1780
En l'an 1780.
Dans les premiers mois, Charles-César de La Tour-Maubourg est nommé capitaine au régiment de Noailles.
Le 1er mars, le marquis de La Fayette ayant demandé au Roi la permission de rejoindre l'Armée des États-Unis, et d'y servir dans la qualité d'Officier général américain a eu hier l'honneur de prendre congé de Sa Majesté et de la Famille Royale.
Le 9 mars, le major général La Fayette repart en Amérique en éclaireur sur l'Hermione et arrive sur les terres du Nouveau Monde, le 28 avril. Louis, le vicomte de Noailles part aux États-Unis juste après Gilbert dans l'état-major du lieutenant-général Rochambeau qui s'installe à Newport le 12 juillet.
Le 18 mars, à Marie-Thérèse : Ensuite, il a été question de choisir les officiers supérieurs qui seront employés pendant la campagne prochaine, soit en Europe, soit en Amérique, et la protection de la Reine a de même beaucoup influé dans ce choix, particulièrement en faveur du marquis de La Fayette, du vicomte de Noailles et du prince Emmanuel de Salm, frère de la princesse de Starhemberg.
Le 7 mai, le duc d'Ayen, capitaine des Gardes du Corps du Roi et Maréchal de camp a eu l'honneur de faire ses remerciements à Sa Majesté, qui lui a permis de se décorer de l'Ordre de la Toison d'or, dont le Roi d'Espagne l'a honoré.
Le 16 juin, Monsieur a reçu le chevalier de l'Ordre de la Toison d'or, le duc d'Ayen, capitaine des Gardes du corps du Roi et Maréchal de camp.
Le 18 juin, la marquise de Saisseval a eu l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la Maréchale de Mouchy, qui a en même temps pris congé pour se rendre à Bordeaux. (Louise de Grimoard de Beauvoir du Roure, Dame d'honneur de la Comtesse de Provence, épouse de Claude-Louis de Saisseval, Capitaine de dragons.)
Le 5 août, Mathias Poncet de La Rivière, ancien Évêque de Troie, et ancien Abbé commendataire de Saint-Benigne de Dijon ; Abbé de l'Abbaye de Cherlieu, Ordre de Saint-Benoît, diocèse de Besançon ; premier Aumonier du feu Roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar ; Doyen de Saint-Marcel, y est mort dans la soixante-douzième année de son âge.
Le 20 septembre, le lieutenant-général Rochambeau, l'amiral de Ternay, le chevalier de Chastellux, le général Washington, le major général Knox et le major général de La Fayette se réunissent à Hartford dans le Connecticut. Jean-Baptiste de Rochambeau avait les mêmes sentiments que Washington envers le marquis de Lafayette et Gilbert de même envers Rochambeau qu'en vers Washington comme deux paternelles d'adoption : « C'est toujours le vieux père Rochambeau qui parle à son cher fils La Fayette, qu'il aime, aimera et estimera jusqu'au dernier soupir. » Ces trois hommes deviendront amis et des symboles de la liberté des États-Unis d'Amérique.
Le 6 octobre, le Maréchal de Mouchy, de retour de son commandement de Guyenne, a eu l'honneur de faire ses révérences au Roi et à la Famille Royale. Dans la même année, monsieur de La Rivière le tuteur maternel de La Fayette décède.
Le marquis de La Fayette écrit une lettre en trois phases à son épouse au mois d'octobre, auprès du fort Lee, vis-à-vis le fort Washington, sur la rivière du Nord, le 7 octobre : « Vous aurez appris, mon cher cœur, tout ce qui a pu vous intéresser sur mon compte, depuis mon arrivée à Boston jusque mon voyage à Rhode Island, où les affaires publiques et le désir particulier de voir mes amis m'ont conduit peu de temps après leur débarquement. J'ai été depuis à Hartford dans le Connecticut pour une entrevue des généraux français avec le général Washington ; mais, des jeunes gens mes amis, il ne s'y est trouvé que Damas (comte Charles de damas). Le vicomte (de Noailles) et moi nous écrivons souvent, mais ne nous voyons guère, et le malheureux reste enfermé à Rhode Island ; l'escadre française y retient l'armée, et y est elle-même retenue par dix-neuf vaisseaux de ligne accompagnés de beaucoup d'autres bâtiments de guerre, avec lesquels M. Rodney promène en triomphe le pavillon britannique. Tant que notre infériorité maritime durera, vous pourrez être tranquille sur la santé de vos amis d'Amérique. Je vais pourtant vous parler de la mienne ; elle a été toujours excellente et ne s'est pas dérangée un seul instant ; la vie de soldat est infiniment frugale, et la chère des officiers généraux de l'armée rebelle est un peu différente de celle que font ceux de l'armée française à Newport. Vous aurez su qu'à mon arrivée en Amérique je trouvai l'armée du général Washington fort exiguë en nombre, et plus encore en ressources. Les espérances n'étaient pas brillantes, et la perte de Charlestown était pour nous un coup de massue. Mais le désir de coopérer avec leurs alliés donna aux États un nouveau ressort. L'armée du général Washington augmenta de plus de moitié, et on y ajouta plus de dix mille hommes de milice qui seraient venus si nous eussions agi offensivement. Il y eut des associations de marchands, des banques patriotiques pour faire subsister l'armée. Les dames firent et font encore des souscriptions pour donner quelques secours aux soldats ; dans le temps que cette idée fut proposée, je me fis votre ambassadeur auprès des dames de Philadelphie, et vous êtes pour cent Guinée sur la liste. Le général Gates eut dans le sud une armée suffisante pour la défensive, mais il a été complètement battu en Caroline. Le fruit de tous ces travaux a été de prouver aux Français que les Américains ne demandaient pas mieux que de seconder leurs vues ; aux Anglais, que la flamme de la liberté n'était point éteinte en Amérique ; et de nous tenir pendant toute la campagne à portée d'une bataille que le général Clinton, quoiqu’égal en nombre, n'a pas jugé à propos d'accepter. Si nous avions eu des vaisseaux, il eut été possible de faire davantage. Comme je sais que tout ce qui m'intéresse vivement devient aussi intéressant pour vous, je vous dirai que nous sommes occupés d'un grand système, qui nous assurerait une armée considérable pour toute la guerre, et qui mettrait en œuvre toutes les ressources dont l'Amérique peut être susceptible. Dieu veuille que le peuple connaisse bien ses vrais intérêts, et nos affaires iront sans peine. M. de Rochambeau et M. de Ternay, ainsi que tous les officiers français, se conduisent fort bien ici. Un petit excès de franchise m'a occasionné un léger débat avec ces généraux. Comme j'ai vu que je ne persuadais pas, et qu'il est intéressant à la chose publique que nous soyons bons amis, j'ai dit à tort et à travers que je m'étais trompé, que j'avais commis une faute, et j'ai en propres termes demandé pardon, ce qui a eu un si merveilleux effet que nous sommes mieux que jamais à présent. Je commande un camp volant qui fait toujours l'avant-garde, et est indépendant de la grande armée ; cela est beaucoup trop beau pour notre situation pacifique. »
