mon image. D’abord, ça ne concerne que moi. Maintenant si vous m’excusez, elle doit m’attendre…

Je l’ai entendu commencer à s’avancer dans ma direction. J’étais un peu en panique ! Je ne voulais pas le voir ! Pas comme ça ! Je me suis donc plus plaqué contre le mur, en espérant qu’il ne me remarque pas quand il passerait.

-Attends ! cria l’une de ses amies.

Visiblement, ils avaient encore des choses à se dire et comme je ne pouvais pas sortir comme ça, mon stress a monté en flèche, alors que j’étais coincé à écouter la suite.

-Je comprends pas ! Pourquoi elle t’intéresse tant, cette fille ?! Elle a rien de si spécial, si on enlève les oreilles percées !

Un nouveau silence. Court, avant qu’il ne lui réponde :

-J’suis pas d’accord. Moi, je trouve qu’elle un petit truc en plus. Je sais pas quoi, exactement… Et c’est pour ça que j’essaie de me rapprocher d’elle.

-Qui te dit que c’est de l’amour, d’abord ?!

-J’en sais ! Mais c’est justement pour ça que je ne sais pas que je veux savoir !

-Elle t’a jeté plus d’une fois… Et pourtant, tu t’accroches. Pourquoi ?

-Parce que je suis un idiot !

Il avait dit si haut et fort ; avec tant de fierté… Je n’ai pas pu m’empêcher de laisser échapper un rire. Assez fort pour qu’ils m’entendent.

-Que !?

-Qui est là ?

Cela ne servait plus à rien de se cacher. Et de toute façon, j’allais avoir du mal à cacher mon rire plus longtemps. Autant se dévoiler, non ?

Je suis donc sorti de ma cachette improvisée, sous le regard médusé de ces deux filles et de Kamiya, qui paraissait le plus surpris.

-Ni… Nishiyama ?! Depuis combien de temps tu…

-Assez pour t’entendre dire que j’avais ce « petit truc » qui te poussait à mieux me connaître. Et aussi à me faire une déclaration par jour.

-Gnhg !

-Et assez pour entendre tes « amies » baver sur moi et en partie sur Yuna…

-On a pas…

-Ferme-là.

Court, sec, glaçant et précis. Mon ordre, additionné à mon ton et mon regard menaçant, lui ont suffit pour lui clouer le bec.

(Il faudra que je remercie Shûhei pour cette petite astuce. Je pensais pas que ça marcherait aussi bien !)

J’ai alors reporté mon attention sur Kamiya, qui lui était bouche bée face à ma capacité.

-Désolée, Kamiya. Mais ce soir, je rentre tôt. Tu vas devoir te débrouiller pour tes révisions. On remet ça demain ?

-Hein !? TU me proposes, à MOI, de réviser ensemble ? De ton plein gré !

-Si tu veux pas, je…

-NON, NON, NON !! Je veux dire ! Oui ! On peut remettre ça à demain !

-Bien. Bon, à demain, alors.

J’ai alors tourné les talons et ai commencé à partir, quand Kamiya m’interpella :

-Nishiyama ! Tu veux bien sortir avec moi ?

Je me suis arrêté net et l’ai regardé avec une si grande lassitude…

-Deux fois en une journée ? Vraiment ?

-Je suis persistant ! Et qui ne tente rien n’a rien !

-Forceur, va…

Toutefois, pour la première fois depuis notre première rencontre, je le regardais d’un autre œil. Puis, je lui ai répondu :

-Je vais y réfléchir. Après les examens.

Ce n’était qu’une impression mais à la vue de sa réaction, j’avais l’impression que son cerveau avait planté quand je lui ai dit ça. Et celui de ses amies aussi.

Quand je suis enfin parti, j’ai rigolé intérieurement. Je n’étais pas vraiment sérieuse quand je lui ai dit que j’allais y réfléchir. C’était juste une petite vengeance face à ses demandes répétées de sortir avec lui, en espérant m’avoir à l’usure.

Je n’étais pas amoureuse de lui. Mais à présent, je ne pouvais pas dire que je ne l’appréciais pas.

Le premier jour des examens était là. Et nous, pauvres élèves que nous étions, n’avions plus qu’à espérer que nos préparations furent suffisantes pour réussir notre mission…

Une mission-suicide, oui !

Shûhei m’avait un jour dit que, de son point de vue de l’époque, les examens était un champ de bataille où l’on éprouvait durement les armes acquises et fabriqués pendant et après les cours. J’ai d’abord pensé que c’était de lui, mais il m’a avoué que la base venait de l’inspiration d’un manga qu’il avait lu plus jeune. J’ai été un peu déçue, certes, mais la métaphore n’était pas si bête, quand on prenait le temps d’y réfléchir…

On m’avait dit que les examens de fin de trimestre à Hoshi étaient dure mais on n’était si loin de la réalité… J’avais l’impression de passer les concours d’entrée à l’université ! Moi, une petite lycéenne d’à peine seize ans ! J’avais révisé à fond ces derniers jours, en sacrifiant pas mal de temps de sommeil, mais une fois devant ma première copie, mes doutes et moi faisions une reconstruction de la bataille de Sekigahara dans ma tête ! En plus fantasmé et en plus violent aussi, sans doute…

La personne qui avait rédigé les feuilles d’examens était soit une personne qui désirait que les élèves prouvent leur valeur en montrant qu’ils avaient assimilés le plus de connaissances possibles sur le sujet, soit c’était un sadique. Ou les deux.