Sur la rivière d'Hackensack, le 8 octobre : « Vous apprendrez, mon cher cœur, un événement important et où l'Amérique l'a échappée belle ; c'est une conspiration affreuse tramée par le fameux Arnold ; il avait vendu aux Anglais le fort de West Point où il commandait et par conséquent le cours de la rivière du Nord ; il ne s'en est fallu que d'un rien que cette conjuration ait été exécutée, et il y a eu autant de hasards combinés que dans l'affaire de l'Alliance dont je vous ai souvent parlé. Après notre voyage d'Hartford, le général Washington passa par West Point qui n'était pas dans son chemin ; mais il voulait me montrer les ouvrages qui ont été faits depuis mon départ pour la France. Retenus par différents accidents le long de la route, nous sommes arrivés dans la maison du traître au moment où il venait de recevoir des lettres qui l'ont découvert. Il n'avait pas le temps d'intercepter ces preuves de son infamie, et par conséquent il n'a pu que se sauver à New York une demi-heure avant notre arrivée. L'adjudant général de l'armée anglaise a été arrêté sous un habit et un nom déguisés. C'était un homme intéressant, le confident et l'ami du général Clinton ; il s'est conduit d'une manière si franche, si noble, si délicate, que je n'ai pu m'empêcher de le regretter infiniment. J'ai eu un grand plaisir à lire les lettres de mes charmantes sœurs, je leur écrirai demain, et je vais toujours envoyer ce griffonnage, de peur que la frégate ne parte. Je finis ma lettre ici, après l'avoir commencée un peu plus près des ennemis ; nous y avons été pour protéger une petite entreprise d'un détachement de mon avant-garde, qui s'est bornée à prendre deux officiers et une quinzaine d'hommes et de chevaux. Nous marchons à présent vers un endroit que vous trouverez marqué sur la carte, Totawa, où la grande armée doit aussi se rendre. J'écrirai de là à madame d'Ayen et à mes sœurs. »
De Totawa-Bridge, le 10 octobre : « Je vais fermer ma lettre, mais avant de la cacheter, je veux vous parler encore un petit moment de ma tendresse. Le général Washington a été bien sensible à ce que je lui ai dit pour vous ; il me charge de vous présenter ses plus tendres sentiments ; il en a beaucoup pour George (le petit Lafayette). Il a été fort touché du nom que nous lui avons donné. Nous parlons souvent de vous et de la petite famille ; adieu, adieu. »
Le 13 novembre, le marquis de La Fayette écrit à Washington, en faveur de son beau-frère et quatre autres personnes : « Ces cinq officiers peuvent par leur existence dans leur pays, être regardés comme les personnes les plus considérables de l'armée française. » Le vicomte bénéficiera de la popularité de Lafayette auprès des Américains.
Le 27 novembre, La Fayette va avec son beau-frère le vicomte de Noailles, à Paramus, reconnaître l'île de New York...
Le 5 décembre, La Fayette assiste à l'assemblée dans l'Hôtel de Ville de Philadelphie en compagnie du vicomte de Noailles, de ses deux aides de camp et du chevalier de Chastellux.
Le 15 décembre, le major général Lafayette est élu membre de l'académie de Philadelphie.
En l'an 1781.
Au début de l'année, alors que son mari se trouve aux États-Unis, Louise, la vicomtesse de Noailles, perd sa première fille Adrienne d'une longue maladie. Madame Lafayette reçoit une lettre, de New-Windsor, sur la rivière du Nord, le 2 février : « La personne qui vous remettra cette lettre, mon cher cœur, est un homme que j'aime beaucoup et avec qui je désire que vous fassiez une intime connaissance ; il est fils du président Laurens, nouvellement établi à la Tour de Londres ; il est lieutenant-colonel à notre service, et aide de camp du général Washington ; il est envoyé par le congrès pour une mission particulière à la cour de France. Je l'ai beaucoup connu pendant les deux premières campagnes, et son honnêteté, sa franchise, son patriotisme m'ont particulièrement attaché à lui. Le général Washington l'aime beaucoup, et de tous les Américains que vous avez été à portée de voir, c'est celui que je désire vous voir recevoir le plus amicalement. Si j'étais en France, il vivrait toujours avec moi, je le mènerais chez mes amis et amies ; je l'ai même présenté par lettre à quelques-uns ; je lui donnerais tous les moyens de faire des connaissances ou d'être agréablement à Versailles, qui seraient en mon pouvoir ; et pendant mon absence, je vous prie de vouloir bien me remplacer. Menez-le chez madame d'Ayen, le maréchal de Mouchy, M. le maréchal de Noailles, et traitez-le comme un ami de la maison ; il vous dira tout ce qui s'est passé pendant notre campagne, la situation où nous sommes à présent et tous les détails qui peuvent me regarder. Depuis que je suis ici, ma santé n'a pas un instant cessé d'être parfaite. L'air de ce pays est excellent pour moi, et l'exercice m'est infiniment utile ; celui que j'ai fait la campagne passée ne m'a pas trop conduit dans les dangers ; et sur cet article-là, nous avons médiocrement à nous vanter. L'escadre française a toujours été bloquée à Rhode Island, et j'imagine que le chevalier de Ternay en est mort de chagrin (décédé le 15 décembre après une courte maladie). Quoi qu'il en soit, il est mort : c'était un homme bourru et entêté, mais ferme, voyant bien, ayant de l'esprit, et tout bien considéré, c'est une perte que nous faisons. L'armée française est constamment restée à Newport, et quoique sa présence ait réellement été très utile, quoiqu'elle ait dérangé des projets ennemis qui nous eussent fait bien du mal, elle aurait pu mieux faire encore, si elle n'avait pas été bloquée. Il a passé beaucoup de Français par le quartier général ; ils ont tous été charmés du général Washington, et je vois avec grand plaisir qu'il sera très aimé par les troupes auxiliaires. Laval et Custine se sont disputés tout le long du chemin, et à chaque position auraient mieux fait que les généraux américains et anglais, mais jamais de la même manière l'un que l'autre. Le vicomte et Damas ont fait un grand voyage dans le continent ; nous avons eu aussi le comte des Deux-Ponts que j'aime beaucoup ; M. de Charlus est à présent à Philadelphie. Je compte partir vers le 15 pour Rhode Island, et j'accompagnerai le général Washington dans la visite qu'il va faire à l'armée française. Quand vous vous rappellerez ce qu'étaient en France ces pauvres rebelles, lorsque je suis venu me faire pendre avec eux, et quand vous songerez à mon tendre sentiment pour le général Washington, vous sentirez combien il me sera doux de le voir recevoir là comme généralissime des armées des deux nations. Je suis toujours comblé de bontés par les Américains, et il n'est pas de marques d'affection, de confiance, que je n'éprouve tous les jours, soit du peuple, soit de l'armée. Je sers ici le plus agréablement possible ; toutes les fois qu'on est en campagne. Je commande un camp volant séparé, composé de l'élite des troupes ; je sens pour les officiers et soldats américains cette amitié que donne une longue suite de dangers, de souffrances, de bonne et de mauvaise fortune, que j'ai partagée avec eux ; nous avons commencé ensemble ; nos affaires ont souvent été au plus bas possible ; il m'est doux de couronner l'œuvre avec eux en donnant aux troupes européennes une bonne idée des soldats qui se sont formés avec nous. À tous ces motifs d'intérêt pour la cause et d'intérêt pour l'armée se joignent les sentiments qui m'unissent au général Washington ; parmi ses aides de camp, il a toujours un homme que j'aime beaucoup, et dont je vous ai souvent parlé : c'est le colonel Hamilton. Je m'en rapporte au colonel Laurens pour vous répéter les détails de notre campagne ; nous sommes restés assez près des Anglais pour nous faire trouver hardis, mais ils n'ont voulu profiter d'aucunes occasion. Nous sommes tous en quartier d'hiver dans cette partie-ci. On agit dans le sud, et j'ai été prêt à y aller ; mais le désir du général Washington et l'espérance d'être utile à mes compatriotes m'ont retenu. Le corps que je commandais étant rentré dans les régiments, je suis établi au quartier général. L'Amérique avait fait l'été dernier de grands efforts, elle les recommence cet hiver, mais d'une manière plus durable en engageant que pour la guerre, et j'espère qu'on ne sera pas mécontent de nous. Arnold, à présent devenu général anglais, a débarqué en Virginie avec un corps qui paraît fort content de servir sous ses ordres ; il ne faut pas disputer des goûts, mais je ne suis pas fâché de voir nos ennemis se dégrader un peu, et cela, pour employer un de nos généraux, dont, avant même de connaître son cœur, nous estimions peu les talents ; il faut qu'ils soient rares à New York. À propos d'avilissement, le colonel Laurens vous racontera la belle ambassade du général Clinton à quelques soldats révoltés ; il vous donnera aussi les détails de cette révolte, de la manière qu'on a pris avec les Pennsylvaniens, de celle que nous avons employée avec quelques troupes du Jersey, et de la conduite d'un détachement de troupes nationales ; cela prouve seulement que la patience humaine a ses bornes, et comme aucune armée Européenne n'en souffrirait la dixième partie, qu'il faut des citoyens pour supporter la nudité, la faim, les travaux et le manque absolu de paye qui constituent l'état de nos soldats, les plus endurcis, je crois, et les plus patients qu'il y ait au monde. Embrassez nos enfants mille et mille fois pour moi ; pour être vagabond, leur père n'en est pas moins tendre, moins constamment occupé d'eux, moins heureux d'apprendre de leurs nouvelles. Mon cœur entrevoit comme une délicieuse perspective le moment où mes chers enfants me seront représentés par vous, et où nous pourrons les embrasser et les caresser ensemble ; croyez-vous qu'Anastasie me reconnaîtra ? Embrassez tendrement pour moi ma chère et aimable vicomtesse, madame du Roure, mes deux sœurs de Noailles et d'Ayen, etc., etc. »
Le 13 juillet, à Bordeaux, le Maréchal duc de Mouchy, Grand d'Espagne de la première classe, chevalier des Ordres du Roi, commandant en chef de la province de Guyenne, en vertu d'une commission extraordinaire du Roi, a reçu au nom de Sa Majesté, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, le Sieur Ballias, ancien capitoul de Toulouse, Gentilhomme honoraire de la vénerie de Monsieur, frère du Roi.
Pendant que le général Lafayette bougeait, il prit le temps d'écrire à sa femme, du camp entre les branches d'Yorck-River, le 24 août : « Le séjour de Virginie n'est rien moins que favorable à ma correspondance ; ce n'est pas aux affaires que je m'en prends, et trouvant tant de temps pour m'occuper de ma tendresse, j'en trouverais bien aussi pour vous en assurer ; mais il n'y a point d'occasion ici, nous sommes forcés d'envoyer les lettres au hasard à Philadelphie ; ces risques-là, réunis à ceux de la mer, et le redoublement de retards doivent nécessairement rendre plus difficile l'arrivée des lettres ; si vous en recevez plus de l'armée française que de celle de Virginie, il serait injuste d'imaginer que je suis coupable. L'amour-propre dont vous m'honorez a peut-être été flatté du rôle qu'on m'a forcé de jouer ; vous aurez espéré qu'on ne pouvait pas être également gauche sur tous les théâtres ; mais je vous accuserais d'un terrible accès de vanité (car tout étant commun entre nous, c'est être vaine que de me trop estimer), si vous n'aviez pas tremblé pour les dangers que je courrais ; ce n'est pas des coups de canon que je parle, mais des coups de maître beaucoup plus dangereux que me faisait craindre Lord Cornwallis. Il n'était pas raisonnable de me confier un tel commandement ; si j'avais été malheureux, le public aurait traité cette partialité d'aveuglement. Pour recommencer presque au déluge, je vous rappellerai la pauvre expédition de Portsmouth. Le général Rochambeau avait le projet d'y joindre mille Français sous le baron de Viomenil. Vous aurez appris comment l'escadre française acquit beaucoup de gloire, tandis que l'escadre anglaise remplissait son objet. L'amiral Arbuthnot vous aura dit ensuite que j'étais bloqué, blocus qui, sans être marins, ne nous arrêta pas quatre heures. Vous aurez ensuite appris que le général Phillips ayant fait des préparatifs à Portsmouth, nous courûmes à toutes jambes à Richmond où nous arrivâmes presque en même temps, mais où j'arrivai le premier. Ensuite ils vinrent de New York et de Caroline se joindre aux troupes de Virginie ; tout cela fut réuni sous le formidable lord Cornwallis qui abandonna ses premières conquêtes pour remplir le plan ministériel par la conquête de la Virginie. Ce n'est pas sans peine que nous évitâmes la bataille qu'il cherchait ; après bien des courses, nous devînmes plus forts qu'au commencement, et nous fîmes semblant d'être bien plus forts encore ; nous regagnâmes ce que nous avions perdu sans risquer de bataille, et après deux petites affaires, l'armée ennemie se porta sur Portsmouth qu'elle a ensuite évacué et dont nous avons rasé les fortifications. Ils sont actuellement dans la rivière d'Yorck où ils se sont rendus par eau. S'il arrivait une supériorité maritime en laquelle nous espérons fermement, je me saurais bon gré que la campagne eut fini par cette position pour l'armée anglaise. Les troupes françaises et les troupes américaines devant New York sont sous les ordres du généralissime. Mon ami Greene a eu beaucoup de succès en Caroline, et cette campagne a pris partout une beaucoup meilleure tournure que nous ne devions espérer. Peut-être pourra-t-elle finir forte agréablement. On prétend que le ministère britannique envoie ici le gouverneur de Virginie ; j'ai peur qu'ils n'aient eu trop d'espérances sur les succès de leur armée ; les Pennsylvaniens qui devaient les joindre sont ici avec nous. Sans la vertu, le zèle et le courage des troupes réglées que j'avais, il m'eut été impossible de me tirer d'affaire. Je ne puis assez répéter mes obligations, surtout à ceux avec lesquels j'ai commencé cette fatigante campagne. La milice a fait ce qu'elle a pu. J'ai été fort content de notre petite armée et désire fort qu'elle l'ait été de moi. Je dois vous parler de ma santé ; cet article est un peu monotone ; car à chaque fois je ne puis que répéter l'éloge de mon tempérament ; le soleil de Virginie a très mauvaise réputation et l'on m'avait fait des prédictions effrayantes ; effectivement, beaucoup de personnes ont eu la fièvre ; mais ce climat est pour moi aussi bon que tout autre, et le seul effet qu'ait eu la fatigue sur moi est un redoublement d'appétit. »
Le 19 octobre, le vicomte de Noailles et le colonel Laurens dressent les articles de la capitulation à Yorktown, conjointement avec deux officiers supérieurs du Lord Cornwallis.