Moi qui d’habitude ne levait jamais le nez de ma copie durant un examen, me voilà qui me redressait plus d’une fois pour souffler une minute avant de m’attaquer à la question suivante.

(Pas question de perdre la guerre !)

Sujet après sujet, copies après copies, nous enchaînions sans relâche, nos pauses ne servant que de transition à un nouveau sujet.

Le premier jour terminé, j’étais tellement lessivée que je n’ai pas pris la peine de retirer mon uniforme et suis allé m’effondrer sur le canapé, en suppliant qu’on m’achève…

Le deuxième jour, on recommençait de plus bel, mettant notre mental à rude épreuve. Saya m’avait raconté qu’en France, durant l’examen final qui déterminait si un lycée avait son diplôme ou non, on autorisait les élèves à ramener un petit quelque chose à boire et à manger durant l’épreuve (dans la limite du raisonnable). J’aurais bien aimé qu’on laisse faire la même chose au Japon. Là, je tuerais volontiers pour un soda bien pétillant et bien sucré…

Le troisième jour.

Certains élèves ont craqué. Pas assez solide mentalement. Ils ont dû abandonner leur matière en cours et devraient revenir pour un rattrapage, pour la plupart. D’autres avaient remplis un peu plus de la moitié de leur copie et se résigné à avoir la note qu’ils auraient.

Moi, je ne lâchais rien, mais je me sentais comme une équilibriste au-dessus du vide. À un pas de la chute et de craquer psychologiquement.

Au moins, il était clair qu’on ne les aurait pas volés, ces vacances !

Quatrième jour.

Lui, il a été plus… détente. Du moins, pour moi. Je connaissais le sujet sur le bout des doigts et ma copie était complète à, facilement, vingt minutes avant la fin du temps réglementaire. Certains m’ont regardé avec étonnement, surtout Kamiya, qui semblait être tombé encore plus amoureux de moi après ça. J’avais peut-être mal joué mon coup, finalement…

Dernier jour des examens.

Un seul sujet, le matin.

Je ne m’avançais pas trop en disant que la grande majorité d’entre nous était en pilotage automatique. Je ne me rappelais même plus sujet en lui-même à la fin du temps imparti, une fois que nous avions rendu les copies…

Par bonheur, nous avions tous l’après-midi de libre et les résultats seraient annoncés la dernière semaine de cours, avant les vacances. Quand j’ai demandé aux filles du club ce qu’elles comptaient faire, la Présidente a déclaré que, pour sa part, elle n’en pouvait plus et n’avait pas la force d’enchaîner avec les activités de club. Pareil pour Enoshima et Junko. Igawa ne s’est pas prononcé. Donc, par défaut, pas de club cet après-midi.

En franchissant le portail, je fus interpellé par une voix familière. Qui était-ce ? Kamiya, évidemment !

(Qu’est-ce qu’il me veut, lui !? Je veux rentrer chez moi et dormir…)

-Nishiyama !

-Crie pas… Tu me donnes mal à la tête…

-Ah ! Désolé ! En fait, je voulais te demander…

-Quoi ?

-Tu as vraiment réfléchi à ma proposition ? Tu avais dit que tu y réfléchirais après les examens.

-… Attends, sur le fait de sortir avec toi ? Mais bordel ! On a fini, il y a même pas une demi-journée ! T’abuses !

-Héhé…

-C’est pas drôle !

-Moi, j’aime quand ça va vite, la plupart du temps. Alors ?

J’ai regardé cet abruti attendre sa réponse comme un toutou attendait son os. J’ai profondément soupiré et je lui ai dit ceci :

-Bon, écoute. J’ai bien réfléchi (ce qui est complètement faux mais il n’a pas à le savoir).

-Et ?

(Ce qu’il est chiant !)

-Désolé mais on se connait à peine et j’ai pas envie d’avoir de petit ami.

-Ah… Je vois…

Sa déception cette fois-ci avait l’air plus grande que les fois d’avant.

-Cela dit… Si tu veux, on peut apprendre à mieux se connaître pour être amis.

Là, la flamme dans ses yeux s’est rallumée pour briller comme jamais.

Je faisais peut-être une connerie mais du peu que j’avais pu voir de lui, ce n’était pas un mauvais gars. Apprendre à le connaître ne serait pas un mal.