Le major général Lafayette écrit une lettre à son épouse, à bord de la Ville de Paris, dans la baie de Chesapeak, le 22 octobre : « Voici le dernier instant, mon cher cœur, où il me soit possible de vous écrire ; M. de Lauzun va joindre la frégate et partir pour l'Europe ; quelques affaires avec l'amiral me procurent le plaisir de vous donner des nouvelles plus fraîches de deux jours ; celles qui ont rapport aux événements publics seront détaillées par M. de Lauzun ; la fin de cette campagne est vraiment brillante pour les troupes alliées ; il y a eu dans nos mouvements un ensemble rare, et je serais dégoûté, si je n'étais pas content de la fin de ma campagne en Virginie. Vous aurez su toutes les fatigues que la supériorité et les talents de lord Cornwallis m'ont données ; l'avantage que nous eûmes ensuite de recouvrer le terrain perdu et qui a fini par la position, où il nous fallait Lord Cornwallis pour le prendre ; c'est dans ce moment que tout le monde a fondu sur lui. Je compte parmi mes plus beaux instants le temps où la division de M. de Saint-Simon est restée réunie à mon armée, et ceux où j'ai alternativement commandé les trois maréchaux de camp avec les troupes sous leurs ordres. Je plains lord Cornwallis dont j'ai la plus haute idée ; il veut bien me témoigner quelque estime, et après m'être donné le plaisir dans la capitulation de faire rendre les malhonnêtetés de Charlestown, je ne compte pas porter plus loin la vengeance. Ma santé est excellente, il ne m'est arrivé aucune malencontre pendant nos opérations. Présentez mes plus tendres hommages à madame d'Ayen, à M. le maréchal de Noailles ; mille compliments à toutes mes sœurs, à l'abbé Fayon, à M. de Margelay. J'embrasse mille et mille fois nos chers enfants. Adieu, adieu. »
Le 28 octobre, le Roi, sur les représentations du Maréchal duc de Mouchy, a donné, par Lettres patentes, une nouvelle forme à l'établissement de l'infirmerie royale, fondée par Louis XIV ; Sa Majesté en a augmenté en même temps de 20 000 livres la dotation annuelle, et ordonné la construction de bâtiments plus spacieux.
Le 23 décembre, le général La Fayette quitte le port de Boston sur l'Alliance ; il recevra la médaille de Cincinnati (décoration américaine dessinée par le français L'Enfant).
En l'an 1782.
Le 18 janvier, le marquis de La Fayette rentre de la guerre d'indépendance et il est promu maréchal de camp à effet immédiat à la prise de York, ordre du Roi ; le vicomte de Noailles l'accompagne au retour.
Le 21 janvier, le « chevalier de Chavaillac » rentre dans Paris et rejoins Dame La Fayette son épouse à l'hôtel de Noailles. On eut toutes les peines du monde à retenir la jeune épouse de se jeter dans la foule pour aller à sa rencontre. La Reine, avertie de son embarras, envoya un de ses propres carrosses pour la prendre. La marquise arriva ainsi à l'hôtel de Noailles. Le jeune marquis, ayant entendu sa voix, s'élança des appartements, vola à la portière, reçut entre ses bras sa tendre épouse, à qui l'excès de la joie avait ôté la connaissance. Il la porta de la sorte entre ses bras, au milieu des applaudissements d'une multitude qui ne pouvait s'empêcher de faire éclater sa sensibilité sur cette scène touchante de la tendresse conjugale. »
Le 2 février, le marquis de La Fayette revend son régiment de dragons au vicomte de Noailles pour soixante mille livres.
Après le 10 février, la liaison entre Diane de Simiane et Gilbert du Motier commence et deviendra une amitié fidèle après la mort d'Adrienne sans vraiment se voir à partir de 1809.
Le 22 mai, Marie-Louise de Noailles, Dame de feues Mesdames les Dauphines et de Madame, veuve de Jacques Nompar de Chaumont, Pair de France, est morte au palais du Luxembourg dans la soixante-douzième année de son âge.
Le 24 juin, le marquis de La Fayette visite la loge franc-maçonnerie de Saint-Jean d'Écosse, loge principale du Rit écossais et est nommé membre de l'atelier en tant que Maître.
Le 17 septembre, Adrienne, la marquise de La Fayette met au monde leur troisième fille, Marie-Antoinette-Virginie. (Virginie par apport à la terre coloniale du général Washington)
Le 12 octobre, le navire américain Le Marquis de La Fayette parti de Salem, est arrivé au bas de la rivière de Nantes le 13 novembre, avec le bâtiment anglais le Tartar, dont il s'est emparé dans sa traversée.
Le 25 novembre, le maréchal général des logis La Fayette part pour Brest afin de servir sous les ordres de l'amiral d'Estaing pour une expédition avec les Espagnols contre les Anglais.
Fin décembre, Lafayette arrive à Cadix avec son uniforme américain de major général, où se trouve le comte d'Estaing. (L'expédition ne se fera pas puisque le traité entre la France et l'Angleterre fut signé à Versailles.)
Dans l'année, Victor de La Tour-Maubourg devient mousquetaire dans le régiment de la Reine.
En l'an 1783.
Le 17 février, le marquis de La Fayette est reçu par le Roi Charles III à Madrid où il doit traiter des affaires entre l'Espagne et les États-Unis avec le comte de Florida-Blanca.
Le 2 mars, le général Lafayette arrive à Bordeaux de Madrid.
Le 19 mars, Gilbert fait un voyage en Auvergne où sa tante Marguerite-Madeleine Motier de La Fayette est décédée.
Le 27 mars, plutôt que de vendre le blé de ses greniers, il décide de le donner aux gens de ses domaines : « M. le marquis de La Fayette... m'a paru fortement touché de l'alarme généralement répandue sur le succès de la récolte prochaine... il s'occupe de faire distribuer cent septiers de seigle qui seront donnés gratuitement aux pauvres. »
Le 4 mai, Leurs Majestés et la Famille Royale ont signé le contrat de mariage du marquis de Montagu, avec Demoiselle d'Ayen.
Le 5 mai, le marquis de La Fayette est décoré de la Croix de Saint Louis par le Roi, alors qu'il a atteint ses vingt-six ans pour ses services en Amérique.
Le 12 mai, mademoiselle de Maintenon, Anne-Pauline-Dominique de Noailles, née en 1766, épouse Joachim de Montagu-Beaune, marquis de Bouzols ; il décèdera le 8 janvier 1834 de maladie.
Après cette date, Lafayette ayant atteint sa majorité (25 ans) le couple s'installe dans leur propre demeure, rue de Bourbon à Paris. Ils invitèrent Benjamin Franklin, John et Abigail Adams, Thomas Jefferson, Thomas Paine, Gouverneur Morris et autres américains, ainsi que l'anglais William Pitt le Jeune.
Le 18 mai, le comte d'Agoult nouveau aide-major-général des gardes du corps du Roi a en cette qualité, eu, l'honneur de faire ses remerciements à Monsieur, lui étant présenté par le marquis de Noailles, Premier gentilhomme de la chambre de ce Prince.
Le 19 mai, la marquise de Montagu a eu l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la marquise de Bouzols.
Louise, la vicomtesse de Noailles donna naissance le 1er juin à un garçon prénommé Louis-Joseph-Alexis.
Au mois de juillet, le général Lafayette ramène sa seconde tante à Chavagniac qui a séjourné à Paris, il est accompagné de son épouse et de Clotilde, la comtesse de Roure.
Le 29 juillet, le marquis de Noailles, que le Roi a nommé son Ambassadeur extraordinaire auprès de l'Empereur, Roi de Hongrie et de Bohême, a eu l'honneur de faire, en cette qualité, ses remerciements à Sa Majesté, lui étant présenté par le comte de Vergennes, Chef du conseil royal des finances, Ministre et secrétaire d'État ayant le département des Affaires étrangères.
Le 3 septembre, le marquis de La Fayette assiste à la signature du traité de Versailles concernant l'indépendance des États-Unis d'Amérique.
Le 3 octobre, le Maréchal duc de Mouchy, lieutenant général de la Guyenne, a eu à son arrivée à Paris, l'honneur de faire sa révérence à Leurs Majestés et à la Famille Royale. La Maréchale de Mouchy a aussi eu cet honneur.
Le 8 décembre, le paquebot américain Le Washington est arrivé au Havre. À bord de ce bâtiment a passé le Major l'Enfant, chargé des ordres de la Société de Cincinnatus. L'Ordre distinctif de la Société, est le Bald-Eagle, Aigle américain particulier à ces contrées : il porte des emblèmes relatifs à la gloire et au désintéressement de Cincinnatus, dont la situation est analogue à celle des officiers américains. Le Général Washington, Président de la Société, écrit en cette qualité au marquis de La Fayette, pour qu'il reçoive la signature des officiers de l'Armée américaine, à présent en Europe, qui auront rempli les conditions prescrites, et pour qu'il leur délivre les marques de l'Ordre de Cincinnatus.
Dans la même année, le marquis écrit une lettre à George Washington sur l'abolition de l'esclavage : « Un tel exemple, donné par vous, pourrait être généralement suivi, et si nous réussissions en Amérique, je consacrerais une partie de mon temps à mettre cette idée à la mode dans les Antilles. Si c'est un projet bizarre, j'aime mieux être fou de cette manière que d'être jugé sage par une conduite opposée. »
En l'an 1784.
Le 19 janvier, chez M. de Lafayette, les officiers américains et français réunis en ce lieu furent décorés de la croix de Cincinnatus par Lafayette : le comte de Rochambeau, les généraux, les colonels et les amiraux ; plus tard, alors oublié : le capitaine de La Pérouse.
Le 5 avril, le marquis de La Fayette devient un disciple du docteur Mesmer, intéressé par son magnétisme animal.
Le 24 avril, Marie-Thérèse de Noailles, veuve du duc de la Valière, Pair de France, et Dame du Palais de Madame la Duchesse de Bourgogne, mère du feu Roi, est morte âgée de quatre-vingt-dix-neuf ans six mois douze jours.
Le 18 juin, le marquis de La Fayette s'en retourne aux États-Unis avec le chevalier de Caraman sur l'invitation de George Washington : le 4 août, il arrive à New York, le 10 août à Philadelphie, le 17 août à Mount Vernon.
Accompagné de messieurs de Caraman et de Marbois, il se rend au fort Schuyler pour l'assemblée du 26 septembre avec les Amérindiens dont ils rencontrèrent les chefs Tocksicanéhiou, la Sauterelle, Hoktawitchy et Towanéganda. Vers la fin du voyage, l'État du Maryland donne au marquis des lettres de naturalisation : « Il a été arrêté par l'Assemblée générale du Maryland que mondit sieur marquis de La Fayette et ses descendants mâles seront à jamais et sont dès ce moment reconnus pour sujets de cet État, et jouiront dorénavant des immunités, droits et privilèges de citoyens, en se conformant aux lois et à la constitution dudit État. »
Il repart pour la France, le 21 décembre. Il ramène avec lui un indien âgé de treize ans du nom de Kalenhala dont il sera le père adoptif. Ce sont les Amérindiens qui le lui ont offert en cadeau (l'enfant retournera dans son pays ne supportant pas la vie en ville).
Le 22 juillet, la marquise de La Fayette est au château de Chavaniac où habite Charlotte de Chavaniac, la deuxième tante de Gilbert.
En été, Pauline, Mme de Montagu met au monde une fille.
Le 15 septembre, Louise, vicomtesse de Noailles donne le jour à un autre garçon portant le nom de Alfred-Louis-Dominique-Vincent-Paul.
Le 2 octobre, le Maréchal duc de Mouchy, de retour de son commandement de Guyenne, a eu l'honneur de faire sa révérence à Leurs Majestés et à la Famille Royale.
Et au mois de décembre, Clotilde, la marquise du Roure épouse en seconde noce, Jean-François-Béranger, comte de Thésan du Poujol et maître de camp de cavalerie ; il décèdera en 1804.
En l'an 1785.