On a échangé nos coordonnées. Lorsque je lui ai donné mon identifiant LINE, j’ai cru qu’il allait pleurer de joie.

-Par contre, si tu m’envoie ne serait-ce qu’une photo cochonne, je te bloque et je viens te tuer. Et pas forcément dans cet ordre…

Ça, c’était Yuna qui me l’avait appris. Une astuce d’une copine, pour décourager les garçons qu’elle ajoutait en ami sur les réseaux sociaux d’être autre chose que des « amis ». Et vu la pâleur du visage de Kamiya quand je lui ai dit ça, je crois qu’il a capté le message.

Après ça, je suis rentré directement à la maison pour m’écrouler sur ce bon vieux canapé et fusionner avec lui. J’en pouvais plus. Toute la pression se relâchait d’un coup et mon corps en subissait le contrecoup. Je n’avais plus la force de faire quoi que ce soit.

J’avais besoin de resté allongé ici… Un moment… Un bon… petit… moment…

L’instant d’après, je me suis sentie apaisée, détendue, légère…

Puis, le trou noir.

Blackout complet.

Quand j’ai repris mes esprits, la lumière du plafond était allumée et Miku regardait la télé, avec le volume peu élévé, sans doute pour ne pas me réveiller. En bougeant un peu, je me suis rendu compte que j’avais une petite couverture qui couvrait mon bassin et une partie de mes jambes.

-Ah ! fit Miku en voyant. Grand frère ! Grande sœur est réveillée !

-J’ai dormi ?

-Oui ! Tu voulais pas te réveiller ! Je l’ai dit à Grand frère quand il est rentré et il m’a dit de te laisser dormir un peu parce que tu avais beaucoup travaillé, ces derniers jours.

-C’est vrai que j’ai pas mal charbonné… Mais pourquoi la couverture ?

-Grand frère a dit que tu allais prendre froid. Et puis, on voyait ta culotte.


Mon cerveau a planté un court instant, avant que je ne rougisse de honte ! Il l’avait vu !? Mon Dieu, dîtes-moi qu’il ne l’a pas vu avant de me mettre cette couverture !

J’ai jeté un œil en direction de la cuisine, où Shûhei préparait déjà le dîner.

-Shûhei… Tu l’as vu ? ai-je demandé à l’intéressé dans un mélange de honte et de colère.

-… Je ne répondrai pas sans la présence de mon avocat.

-Alors, trouve-toi un bon parce que je vais te poursuivre en justice pour harcèlement sexuel !

C’était la première fois que je me chicanais avec un garçon comme ça, en riant. Shûhei pouvait être bête mais on ne pouvait pas dire qu’il n’était pas prévenant.
(J’espère seulement qu’il n’a VRAIMENT pas vu ma culotte…)

En début de semaine de l’annonce des résultats, en passant le portail du lycée, j’ai reçu ce message de la part de Kamiya :

Tu peux m’envoyer une photo de ta culotte ?

J’ai foncé en salle de classe, pour le trouver en train de faire l’idiot avec ses potes. Tant pis pour les témoins, c’était un homme mort !

-KAMIYA !!

J’ai crié tellement fort que mes camarades ont sursauté et d’autres se sont écartés en me voyant me diriger, furieuse, vers lui, effrayé.

-O… Oui, Nishiyama ?

-C’est quoi, ce foutu message que tu m’as envoyé ?!

-Non ! Attends, c’est pas moi ! C’est eux qui…

-Hein !? s’écria un de ses potes avec son téléphone en main. La Nishiyama dans ton répertoire, c’est…

J’ai fixé cette bande de cons, Kamiya compris, avec mon regard le plus menaçant. Ils ont reculé jusque contre les casiers, celui tenant le téléphone de Kamiya implorant pour sa vie.

-Vous ne le savez pas encore mais vous êtes… déjà mort, ai-je déclaré en faisant craquer mes phalanges.

Mais la chance ou une divinité était avec eux et ils ne durent à leur salut que par la sonnerie de la cloche et l’arrivée du professeur.

À la pause de midi, Kamiya est venu s’excuser pour lui et son ami, en m’expliquant qu’ils ont voulu lui faire une mauvaise blague avec son téléphone. Il m’a convaincu de renoncer à ma vendetta punitive à leur encontre. J’ai accepté, à condition qu’il me payait le repas. Ce qu’il a accepté de bon cœur, avant de commencer à m’exposer ses plans pour l’été et de tenter de me convaincre d’en faire partie.

Il y a quelques mois, j’aurais refusé net. Mais là, comme j’avais dit que je voulais apprendre à le connaître, j’ai dû me montrer plus conciliante. Et ça lui a fait plaisir.

Les vacances d’été étaient proches et elles seraient bien remplies, à mon avis.

Ah, oui. J’ai réussi à avoir un peu plus de la moyenne dans toutes les matières. Kamiya aussi a réussi. De justesse. Grâce à moi, a-t-il dit. S’il continuait à me flatter de cette manière…

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