Le 23 janvier, la marquise d'Aguesseau a eu l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la duchesse d'Ayen. (Marie-Catherine de Lamoignon de Basville, épouse d'Henri-Cardin-Jean-Baptiste, neveu de la Duchesse d'Ayen, Grand-prévôt maître des cérémonies de l'Ordre du Saint-Esprit.)
Au mois de mars, Gilbert de La Fayette achète une plantation en Guyane du nom de La Belle Gabrielle situé sur la côte de l'Amérique du Sud sur une concession de terre (Cayenne), dans le but d'un projet concernant l'affranchissement des soixante-dix esclaves où ils cultivent le caféier, le cacaotier, le cannelier, etc.
Le 29 mars, le Roi s'est rendu en cérémonie à l'église de la paroisse Notre-Dame, le Maréchal de Mouchy tenait la nappe du côté du Roi.
Le 30 mars, l'Assemblée générale du Connecticut a passé un acte par lequel elle accorde au marquis de La Fayette et à son fils George-Washington La Fayette, tous les privilèges et immunités dont jouissent les citoyens de cet État. La Virginie, de son côté, a fait exécuter deux bustes de cet officier ; son dessein est d'en faire remettre un de sa part à la ville de Paris, et de faire placer l'autre dans l'endroit où la législation sera mettre la statue du Général Washington.
Le 2 avril, Pauline de Montagu perd sa première fille de maladie.
Le 4 avril, le marquis de Noailles, Ambassadeur de Sa Majesté Très-Chrétienne, eut à neuf heures du matin, une audience particulière de Sa Majesté Impériale (de Vienne), à laquelle il fit part de l'heureux accouchement de la Reine de France, et de la naissance de Monseigneur le Duc de Normandie.
Le 11 mai, le marquis de La Fayette écrit une lettre de Paris à George Washington : « Les protestants, en France, sont soumis à un intolérable despotisme. Quoiqu'il n'y ait pas à présent de persécution ouverte, ils dépendent du caprice du Roi, de la Reine, du parlement ou d'un ministre. Leurs mariages ne sont pas légaux ; leurs testaments n'ont aucune force devant la loi ; leurs enfants sont considérés comme bâtards ; leurs personnes comme pendables. Je voudrais amener un changement dans leur situation. »
Le 29 mai, le Roi a accordé les entrées de sa chambre au marquis de La Fayette.
Avant le 14 juillet, Lafayette part pour la Prusse afin de continuer son apprentissage militaire, il est invité par le Roi Frédéric II dans son château Sans-Souci en compagnie de Charles Cornwallis ; il dira du monarque qu'il avait « le costume et la figure d'un vieux décrépit et sale caporal tout couvert de tabac d'Espagne avec la tête presque couchée sur une épaule et les doigts presque disloqués par la goutte. »
Le 1er août, le marquis de La Fayette, arrivé depuis quelques jours, a eu l'honneur de rendre ses devoirs au Roi à Potsdam.
Le 12 août, il part en Silésie avec le brigadier du Portail et le colonel de Gouvion.
Le 4 septembre, le marquis et M. de Gouvion sont présentés à l'Empereur Joseph II d'Autriche, frère de Marie-Antoinette, par son oncle le marquis de Noailles.
Le 25 septembre, le marquis de La Fayette passa quelques jours pour la deuxième fois chez le Prince Henri, frère du Roi de Prusse ; personne qu'il apprécie.
Le 11 octobre, le Roi d'Espagne ayant disposé de l'Ordre de la Toison d'or, en faveur du prince de Poix, capitaine des gardes du corps du Roi, et Gouverneur de Versailles ; le chevalier a été reçu à Fontainebleau dans le cabinet de Monsieur, le duc d'Ayen capitaine des gardes du corps du Roi, lui servant de Parrain.
À la fin de ce mois, Lafayette rentre en France, après avoir quitté la Prusse, le 7 octobre.
Le 3 décembre, le marquis renonce à la pension de 780 livres, qui lui fut donnée par le Roi en 1759 à la perte de son père.
Le 6 décembre, le marquis de Noailles, Ambassadeur extraordinaire du Roi auprès de l'Empereur, Roi de Hongrie et de Bohême, de retour par congé, a eu l'honneur d'être présenté à Sa Majesté par le comte de Vergennes, Chef du conseil royal des finances, Ministre et secrétaire d'État ayant le département des Affaires étrangères.
En l'an 1786.
Dans l'année, il écrit de Paris trois lettres au général Washington :
Le 8 février : « Ce qui arrive à présent est une nouvelle preuve que les Rois ne sont bons à rien, si ce n'est à tout gâter, lors même qu'ils ont bonne intention. Les intérêts de l'Autriche sont, entre nous, trop soutenus par la Reine ; le comte de Vergennes n'incline pas de ce côté, mais il agit avec précaution. Entre nous, j'espère que dans le cours de l'hiver prochain, l'affaire des protestants prendra une bonne tournure. Un autre secret que je vous confie, c'est que j'ai acheté dans la colonie de Cayenne une plantation de cent vingt-cinq mille livres, et que je vais travailler à affranchir mes nègres, expérience qui est, vous le savez, mon rêve favori. »
Le 31 mai, la marquise de Pimodan a eu l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la marquise de La Fayette. (Charlotte-Sidonie-Rose Gouffier, épouse de Charles-Jean de Rarécourt de La Vallée de Pimodan, Brigadier.)
Le 29 juin, le Roi a été accompagné dans son voyage à Cherbourg et au Havre en allant par le prince de Poix, capitaine des gardes du corps en quartier ; et pour le retour s'est joint le marquis de La Fayette.
Au mois d'août : « Mon projet de Cayenne se présente mieux ; les dernières lettres que j'ai reçues sont très avantageuses. »
Le 13 août, le général Lafayette prend possession de la terre Langeac en Auvergne, du Seigneur Joseph de Lespinasse-Langeac acquise le 18 avril pour 188, 000 livre.
Le 24 septembre, à Pistoie, on a adopté les quatre propositions de l'assemblée du clergé de France de 1682 ; on a accepté pareillement les Articles présentés en 1677 par l'université de Louvain au Pape Innocent XI, et les douze Articles présentés par le Cardinal de Noailles à Benoit XIII.
Le 15 octobre, le marquis de Noailles, Ambassadeur de France à la cour de Vienne, arrivé mercredi dernier, de retour de Paris, a fait sa première visite au Prince de Colloredo et au Prince de Kaunitz.
Le 26 octobre : « Vous serez bien aise d'apprendre que j'ai de grandes espérances de voir la situation des protestants de ce royaume fort amélioré, non pas assurément autant qu'elle devrait l'être ; mais les absurdes et cruelles lois de Louis XIV seront grandement amendées. »
Le 8 novembre, Leurs Majestés et la Famille Royale ont signé le contrat de mariage du marquis de Grammont, avec Demoiselle de Noailles.
En automne, mademoiselle de Montclar, Angélique-Françoise-d'Assise-Rosalie de Noailles, née en 1767, épouse Alexandre-Marie-François de Sales Théodule, marquis de Grammont. Il est sous-lieutenant, puis capitaine dans le régiment de la Reine, grenadier dans la garde nationale et homme politique de la Haute-Saône ; il décèdera le 19 mai 1841 à l'âge de soixante-quatorze ans.
En automne, mademoiselle de Montclar, Angélique-Françoise-d'Assise-Rosalie de Noailles, née en 1767, épouse Alexandre-Marie-François de Sales Théodule, marquis de Grammont. Il est sous-lieutenant, puis capitaine dans le régiment de la Reine, grenadier dans la garde nationale et homme politique de la Haute-Saône ; il décèdera le 19 mai 1841 à l'âge de soixante-quatorze ans.
Le 20 décembre, la marquise de Grammont a eu, ce jour, l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la princesse de Broglie.
Dans la même année, Pauline de Montagu accouche d'une fille du nom de Noémi.
En l'an 1787.
Dans l'année, le marquis de La Fayette envoie cinq lettres de Paris à son ami George Washington.
Le 13 janvier : « Le Roi a convoqué pour la fin du mois une assemblée de notables, composée des principaux de chaque ordre du royaume, ne possédant pas de charge à la cour. Il y aura cent quarante-quatre membres, archevêques, évêques, nobles, présidents des divers parlements, maires de villes. La lettre du Roi annonce le projet de soumettre à l'examen des notables l'état des finances qu'il faut régler, les moyens d'alléger les charges du peuple et beaucoup d'abus à réformer. Mon vœu ardent et ma chère espérance est de voir cette réunion amener des assemblées populaires dans les provinces, la destruction de beaucoup d'entraves commerciales, et un changement dans le sort des protestants, toutes choses auxquelles je vais, avec mes amis, travailler de tout mon cœur, et dévouer mes faibles efforts. »
Au mois de février, le maréchal de Mouchy et le maréchal de camp de La Fayette, notables, sont installés au château de Versailles. La Fayette sera dans le second bureau sous la présidence du comte d'Artois.
Le 7 février : « Je me flatte que nous obtiendrons une sorte de chambre des représentants dans chaque province, non il est vrai pour fixer, mais au moins pour répartir les taxes, et que plusieurs droits qui gênent le commerce intérieur du royaume seront abolis. Il n'est pas probable que l'affaire des protestants soit soumise aux notables ; elle pourrait y échouer par les réclamations du clergé et d'un parti bigot. »
Le 21 février, parmi les personnes qui contribuent à l'établissement de quatre nouveaux hôpitaux, capables de suppléer à l'insuffisance de l'hôtel-Dieu de Paris sont le marquis de La Fayette, Maréchal de camp et armées du Roi : 12 000 livres ; le Maréchal duc de Mouchy : 12 000 livres ; le comte de Tessé : 12 000 livres ; le Maréchal duc de Noailles : 12 000 livres et le duc d'Ayen : 12 000 livres ; au total : 60 000 livres.
Le 22 février, le marquis de La Fayette participe à la première assemblée des notables à Versailles où il demande une baisse des impôts pour les plus pauvres et bien d'autres réclamations et le Roi se rendant à l'Assemblée des Notables fut accompagner par le duc d'Ayen, capitaine des gardes du corps du Roi, en quartier.
Au mois de mars, le suicide du comte de Simiane tache la réputation du marquis de La Fayette.
Le 22 mars, le marquis de Grammont, qui a eu l'honneur d'être présenté au Roi, a eu celui de monter dans les voitures de Sa Majesté, et de la suivre à la chasse.
Le 1er avril, dimanche des Rameaux, le Roi et la Reine ont aussi assisté, dans la Tribune, à la Grand'Messe, à laquelle la marquise de Grammont a fait la quête.
Le 5 mai : « À l'époque où nous allions nous séparer pour les fêtes de Pâques, j'ai demandé qu'il fût fait une enquête sur les marchés par lesquels, sous prétexte d'échanges, des millions avaient été prodigués aux princes et aux favoris. L'évêque de Langres (César-Guillaume de La Luzerne, catholique) a soutenu ma motion. On voulut nous intimider, et le frère du Roi dit, au nom de Sa Majesté, que de telles propositions devaient être signées ; sur quoi, je signai le papier que je joins ici. M. De Calonne alla chercher le Roi, et demanda que je fusse enfermé à la Bastille. Le Roi et sa famille, ainsi que les grands seigneurs de son entourage, à l'exception de quelques amis, ne me pardonnent pas les libertés que j'ai prises et le succès que j'ai obtenu parmi les autres classes de la nation. Nous avons amené le Roi à réduire les dépenses de quarante millions de livres par an ; nous demandons une plus grande publicité dans l'administration ; mais nous serons à la fin obligés d'approuver des emprunts et de créer des taxes. Ma santé a souffert durant l'assemblée, de manière à affecter un peu ma poitrine ; mais un bon régime, un peu de patience m'ont mis en chemin de guérison sans avoir été forcé d'interrompre le soin des affaires publiques. »
Le 8 mai, les chevaliers de l'Ordre de Saint-Michel se sont assemblés au couvent des Cordeliers de Paris et tenu un chapitre auquel a présidé, le Maréchal, duc de Mouchy, chevalier-commandeur des Ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit ; le Maréchal, duc de Mouchy, a reçu les chevaliers, au nom du Roi ; ensuite tous les chevaliers, le Maréchal duc de Mouchy, à leur tête, se sont rendus en l'église dudit couvent, et ont assisté à la messe solennelle qui se célèbre tous les ans le jour de l'Apparition de Saint-Michel.
Le 21 juin, le Maréchal de Mouchy ayant prié le Roi d'agréer sa démission du commandement de Guyenne, Sa Majesté en a disposé en faveur du comte de Brienne, lieutenant-général de ses armées.
Le 24 juin, le Roi a accordé les entrées de sa chambre au marquis de Bouzols.
Le 3 août : « L'esprit de liberté gagne beaucoup dans ce pays, les idées libérales se propagent d'un bout du royaume à l'autre. Notre assemblée de notables était une belle chose, excepté pour ceux qui l'avaient imaginée. Je ne puis dire que je sois en faveur à la cour, si par elle vous entendez le Roi, la Reine et les frères du Roi ; mais je suis amicalement avec l'administration actuelle. J'espère que l'affaire des protestants sera bientôt réglée suivant la motion que j'ai faite aux notables la veille de notre clôture. »
Le 9 octobre : « L'assemblée des notables a mis le feu aux matières combustibles. Le Comte d'Artois a été hué par la populace lorsqu'il est allé porter les ordres du Roi. On a brûlé quelques ministres en effigie. Le mécontentement est même si grand que la reine n'ose plus venir à Paris, de peur d'être mal reçue. D'après ce qui s'est fait dans ces six mois, nous parviendrons au moins à mettre dans la tête de tout le monde que le Roi n'a pas le droit de taxer la nation, et que rien dans ce genre ne peut être stipulé que par une assemblée nationale. Le Roi est tout-puissant en France ; il a tous les moyens de contraindre, de punir et de corrompre. Les ministres sont portés par inclination et se croient obligés par devoir à conserver le despotisme. La cour est remplie d'essaims de vils et efféminés courtisans ; les esprits sont énervés par l'influence des femmes et l'amour du plaisir ; les classes inférieures sont plongées dans l'ignorance. Les habitants des provinces reculées sont dégoûtés par le despotisme et les dépenses de la cour, de sorte qu'il y a un étrange contraste entre le pouvoir oriental du Roi, le soin des ministres pour le conserver intact, les intrigues et la servilité d'une race de courtisans d'une part, et de l'autre la liberté générale de penser, de parler, d'écrire malgré les espions, la Bastille et les règlements sur la librairie. L'esprit d'opposition et de patriotisme répandu dans la première classe de la nation, y compris les serviteurs personnels du Roi, mêlé à la crainte de perdre leurs places et leurs pensions ; l'insolence moqueuse de la populace des villes, toujours prête, il est vrai, à se disperser devant un détachement des gardes, et les mécontentements plus sérieux du peuple des campagnes ; tous ces ingrédients mêlés ensemble nous amèneront peu à peu sans grande convulsion à une représentation indépendante, et par conséquent à une diminution de l'autorité royale. Mais c'est une affaire de temps, et cela marchera d'autant plus lentement que les intérêts des hommes puissants mettront des bâtons dans les roues. Vous savez que mon ami M. de Malesherbes (Chrétien Guillaume de Lamoignon) a été rappelé au conseil. En tout, cette nouvelle administration est composée d'hommes honnêtes, et quelques-uns ont un mérite distingué. »
Le 8 novembre c'est l'ouverture de l'assemblée provinciale d'Auvergne pour la deuxième fois où le marquis de La Fayette est l'un des cinq membres de l'ordre de la Noblesse.
Dans l'année, Clotilde, la comtesse de Thésan, met au monde une fille prénommée Jeanne dont elle a pour surnom « Jenny ».
En l'an 1788.
Dans l'année, le marquis de La Fayette écrit de Paris trois lettres à George Washington.
Le 1er janvier : « Je lis très attentivement et avec un inexprimable intérêt la constitution nouvellement proposée (États-Unis). Je suis seulement inquiet de deux choses : 1°l'omission d'une déclaration des droits ; 2°les pouvoirs considérables confiés au président, joints à la rééligibilité, ce qui pourrait un jour ou l'autre en faire un stathouder (gouverneur de province, pour ce cas des États colonisées). Lors même que mes observations seraient fondées, je me tranquilliserais en songeant, d'abord que, si le peuple le désire, un bill des droits peut être rédigé, avant qu'il accepte la constitution. Pour moi, je souhaite avec ardeur obtenir un bill des droits et une constitution, et je voudrais que la chose pût s'accomplir, autant que possible, d'une manière calme et satisfaisante pour tous. »
Le 8 mars, le vicomte de La Rivière-Prédange, qui avait eu l'honneur d'être présenté au Roi, a eu, celui de monter dans les voitures de Sa Majesté, et de la suivre à la chasse.
Le 10 mars, Charles-César de La Tour-Maubourg est promu au grade de mestre de camp du régiment de Soissonnais.
Le 1er avril, le marquis de La Fayette obtient le commandement d'une brigade d'infanterie dans la division du Languedoc et du Roussillon, sous les ordres de son beau-père d'Ayen.
Le 25 mai : « Permettez-moi encore une fois, mon cher général, de vous conjurer de ne pas refuser la présidence. Mourir pour la liberté n'est pas la devise de ce côté de l'Atlantique. Les choses ne pouvaient en rester là ; le gouvernement a employé la force des armes contre des magistrats désarmés et les a chassés. — Et le peuple, direz-vous ? — Le peuple, mon cher général, a été si engourdi que j'en ai été malade, et les médecins ont été obligés de me rafraichir le sang. Ce qui a beaucoup augmenté ma colère, c'est un lit de justice où le Roi a créé une cour plénière, composée de juges, de pairs et de courtisans, sans un seul représentant réel du pays ; et l'impudence des ministres qui ont osé dire que tous les impôts et emprunts seraient enregistrés. Grâce à Dieu, nous l'avons emporté, et je commence à espérer une constitution. Au milieu de ces troubles et de cette anarchie, les amis de la liberté se fortifient journellement, ferment l'oreille à toute négociation, et disent qu'il leur faut une assemblée nationale ou rien. »
Mercredi : « Il y a un an que les cours souveraines ont reconnu leur incompétence ; je voulais alors qu'on indiquât les états généraux ; je voulais qu'on y détruisît les abus parlementaires, et que le Roi parût comme Charlemagne, au milieu de sa nation volontairement convoquée. Les ministres ont dit que j'étais républicain, et les gens soi-disant sages que j'étais trop vif. »
Le 12 juin, le Roi accompagné du prince de Poix, son capitaine des gardes, s'est rendu, de Saint-Cloud, à l'Hôtel Royal des Invalides.
Le 15 juillet, le Roi retire à Lafayette ses lettres de service de maréchal de camp et le dit à César, le marquis de La Tour-Maubourg : « Vous apprendrez, que le Roi m'a redemandé mes lettres de service, en même temps qu'on a mis à la Bastille les députés de la noblesse de Bretagne. » « On me distingue plus que je ne mérite en me punissant pour n'avoir fait que mon devoir. » Sa demi-disgrâce commence !
Fin juillet. Clotilde, la vicomtesse de Thésan, alors qu'elle va accouchée, elle tombe malade et meurt d'une embolie en peu de temps alors âgée de vingt-cinq ans ; les deux bébés qu'elle attendait ont succombé également.
Le 26 octobre, la Dame Barentin, a eu, l'honneur d'être présentée à Leurs Majestés et à la Famille Royale par la duchesse d'Ayen, et de prendre le tabouret chez la Reine. (Anne-Albertine-Antoinette Masson de Meslay, épouse du Seigneur Charles-Louis-François de Paule de Barentin, Garde des Sceaux.)
Le 10 novembre, le Colonel duc du Châtelet a prêté serment en cette qualité, au régiment des gardes-françaises en présence du Roi, entre les mains du Maréchal de Mouchy, que Sa Majesté avait nommé à cet effet.
Dans la même année, Pauline de Montagu met au monde une autre fille prénommée Clotilde. Alors que Louis, vicomte de Noailles et Gilbert, marquis de La Fayette faisant partis du groupe « Les patriotes » se retrouvent plusieurs fois sous l'influence de Gabriel de Mirabeau, chez M. Duport habitant rue du Grand-Chantier à Paris.
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